Iola Nguyen est une serial entrepreneuse, slash musicienne, slash réalisatrice, et bien d’autres... Son parcours est celui d'une femme résiliente, qui a surmonté des obstacles pour transformer sa passion en réalité. De jeune fille au pair à entrepreneuse et artiste primée, elle nous raconte son histoire : un voyage vers la reconnaissance internationale, peu importe le prix !
D'où venez-vous, et comment vous êtes vous retrouvée à Londres ?
Je suis née au Vietnam, mais j'ai été adoptée à l'âge de 1 an par une famille française. J'ai grandi à Perpignan, un endroit où on ne croise pas beaucoup de diversité, et je pense que cela a beaucoup façonné mon parcours et mes envies d’ailleurs. Après un parcours en lettres, j'ai passé un an à l'université à Montpellier, mais je savais au fond de moi que je voulais aller à Londres, et ce depuis que j'ai 8 ans, car je voulais devenir chanteuse.
En 2012, j'ai sauté le pas et je suis partie. J'ai commencé comme jeune fille au pair à Milton Keynes. Dès mon premier jour, je me suis dit qu'il fallait que je poursuive mes ambitions, donc j'ai envoyé une démo à une radio locale. Ils m'ont recontactée et m'ont invitée. Le directeur de la station a aimé ce que je faisais et m'a donné accès à leur studio pour enregistrer. Ça a vraiment été un moment important pour moi.
Quelles étaient vos ambitions une fois à Londres ?
Après quelques mois, la situation avec la famille chez qui j’étais au pair s'est compliquée, et j'ai décidé de partir pour Londres. Mais les choses sont devenues encore plus difficiles (rires). Pendant environ quatre mois, j'ai été sans-abri. Je vivais avec seulement 100 livres en poche et je dormais un peu où je pouvais. C'était vraiment une période très sombre.
Par chance, j'ai réussi à décrocher un petit boulot dans un film de Bollywood comme figurante. Ça m'a sauvé la vie, littéralement, parce que lors de tournages, vous êtes nourrie. J’ai rencontré, sur ce tournage, celle qui deviendra une amie. Elle m'a proposée de venir chez elle. J'ai continué à faire des extras pour des films et des shootings photos pour gagner un peu d'argent, tout en continuant ma musique, bien sûr.
Mon objectif principal était de trouver un agent. Mais pour cela, il fallait être sur une plateforme appelée Spotlight, un essentiel pour les acteurs et actrices au Royaume-Uni. Sauf que pour y être, il faut des “crédits professionnels”. Donc je faisais tout ce que je pouvais pour accumuler ces crédits, en participant parfois à des projets non rémunérés juste pour pouvoir avancer.
Vous jongliez entre musique, castings, mannequinat et écriture de scénario ?
Absolument. En 2015, après être allée rendre visite à ma famille biologique au Vietnam, je suis revenue à Londres avec plus de détermination. En 2016, j'ai réussi à accéder à Spotlight, et j’ai signé, plus tard, avec un agent. Alors, les opportunités se sont multipliées.
J'ai eu des auditions pour des rôles dans des films, comme pour un long-métrage avec Henry Golding. J'ai aussi fait du mannequinat à Paris. Tout en continuant de travailler sur mes propres scénarios, car écrire a toujours été une passion pour moi. Je travaillais sur des tournages, puis le soir, je rentrais chez moi pour écrire des chansons ou des scénarios. C'était une période intense où je ne sortais pas. Mais c'est ce qu'il fallait pour avancer.
En plus de tout cela vous avez créé une plateforme technologique ?
En 2018, j'ai lancé ma propre plateforme. À l'origine, c'était un hobby. Je faisais des photos et des vidéos en freelance, (en couvrant notamment la Fashion Week à Londres) et je me suis rendu compte à quel point il était difficile de connecter les bons talents dans l'industrie, de façon fluide et honnête.
J'ai eu cette idée de créer une plateforme pour rassembler les professionnels et faciliter les collaborations artistiques, en essayant de combattre les arnaques qui sont malheureusement assez courantes dans ce milieu. Mon but était de créer un espace plus transparent, où l'on pourrait savoir avec qui on travaille, sans forcément se baser sur les followers, mais plutôt sur le talent réel. Ainsi est né meetkeypeople !
Qu'est-ce qui vous a poussé à ne jamais abandonner malgré toutes ces difficultés ?
Je dirais un mélange de survie et de passion. Il y a eu des moments où il fallait simplement que je trouve un moyen de subvenir à mes besoins. Mais la passion pour la création a toujours été mon moteur. Que ce soit dans la musique, le cinéma, l'écriture ou même en tant qu'entrepreneure, ce qui m'anime, est l'envie de créer. J'ai toujours eu tellement d'idées et de projets en tête que je me sentirais “incomplète” si je ne pouvais pas m'exprimer à travers ces différents medias.
Si vous deviez choisir une seule chose parmi toutes vos activités, laquelle garderiez-vous ?
C'est un choix vraiment difficile parce que chacune de ces activités est une partie de moi. Mais si je devais vraiment en choisir une, je pense que ce serait l'écriture. Elle est le cœur de tout ce que je fais. C'est grâce à l'écriture que j'ai pu m'exprimer pleinement, que ce soit à travers des scénarios, des chansons ou même mes projets de films.
Et ces projets vous ont permis de remporter de nombreux prix et distinctions !
Oui, j'ai eu la chance d’être récompensée dans plusieurs domaines. En 2019, j'ai remporté un prix pour ma vidéo musicale aux CAAFAS, un moment spécial pour moi, car c’est mon premier trophée. Ensuite, pendant la pandémie, deux de mes morceaux ont été sélectionnés pour apparaître dans la série américaine The Young and the Restless. Avoir ma musique dans une série était un rêve devenu réalité. En parallèle, j'ai continué à travailler sur mes scénarios. L'un d'eux est allé en quart de finale du concours de scénaristes The Big Break, Screen Writing Contest et je me suis aussi fait une place de choix au Austin Film Festival.
En 2022, j'ai réalisé mon premier court-métrage, The Dormant Truth, qui a remporté cinq prix internationaux. En plus de cela, j’ai également été demi-finaliste aux deux plus grands concours de composition de chansons : le UK Songwriting Contest et l'ISC (International Songwriting Competition), où les juges étaient Joe Hahn de Linkin Park, Coldplay, Laura Pausini.
D’ailleurs, même si c’était mal parti au début, j’ai toujours eu l’idée de créer ma propre plateforme entrepreneuriale, mais j’ai rencontré plusieurs embûches, surtout en ce qui concerne la formation d'une équipe. J’ai perdu trois à quatre ans à essayer de réunir les bonnes personnes. Mais j’ai fini par développer un prototype de ma plateforme, qui vise à connecter les professionnels du milieu artistique de manière plus transparente et collaborative.
Vous avez aussi été récompensée en tant que Business Woman ?
J’ai été récompensée, en 2022, par un Creative Business Award, décerné par Dan Gabble, un nominé aux BAFTA, et j’ai figuré parmi les finalistes du Asian Woman Achievement Award, en partenariat avec NatWest, dans la catégorie Art et Culture. C’était un moment fort, d’autant plus que j’étais finaliste aux côtés d’une lauréate d'un BAFTA. J’ai également eu l’honneur d’être interviewée par la télévision nationale vietnamienne !
Et maintenant, quels sont vos projets ?
En ce moment, je travaille sur l'obtention d'un visa pour les États-Unis. J'ai vraiment envie d'explorer encore plus de possibilités là-bas, notamment dans la musique et le cinéma. J'ai signé pour plusieurs morceaux de musique, et ma musique a été pitchée pour la série télévisée You de Netflix.
Je veux continuer à créer et à repousser mes limites. Je crois sincèrement au rêve américain, même si je sais que ce sera loin d'être facile. Le prix que j'ai remporté récemment, (le prix d'or des Stevie Awards), en tant que meilleure entrepreneuse dans les médias, m'encourage à poursuivre dans cette direction. Je veux continuer à écrire et créer, car il s’agit de la chose qui me stimule le plus.