C’est grâce à un petit oiseau, le merle noir et la merlette, que nous pouvons savourer le fruit d’Isis, et son huile. L’arbre d’Athéna, l’olivier, ne peut pousser sans l’aide de cet oiseau, qui, par sa gourmandise, permet au noyau d’être transformé pour pouvoir germer dans la terre.
L’histoire de l’olive remonte à plus de 4000 ans avant notre ère dans la région de la Palestine, puis de la Crète. Mais nous connaissons son existence depuis plus de 37 000 ans grâce à un fossile.
Symbole de prospérité, de beauté, de justice, de santé et de paix dans différentes cultures, l’olivier est cité dans les trois livres sacrés des religions monothéistes. Le mot olive se retrouve dans différentes civilisations : Zirdum en sumérien, Zertum en hittite, Zeyta en araméen, Zaitum en arabe, mais aussi Ela en louwite, Oleum, Elaion en grec ou Oui, Olea en latin.
Dans l’histoire...
Les Hittites cultivaient l’olivier et utilisaient l’huile d’olive, notamment dans la cosmétique. Un des écrits hittites, traduit par l’Hittitologue Hans Gustav Güterbock, nous révèle que ce fruit était très précieux pour eux. "Tout comme l’olive a dans son coeur de l’huile, le roi, la reine, les princes et les habitants du pays Hatti souhaitent être dans le coeur et l’âme de la Déesse Mère."
Les vainqueurs des jeux panathéens remportaient des amphores d’huile d’olive de l’arbre sacré d’Athéna, et les vainqueurs des jeux olympiques se voyaient offrir une couronne de ses branches, alors que les vainqueurs des jeux pythiens recevaient une couronne de laurier.
De grands noms font l’éloge de ce fruit, comme Hippocrate qui conseille déjà l’utilisation de l’huile d’olive notamment pour les brûlures. Pline nous parle des bienfaits du vin pour l'"intérieur" du corps et de l’huile pour l’'extérieur" du corps. Et Galien de Pergame (actuelle Bergama) pense que l’olive, celle qui est conservée dans le vinaigre, renforce l’estomac et ouvre l’appétit.
Le mathématicien et philosophe réputé Thales de Milet (site antique d’Aydin) ayant réussi à prévoir une très bonne récolte d’olives, avait investi dans les oliveraies de Milet, mais également dans celles des bords de la mer Egée et de l’île de Cos ; il fit ainsi fructifier son investissement. (Revanche sur ceux qui lui avaient dit qu’être philosophe ne lui rapporterait rien !).
Culture et récolte des olives
Ce fruit est cultivé dès le cinquième millénaire avant notre ère. Il va se répandre grâce aux colonies phéniciennes et grecques et les côtes de la Méditerranée vont s’orner d’oliviers (Olea europea) grâce à des greffes ou des boutures. Le fruit est d’abord de couleur verte puis, entre les mois d’octobre et novembre, il noircit pour arriver à maturation. Il sera cueilli plus vert ou plus noir en fonction de son utilisation.
Quelle que soit la technique utilisée, gaulage ou cueillette à la main, la récolte représente, traditionnellement, une redoutable épreuve d’endurance, s’enchaînant aux moissons et aux vendanges. De la moisson aux olivades, les travaux ne cessent pas.
Avec l’arrivée des Romains, la culture de l’olivier va s’intensifier, et des textes, expliquant son développement, nous sont parvenus, ainsi que des textes de lois pour son commerce et sa réglementation.
Les utilisations de l'olivier
Tout au long de l’histoire, l’huile d’olive a servi pour de multiples usages: l’éclairage, la cosmétique, la cuisine (olive, huile), la médecine (massage, crème), la santé ou l’hygiène (savon, huile), ou encore les cérémonies religieuses.
De même, le bois d’olivier est-il connu depuis des temps immémoriaux pour ses très bonnes qualités de chauffage. L’agronome romain du IIème siècle av. J.-C., Caton l’Ancien, dans son traité "De agricultura" recommande les mesures suivantes : "Mettez en réserve au bûcher le bois de chauffage pour le maître ; les rondins d’olivier (codicillos oleagineos), les souches, en tas dehors (…)". Se chauffer au bois d’olivier constituait un élément de distinction sociale, fondé tant sur le coût en rapport avec les qualités intrinsèques du bois (combustion lente, haut rendement calorifique, cendres réduites) que sur sa symbolique élitiste. Naître sous un olivier était également le signe d’appartenance à une famille noble chez les Grecs et les Romains, en référence à Artémis et Apollon.
L’huile d’olive
Le produit, en fruit ou en huile, est vraiment important dans la culture d’Anatolie. Et pour cause, il y est cultivé et consommé depuis plus de 2500 ans.
Les olives pouvaient être soit foulées au pied à l’aide de sandales de bois, soit écrasées avec un pilon et un mortier, par une roue en pierre ou dans des presses. Les premières presses mécaniques sont originaires de l’une des plus anciennes et des plus réputées exploitations d’huile d’olive, Klazomenai (Clazomènes), la ville natale d’Anaxagoras, située non loin de la ville égéenne d’Urla, et jouxtant le site et le port de Limantepe, habité dès le troisième millénaire avant notre ère. Cette cité ionienne devient l’un des centres actifs du commerce en particulier d’huile d’olive vers l'Égypte et la Thrace. Grâce aux travaux des archéologues, il est aujourd’hui possible de visiter et de comprendre le mécanisme dans le lieu de production de l’huile d’olive de Klazomenai. Une véritable usine d’huile d’olive.
Une production importante d’olives en Turquie
En raison d’une forte demande, en fruit ou en huile, la culture des oliviers engendrera un accroissement économique très important entre le IIIème et le Vème siècles. Et ce commerce de l’huile d’olive continue toujours.
D’après les dernières sources, la Turquie est la 3ème productrice mondiale d’olives, mais la 2ème en consommation. Pour l’huile, elle est la 5ème en production et en consommation, et la 6ème comme exportatrice mondiale. D’ailleurs de nos jours encore, les Turcs consomment des olives au petit déjeuner notamment à Gaziantep pour le Zeytinli Kavurma (rôti aux olives) ou pour le Cevizli Zeytinli Yumurta (l’omelette aux pousses d’ail, olives et noix), et ils utilisent l'huile d'olive pour les mezzés.
Et n’oublions pas la lutte, Güres, leur sport national, où les participants s’enduisent le corps d’huile locale ! (3 tonnes pour le dernier championnat).
De nouvelles exploitations essaient de produire, comme dans les temps anciens, de l’huile d’olive de bonne qualité avec des méthodes qui n’abîment pas les arbres. Pline conseillait déjà de préserver les arbres lors de la récolte, et c’est sa méthode qui est encore utilisée par certains producteurs : la cueillette à la main ou avec un peigne électrique qui permet de laisser des olives sur les arbres pour les oiseaux, contrairement aux méthodes plus violentes qui secouent le tronc de l’olivier et l’affectent davantage.
De nos jours, la visite de la ville antique de Teos (Sigacik) ressemble à une balade dans une oliveraie. De très vieux oliviers vous accompagnent tout au long de votre découverte des lieux. Connue pour son temple de Dionysos, la petite ville l’est aussi pour ses vieux oliviers. Le plus vieux, âgé de plus de 1800 ans, est nommé Umay Nine ("Grand-Mère Umay"), du nom de la déesse de la nativité dans la mythologie turque. En 2018, la récolte de ses olives et la vente de son huile ont permis d’offrir des bourses aux élèves de la ville. Le demi-litre s’est vendu à plus de 30 000 livres turques lors d’une vente aux enchères.
La ville antique de Tlos (vers Fethiye) nous révèle, grâce aux fouilles archéologiques de ses environs, différents lieux de production effectuée par des méthodes de presse (Trapedum / Mola oleria / Tudicula).
Dans l’un des villages d’Antioche, Tokaçli, où vit encore une communauté Romariote (orthodoxe de l’Empire Romain), il y a une méthode ancestrale différente d’extraire l’huile d’olive : une fois l’olive pressée, c’est dans de l’eau à 25 degrés que les femmes, à mains nues, récoltent l’huile.
Les travailleurs du moulin dégustent le Zinani (Zinnane). Zinani signifie le "petit- déjeuner venu du paradis". Les travailleurs n’ayant pas le temps d’aller manger, du pain venu directement du four est apporté et trempé dans la nouvelle huile d’olive obtenue. Actuellement, une vieille presse en pierre accueille un joli musée de l’olive.
Variété d’olives en Turquie
En fonction des régions de la Turquie que vous traverserez, vous trouverez des variétés d’olives différentes, certaines seront utilisées pour l’huile et d’autres pour leur consommation directe selon trois techniques de préparation. Des variétés comme Memecik, Domat ou Erkence se trouvent sur la côte égéenne (57% de la production). Dans la région de Marmara (11,1% de la production) ce sera plutôt celles de Gemlik, Tirilye, Edincik. Dans la région méditerranéenne (26,3 % de la production) vous trouverez celles de Halhali, Sari Hasebi. Enfin, dans la région de la Mer Noire (0,4% de la production) ce seront les variétés de Sati, Butko alors que dans la région Sud- Est (4,4 % de la production) ce seront celles de Egriburun, Kalembezi, et bien d’autres encore.
Généralement les olives des arbres sauvages appelées "deliçe" sont utilisées pour la pharmacologie, (sauvage : Olga Europe oleaster- domestique : Olga Europe sativa).
Arbre sacré de la mythologie, l’olivier incarne des valeurs fortes mais revêt également une importance économique indéniable.
Chanté, loué, de l’Orient à l’Occident, l’olivier constitue un lien entre toutes les civilisations, les peuples, les cultures ou les religions de la Méditerranée. Cet arbre est un véritable emblème de nos paysages méditerranéens.
Voici, pour finir, une recette de Caton l’Ancien, (intéressé par l’agriculture, mais aussi par la cuisine !) qui proposait une sorte de "tapenade" : epityrum (en latin: l’après-fromage), un condiment qui était consommé avec le fromage.
"Faire un epityrum vert, noir ou de couleur intermédiaire de cette manière : utiliser des olives dénoyautées vertes, noires ou mélangées. Les assaisonner : les broyer et ajouter huile, vinaigre, coriandre, cumin, fenouil, rue et menthe. Mettre dans un petit pot avec de l’huile par dessus. C’est prêt à l’usage".
Retrouvez la recette en vidéo, en cliquant ICI.
Bon appétit !