Près de quatre cent personnes se sont adonnées hier, devant la Plaza de Toros de Ventas, au simulacre de la mort du taureau. Organisé par l'association Equanimal, ce « happening » visait à dénoncer les souffrances endurées par l'animal au sein de l'arène
(photo LPJ)
Ils sont tous torse nu, au milieu de Madrid. De loin, ils évoquent des visions de plages et d'horizons marins. De près, ce sont 400 corps, allongés à plat ventre, silencieux et piqués de banderillas, gisant parmi les flaques de sang... Une belle boucherie.
« Nous ne considérons pas les corridas comme une tradition espagnole et nous n'estimons pas qu'elles forment partie d'une quelconque culture», déclare Silvia Toval, porte-voix d'Equanimal. « Nous pensons que les traditions sont sensées enrichir les individus. Assassiner et torturer un taureau n'a rien d'enrichissant ».
Très vite le spectacle n'est plus vraiment lié à ces corps barbouillés de pseudo hémoglobine, qui rosissent lentement sous le soleil de midi. De fait, les passants s'agglutinent peu à peu, médusés. Commentaires et réactions de la foule ne tardent pas.
« Viva España ! »
« C'est un scandale ! Comment osent-ils ? Et les autres qui regardent, en plus ! », lance d'abord un couple puritain. Puis les invectives s'accélèrent. Nombreux partisans de la corrida se relaient pour prendre à parti les manifestants. « Le taureau ne souffre que 15 minutes ! Le reste du temps il jouit d'une vie de roi, en pleine nature ! Les vaches que vous mangez n'ont pas le droit à ce traitement ! ». « Viva España ! » rugissent quelques nerveux.
Inutile de compter les points, de comparer les arguments des uns et des autres. Les rhétoriques sont en fait bien huilées. Les raisonnements, assenés comme de grandes vérités, répétés à la virgule près. Et force est de constater qu'adversaires et partisans se connaissent sur le bout des doigts, se pratiquent depuis longtemps et ne cherchent nullement à se comprendre.
C'est finalement une autre forme de rupture que dénoncent ces corps nus, rouges de sang et cramoisis d'insolation. Une rupture plus profonde, qui traverse la société espagnole de gauche à droite, porteuse de valeurs et d'idéologies contraires.
Antoine Tesson (www.lepetitjournal.com) lundi 25 mai 2009
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