Exposition au MAAT : deux artistes influencés par la France et le Portugal
Les expositions "Gestes" d'Ana Léon et "Transe" de Rui Moreira sont disponibles jusqu'au 2 juin au Musée d'Art, d'architecture et de Technologie (MAAT) Central de Lisbonne.


Les expositions « Gestes » d'Ana Léon et « Transe » de Rui Moreira sont disponibles jusqu'au 2 juin au Musée d'Art, d'architecture et de Technologie (MAAT) Central de Lisbonne.
Ces deux artistes, aux parcours marqués par des influences françaises et portugaises, offrent des visions singulières de la création contemporaine, entre cinéma d'animation et dessin détaillé. Lepetitjournal s'est rendue à l'exposition pour rencontrer les artistes et en savoir plus sur ces expositions.
« Gestes » : Le questionnement du mouvement répété
Ana Léon, une artiste entre Lisbonne et Paris
Née à Lisbonne en 1957, Ana Léon vit et travaille aujourd'hui à Paris. Diplômée des Beaux-Arts de Lisbonne, elle obtient par la suite une maîtrise en esthétique à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Élevée dans un environnement bilingue grâce au lycée français, elle a toujours su qu'elle voulait devenir artiste. Son parcours, soutenu par des bourses et une famille encourageante, l'a mené à exposer entre la France et le Portugal.
Entre dessin et film d'animation, elle développe son art et expérimente des techniques telles que le stop motion (on interrompt l'enregistrement de la caméra avant de le reprendre afin de déplacer les objets progressivement, créant ainsi l'illusion qu'ils s'animent). Son travail se précise à travers des figures hybrides entre l'humain et l'humanoïde. Les poupées masculines utilisées dans son récent travail sont articulées, de façon à questionner la répétition et la gestuelle, puis l'automate et l'être vivant.

L'exposition « Gestes » : six films
Présentée dans six salles, l'exposition « Gestes » propose une série de courts films où des poupées masculines y apparaissent dans un plan américain, répétant des gestes du quotidien.
Ces boucles mettent en scène des poupées des années 80 : des Action Man de 25 cm de haut. Ana Léon souhaite accentuer un sentiment de dépersonnalisation par ces poupées, qui sont peu expressives, et présentent des gestes, habits et fonds lumineux et sonores assez similaires. Le message est clair : il n'y en a pas qu'un seul, et il est donné à l'interprétation de chacun.
Lepetitjournal.com/Lisbonne : quel est le message que vous souhaitez faire passer derrière la fragilité de ces poupées ?
Ana Léon : Mes films ne contiennent pas une idée unique, c'est quelque chose qui doit ouvrir des chemins, qui doit garder un côté mystérieux. Ce que je cherche à transmettre à travers l'art et qui a la particularité de ne pas être objectif, c'est justement de ne pas avoir un seul message.

L'exposition Transe : l'art comme voyage intérieur
Rui Moreira, le dessinateur du détail et du spirituel
Originaire de Porto (1971), Rui Moreira est l'un des artistes contemporains portugais les plus reconnus. Il est notamment connu pour ses dessins de grands formats, détaillés à l'obsession avec une précision extrême, et influencés par ses voyages dans des paysages sauvages (désert, jungle amazonienne et autres). Son attachement au désert marocain a profondément influencé ses peintures et lui a permis d'atteindre un haut niveau de concentration.
Rui Morerira déclare : « Je suis tombé amoureux du désert, parce que si d'un côté ce sont des paysages de mort, c'est grâce à cela que je me sens plus vivant, et dans un sentiment de survivalisme. Grâce au silence, à la chaleur, c'est là-bas où je suis le plus concentré sur mon travail. C'est un lieu de réflexion, de médiation, qui est ancré à l'intérieur de moi et j'y reviens toujours ».

Rui Moreira a exposé dans de nombreuses institutions comme le Mudam au Luxembourg, la galerie Jeanne Bucher Jaeger à Paris, au Musée national d'art contemporain du Chiado. Collaborant avec la galerie parisienne Jeanne Bucher Jaeger depuis 2008, Rui Moreira entretient des liens forts avec la scène artistique française, où il expose régulièrement.
L'Exposition « Transe » : une approche de la création par le psychique
Première exposition anthologique de l'artiste, « Transe » rassemble près de 80 œuvres retraçant 20 ans de création.
Le titre révèle sa démarche artistique : l'état de Transe. Cet état de concentration ultime mène au dessin qui devient une forme de méditation pour l'artiste. L'intensité de ses créations à travers la réalisation, l'énergie et l'obsession du détail permettent d'appréhender sa démarche créative. Ses trois lignes de travail sont décrites par l'artiste comme la figuration, l'abstraction et le paysage. Lepetitjournal a alors questionné ce processus singulier :
Votre processus créatif est très minutieux, vous dites mélanger le spirituel et l'art, est-ce que la création de votre travail est une forme de méditation ?
Rui Moreira : Ça ne l'est pas de manière directe, mais vous avez raison quand vous dites que je travaille avec beaucoup de détails, cela me prend beaucoup de temps et c'est intentionnel. Beaucoup d'heures, de jours voire de mois vont être nécessaires pour un seul dessin, car après un certain temps, vous rentrez dans une forme d'état méditatif, et après cela, quand vous êtes très fatigué, vous arriver au stade de la transe. C'est le nom de l'exposition, la transe, c'est ce qui vient après la fatigue, on est si fatigué qu'on ne la sent même plus et la création vient de manière plus naturelle. Je pense que tout le monde travaille mieux en état de transe, que ce soit par des transes avec de la danse, des transes magiques ou avec d'autres sortes de transes, tout fonctionne avec l'art.

L'influence de la France et du public français comme tremplin pour les artistes portugais
Ana Léon ou Rui Moreira, ont tous deux construit une partie de leur carrière en France et bénéficient d'un réseau artistique et d'un public international consolidé. Là où le Portugal se développe plus lentement notamment au niveau de la culture, les artistes vont d'eux-mêmes chercher des supports en dehors du pays, pour leur développement.
Lepetitjournal.com/Lisbonne : Vous avez obtenu une maîtrise en esthétique à la Sorbonne, quelle est l'influence de votre parcours entre la France et le Portugal ?
Ana Léon : Lors de ma première exposition dans les années 80, le conseil culturel français de Lisbonne est venu voir l'exposition. Etant donné que le Portugal ne faisait pas encore partie de la communauté européenne, j'ai demandé une bourse à Paris, et j'ai obtenu celle de la Sorbonne en maîtrise d'esthétique. J'ai par la suite reçu une bourse de la fondation Gulbenkian mais deux ans après… je m´étais installée en France et je suis restée à Paris. J'avais pensé à l'époque que j'allais revenir comme beaucoup d'artistes qui vont et qui viennent, mais finalement j'ai fait ma vie là-bas et je suis encore là-bas, toujours en transit entre Paris et Lisbonne.
Vous avez décidé de rester vivre en France, est-ce qu'il y a des aspects artistiques en France plus intéressants ?
Effectivement, à l'époque j'ai trouvé beaucoup plus d'opportunités à Paris. Au Portugal dans les années 80 il n'y avait rien : pas la fondation Serralves, pas le CAM, c'était très limité. Nous les artistes on avait tous soif de voir autre chose. En plus, je connaissais déjà bien Paris : mon père est né là-bas, mes grands-parents y ont vécu, et j'avais encore un oncle là-bas à cette période. J'avais cette chance de pouvoir aller à Paris. J'étais bilingue, et j'étais élève du lycée français de Lisbonne.
Lepetitjournal est a aussi rencontré Rui Moreira pour connaître sa conception de son art à l'étranger et savoir si son ressenti s'apparentait à celui d'Ana Léon :
Comment votre travail est-il perçu à l'étranger ? Est-ce que vous observez des différences dans la réception de votre art, entre le public international et le public portugais ?
Rui Moreira : Effectivement, je sens une différence dans la réception de mon art. Par exemple en France où j'ai l'habitude d'exposer plus qu'au Portugal, je sens que les gens vont davantage à mes expositions et vont d'ailleurs d'avantages au musée en général comparé au Portugal. Ici, cela commence à venir petit à petit avec de nouveaux musées mais il faut du temps. Je pense aussi qu'en France il y a beaucoup de musées, beaucoup de culture et de public, et j'aimerais qu'il y ait autant de budget alloué à la culture au Portugal, mais c'est encore très peu comparé à la France.
Avec Gestes et Transe, le MAAT propose une immersion dans deux univers singuliers où le mouvement et l'état de conscience modifiée se répondent. Ces expositions témoignent du dynamisme artistique entre la France et le Portugal, confirmant l'importance des échanges culturels dans la création contemporaine.
Informations pratiques sur le MAAT
Le Musée d'Art, d'Architecture et de Technologie est situé dans le quartier de Belém à Lisbonne. L'entrée s'élève à 11 euros, avec des réductions disponibles pour les jeunes, étudiants, seniors et demandeurs d'emploi.
Il est ouvert du mercredi au lundi de 10h à 19h à Av. Brasília, Belém, Lisbonne.
Pour plus d'informations rendez-vous sur le site : MAAT : Musée d'Art, d'Architecture et de Technologie
Informations pratiquesFini le2juin
Jusqu'au 2 juin à 18:00
Adresse
Av. Brasília, Belém
Lisbonne
Horaires
Ouvert du mercredi au lundi de 10h à 19h