Après avoir fait parler de lui en écrivant surtout des romans policiers, notamment la série Victor Coste, Olivier Norek a fait sa première incursion dans le roman historique avec à la clé un grand succès à la fois parmi les lecteurs et parmi la critique avec le roman "Les guerriers de l´hiver".
Le roman Les guerriers de l´hiver raconte l´histoire de Simo Häyhä, un sniper devenu mythique dans la guerre de 105 jours où la Finlande a vaillamment résisté à l´Union Soviétique. Ce roman fut couronné du Prix Jean Giono et du Renaudot des Lycéens 2024.
Olivier Norek
Il y a souvent un préjugé chez une certaine critique à l´égard de toute littérature que l´on ne peut classer comme littérature générale. Les polars, même quand ils sont bien ficelés, suscitent parfois ne serait-ce qu´une toute petite méfiance, comme si l´on ne pouvait jamais les tenir pour de la littérature de tout premier ordre alors que des maîtres du genre étaient autrefois considérés comme de grands écrivains. Dans le cas, par exemple, de Georges Simenon, les romans policiers ont même éclipsé d´autres titres de l´auteur qui ne faisaient pas partie du même genre. Toujours est-il que cette méfiance s´est peut-être diluée ces derniers temps grâce à des auteurs de romans policiers qui se sont aussi singularisés dans d´autres genres comme Pierre Lemaître (Prix Goncourt 2013 avec Au revoir là-haut), Romain Slocombe, et maintenant Olivier Norek.
Né en 1975 à Toulouse, Olivier Norek, ancien capitaine de police judiciaire en Seine Saint-Denis, a fait parler de lui notamment avec la tétralogie Victor Coste. Ses romans policiers abordent des thèmes politiques et sociaux engagés. Lors de la dernière rentrée d´été 2024, il a défrayé la chronique en publiant un remarquable roman, Les guerriers de l´hiver (Prix Jean Giono et Prix Renaudot des lycéens).
Les guerriers de l´hiver, un roman sur la guerre de 105 jours entre la Finlande et l´Union Soviétique
Les guerriers de l´hiver raconte l´histoire de Simo Häyhä, un sniper devenu mythique, surnommé la «Mort blanche», qui a participé dans la guerre de 105 jours, «La Guerre d´Hiver» -qui s´est amorcée le 30 novembre 1939 et a pris fin le 13 mars 1940-, où la Finlande a vaillamment résisté à l´Union Soviétique. Les résultats de la guerre sont mitigés. Outre ses lourdes pertes humaines, la Finlande se voit dépossédée, aux termes du traité de Moscou, de 10 % de son territoire et de 20 % de son potentiel industriel. Elle cède également la deuxième ville du pays, Vyborg (Viipuri en finnois). Cependant, les Finlandais conservent leur souveraineté et gagnent une reconnaissance à l'échelle internationale. Par-dessus le marché, la notion de sisu (l'esprit de ténacité des Finlandais) est élevée au rang de mythe national. Il faut ajouter que la Finlande a résisté à un pays environ quarante-sept fois plus peuplé et soixante -six fois plus étendu qu'elle.
La cohésion des Finlandais fut cimentée par la décision du général Carl Gustaf Emil Mannerheim, président du Conseil National de Finlande, de mobiliser localement afin que les frères, les amis, les voisins, se battent au coude à coude et combattent, dans la mesure du possible, en terrain connu. Inversement, l'armée rouge était constituée de troupes hétérogènes, enrôlées dans les divers territoires de l´Union Soviétique. Donc, le moral et la détermination des agressés étaient donc cent fois supérieurs à ceux des envahisseurs. L'hiver fut particulièrement rigoureux et neigeux, les Finlandais étaient plus habitués et mieux équipés pour combattre sous des températures glaciales (plongeant jusqu'à moins 50°). L'armée rouge, quant à elle, avait été purgée par Staline des meilleurs officiers, soupçonnés de divers complots, et les commissaires politiques de Molotov, dénués de toute formation militaire, n´ont pas toujours pris les meilleures décisions tactiques et stratégiques.
Un des épisodes les plus importants dépeints par l´auteur avec un énorme doigté est celui de la mise en scène d´une attaque présumée de la Finlande le 26 novembre contre les troupes soviétiques qui occupaient le nord-ouest du village russe de Mainila. Étant donné que la Finlande n´a évidemment pas présenté les excuses exigées par les Soviétiques, ceux-ci ont résilié deux jours plus tard le pacte de non-agression de 1932 entre les deux pays et ont franchi la frontière le 30 novembre 1939.
Pour ce qui est de Simo Häyhä, le héros du roman et de la «Guerre d´Hiver», on se rend compte le long de l´histoire qu´il était un homme à la fois humble et fort courageux. Au championnat national de tir des Gardes Civiles de Finlande, il s´est singularisé par son panache comme nous le décrit l´auteur à la page 25 : «Que Simo remportât le concours, personne n´en avait réellement douté. Ce fermier, soldat de réserve comme la plupart des jeunes hommes de Finlande, discret et modeste, pas vraiment plus grand que son fusil, laissait rarement leur chance aux autres concurrents. C´était dans son sang, ce sang qui palpitait au bout de son doigt posé sur la détente, son sang du même rouge que le centre de la cible qu´il ne ratait jamais. Absolument jamais».
Aujourd´hui encore Simo Häyhä est considéré comme le meilleur tireur d´élite de tous les temps. Son héroïsme lui a laissé des séquelles. Le 6 mars 1940, Häyhä a reçu une balle explosive dans la mâchoire. L'explosion a arraché une partie de sa mâchoire inférieure, sa bouche étant ouverte. La blessure l´a plongé dans un profond coma. Il fut ramassé par des soldats de son unité qui ont affirmé à son propos « qu'il lui manquait la moitié de la tête ». Il a repris conscience le 13 mars 1940, jour de l´entrée en vigueur du cessez-le-feu. Il a fallu quatorze mois d'hospitalisation et plusieurs opérations successives pour que son apparence physique fût stabilisée. Peu de temps après la guerre, il fut promu du grade de alikersantti (caporal) à celui de vänrikki (sous-lieutenant) par le maréchal Carl Gustaf Emil Mannerheim. Simo Häyhä est décédé en 2002 à l´âge de 96 ans.
Avec Les guerriers de l´hiver, Olivier Norek a non seulement signé un très beau roman historique, mais il nous a également fait connaître l´héroïsme de tout un peuple et celui d´un homme en particulier. Ce roman nous rappelle aussi -les tristes nouvelles quotidiennes sont là pour nous le prouver- que parfois la vie n´est malheureusement qu´un éternel recommencement…
Olivier Norek, Les guerriers de l´hiver, éditions Michel Lafon, Paris, août 2024.