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ANNEE DU BRESIL AU PORTUGAL - Exposition de photographies de Raphaël Blum "Suites brésiliennes"

Écrit par Lepetitjournal Lisbonne
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 21 novembre 2012

L´année du Brésil au Portugal vient de commencer en septembre et à cette occasion l´Institut Français du Portugal s´est associé à la Casa da América Latina. Les deux institutions présentent une exposition de photographies intitulée "Suites brésiliennes", l´auteur est un photographe français Raphaël Blum. Ce dernier fasciné par la variété de personnes du monde urbain partage, à travers cette exposition, son regard sur les gens qu´ils a croisé au Brésil. Nous avons échangés quelques propos avec lui au cours desquels il nous décrit sa démarche.

(Photos : M.J. Sobral)

Lepetitjournal.com/Lisbonne : Comment a surgi l´idée de photographier des personnes et plus particulièrement au Brésil?
Raphaël Blum : J'ai commencé à photographier des passants à Buenos Aires au début des années 2000. J'ai ressenti la nécessité d'établir une relation à la fois avec l'espace de la rue et avec ceux qui y transitaient ou qui y habitaient. La ville contemporaine est extrêmement fascinante à cause de la variété de types humains qu'on peut y croiser, mais aussi extrêmement frustrante, dans la mesure où il n'existe à première vue aucune possibilité de rentrer en contact avec eux. La ville est un tissu de trajectoires solitaires. C'est pourquoi j'ai commencé à associer dans un premier temps les passants à mes propres trajectoires urbaines, m'efforçant de relier à chaque intersection de rue une personne particulière. L'ensemble correspondait alors à un itinéraire, à une ligne dont les étapes étaient les personnes rencontrées. Car il s'agit toujours de rencontres.
J'ai étendu ce projet sur les typologies urbaines initié à Buenos Aires, à l'ensemble des pays du cône sud de l'Amérique Latine. Le Paraguay, le Chili, l'Uruguay et le Brésil. J'ai également réalisé des séries à Paris, en Asie du Sud Est, à Manille et à Jakarta.

Sur combien de temps avez-vous recueilli ces photos et dans quelles villes du Brésil ?
Je photographie des passants au Brésil depuis 2007 et continue à le faire à chacun de mes séjours, lorsque l'occasion se présente de rencontrer une personne intéressante. J'ai déjà collecté des images de passants dans une demi-douzaine de villes, allant de Porto Alegre à Recife, en passant par Curitiba, Sao Paulo, Rio et Salvador de Bahia. Dernièrement je suis passé par Corumba, à côté de la frontière bolivienne où j'ai également fait des rencontres intéressantes.

Les personnes ont-elles accepté facilement de poser ?


Généralement les personnes sont surprises par ma démarche, chose que j'apprécie beaucoup, et se laissent facilement prendre en photo. Je crois que dans cet espace d'anonymat qu'est la grande ville où il ne convient pas d'aborder l'autre, toute démarche qui lui porte une attention est bienvenue. C'est pourquoi les personnes sont souvent flattées de l'attention que je leur porte, et acceptent. Le regard qu'on pose sur les gens me semble essentiel, peu importe ce qu'on leur dit, car je ne connais pas toujours la langue du pays dans lequel  je voyage, comme le portugais du Brésil. L?acte photographique dans ce contexte est simplement le résultat de ce regard porté sur l'autre. Mais le regard est ici réciproque.

Quelles différences avez-vous ressenties au Brésil par rapport aux autres pays que vous aviez photographiés ?
Dans le contexte de l'Amérique du Sud, les Brésiliens, en comparaison par exemple aux Argentins, font souvent preuve d'une plus grande liberté vestimentaire et paraissent plus excentriques, vue de l'extérieur. Mais lorsque je les aborde ils sont souvent réservés, moins exubérants et démonstratifs que les Argentins.

Comment choisissez-vous les personnes ou personnages que vous photographiez ?

Je n'ai pas de règle. La personne doit me plaire, dégager quelque chose. Je suis généralement attentif à certains types de personnes, représentatifs de la scène urbaine. Les marginaux, les personnes costumées à caractère folkloriques ou excentriques qui sont souvent des "personnages" ; les petits métiers comme les marchands ambulants, mais aussi les clowns, les musiciens ou les acteurs de rue ; les Lolitas, ces jeunes filles qui affichent librement la mode du jour, souvent avec un certain érotisme et qu'il me plait aussi d'appeler les "papillons" ; les personnes de l'ombre, comme les prostituées ou les travestis.  

Quelle est la relation entre le fond de l´image, la personne et la lumière ?

Je photographie toujours les personnes à l'ombre. Un premier repérage de l'espace est nécessaire et précède généralement mon activité de chasseur de passants. La relation que j'établis entre les personnes et le fond varie en fonction de leurs caractéristiques. Je regarde avec la même attention mes modèles de circonstance que le mur devant lequel je leur demande de poser. Dans certains cas le sujet se fond dans le décor du mur, dans d'autres cas il s'y oppose. L'absence de lumière forte et orientée supprime les ombres et renvoie le modèle au plan du mur, ce qui évoque en effet le tableau et la peinture moderne, celle qui niait la profondeur, la perspective. Mes personnages sont sans perspective, la perspective a à voir avec la distance. J'essaie au contraire de les arrêter pour mieux les regarder, les apprécier et les fixer dans un espace de proximité, leur donnant ainsi une plus grande présence. Car ne l'oublions pas, la photo comme la peinture reste plane, bidimensionnelle.

Votre travail a un caractère ethnographique, dans quelle mesure vous considérez-vous comme un photographe ethnographe ?
On peut en effet dire les choses comme cela.  Mais je me considère d'abord comme un artiste qui utilise la photographie dans le contexte de l'anthropologie ou de l'ethnographie. Ma fréquentation assidue de certains mondes comme celui de l'Amérique Latine ou de l'Asie du Sud-Est depuis la fin des années 80 m'a amené, à partir de la fin des années 90, à travailler sur ces différents contextes et à construire une ?uvre à caractère nomade, où le voyage et la rencontre avec l'autre sont les sujets récurrents.
Les projets que je développe ici et là prennent en effet la forme d'ensembles  photographiques (mais mes photos ont peut-être plus à voir avec l'héritage de l'art moderne, la peinture et la sculpture, comme celle de Beuys qui considérait l'espace réel comme le support de l'art, qu'avec l'histoire de la photographie), d'installations où je confronte parfois l'image et l'objet, de vidéos, de dessins?

Si je dois me situer dans le champs de l'ethnographie, c'est bien en tant qu'artiste, car la relation que j'établis avec l'autre passe toujours par l'art, c'est à dire par une certaine subjectivité et par l'imaginaire. Je choisis les personnes que je souhaite prendre en photo, mais je leur laisse toujours le choix de la pose, parfois celui des vêtements et du lieu.
L'art est plus proche de la fiction, et ainsi du mensonge, mais on ne le sait pas toujours. Je ne sais pas si les personnes que je sollicite sont beaux ou belles, mais j'aime qu'elles le deviennent.

Propos recueillis par Maria Sobral (www.lepetitjournal.com/lisbonne.html) mardi 2 octobre 2012

IFP: Du 19 septembre au 27 Octobre
Av. Luís Bívar, 91 - Lisbonne
Du Lundi au vendredi, 8h30 ? 21h00;
Samedi, 8h30 ? 13h00
http://www.ifp-lisboa.com/index.php/agenda-detail/events/suites-bresiliennes.html

CAL: Du 19 septembre au 30 de Novembro
Av. 24 de Julho, 118-B - Lisbonne
Du Lundi au Vendredi, 9h30 ? 13h00 et de 14h00 ? 18h30. Fermé le Week-end.
http://www.casamericalatina.pt

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Publié le 2 octobre 2012, mis à jour le 21 novembre 2012

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