Pour tous ceux qui ne sont pas familiers avec ce terme, on vous rassure, c’est normal. On décortique. Digital est synonyme de numérique. Nomade : une personne en déplacements continuels. Ok, vous l’avez ? Être un digital nomade, c’est adopter un mode de vie où l’on travaille à distance tout en voyageant. Dit comme ça, ça sonne sympathique, mais comme tout, cela a ses avantages et ses inconvénients, même dans la péninsule ibérique.


Sous les palmiers, derrière les écrans
La plage de la Malvarrosa, à Valence, s’étire sous un soleil radieux. À quelques mètres des serviettes colorées et des joueurs de beach-volley, des ordinateurs portables s’ouvrent sur les tables d’un café branché. Depuis quelques années, les digital nomades affluent en Espagne, séduits par un mode de vie où le travail à distance se conjugue avec douceur de vivre. “L’Espagne, c’est une évidence pour beaucoup d’entre nous. Le soleil, les prix raisonnables, la culture chaleureuse... tout est plus simple ici”, résume Jérémy, installé à Valence depuis 2017.

Le télétravail a explosé après la pandémie, propulsant le phénomène des digital nomades. En 2023, l’Espagne comptait près de 2,3 millions de travailleurs à distance, soit environ 14 % de sa population active, un chiffre encore en dessous de la moyenne européenne (environ 20%) mais en pleine croissance (source : Eurostat). Madrid et Barcelone concentrent une grande partie de ces télétravailleurs, mais des villes comme Valence, Séville ou Malaga tirent leur épingle du jeu. Moins chères, plus accessibles et baignées de soleil, elles attirent une population de freelances et d’expatriés en quête d’un cadre de vie plus serein.
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Pourquoi l’Espagne séduit les digital nomades : loyers abordables et qualité de vie
Si l’Espagne s’impose comme un choix évident pour les digital nomades, c’est aussi pour son coût de la vie plus abordable. “À Lisbonne, les loyers ont flambé, à Barcelone aussi. Mais Valence reste une ville où l’on peut encore vivre confortablement sans exploser son budget”, raconte Antoine, UX designer français, qui a posé ses valises en Espagne après une première expérience à Budapest.
Selon une étude de Numbeo, le coût de la vie à Valence est inférieur de 30 % à celui de Paris, et un loyer moyen pour un appartement d’une chambre en centre-ville y tourne autour de 850 euros, contre plus de 1.300 euros à Madrid ou Barcelone. Mais l’attractivité ne repose pas que sur l’immobilier.
L’ambiance espagnole, entre convivialité et rythme de vie plus détendu, séduit aussi. “Ici, les Espagnols prennent le temps de vivre. On mange tard, on profite de la ville, et ça change complètement la façon dont on envisage ses journées”, confie Antoine. Pour ne rien gâcher, le pays dispose d’une solide infrastructure pour les travailleurs à distance : cafés équipés du Wi-Fi, espaces de coworking en plein essor et une communauté grandissante de freelances qui s’entraident. “Il y a une vraie dynamique. On se croise dans les meet-ups, on échange des bons plans, c’est super stimulant”, ajoute-t-il.
L’envers du décor : bureaucratie et organisation
S’installer en Espagne ne se fait pourtant pas sans quelques embûches. “Le rêve peut vite virer au cauchemar si on n’anticipe pas les démarches administratives”, prévient Éric, entrepreneur et consultant en digital. L’obtention du NIE (numéro d’identification des étrangers), indispensable pour ouvrir un compte bancaire ou signer un bail, peut se révéler un casse-tête. “Il faut s’armer de patience, les délais sont longs et les démarches fastidieuses”, ajoute-t-il.

La fiscalité est une autre épine dans le pied des digital nomades : nombre d’entre eux préfèrent conserver une résidence fiscale en France ou opter pour des montages plus souples, comme certains pays de l’est de l’Europe, qui offrent un cadre fiscal attractif pour les entrepreneurs du numérique.
L’image du digital nomade les pieds dans l’eau et l’ordinateur à la main, c’est un cliché mais ce n’est pas la vérité.
Au-delà des questions administratives, le digital nomadisme impose une discipline rigoureuse. Loin d’être une carte postale où l’on travaille les pieds dans l’eau, il nécessite une organisation millimétrée. “L’Espagne, c’est génial, mais la tentation est partout. Entre la plage, les tapas et les sorties, il faut vraiment s’imposer une routine, sinon on ne tient pas sur la durée. L’image du digital nomade les pieds dans l’eau et l’ordinateur à la main, c’est un cliché mais ce n’est pas la vérité”, reconnaît Jérémy.
Quelle place entre communauté locale et réseaux d'expatriés ?
Une autre difficulté reste l’intégration dans la société espagnole. Si les digital nomades bénéficient d’un environnement accueillant, l’apprentissage de la langue et les différences culturelles peuvent constituer un frein. “Je prends des cours d’espagnol depuis quelques mois, mais dans la vie de tous les jours, je me rends compte que je traîne surtout avec des francophones”, admet Antoine.
Ce constat est partagé par de nombreux expatriés, qui oscillent entre volonté d’intégration et facilité des cercles francophones. “Il y a une énorme communauté de Français en Espagne. Entre les groupes Facebook, les événements pour entrepreneurs et les apéros entre freelances, on peut facilement recréer un cocon”, raconte Éric.
Loin d’être un simple phénomène de mode, le digital nomadisme en Espagne semble s’ancrer durablement. Reste à voir comment les villes espagnoles absorberont cette transformation sans reproduire les écueils rencontrés à Lisbonne ou Barcelone, où la gentrification a poussé les prix vers le haut. Entre rêve et réalité, les digital nomades doivent, eux aussi, apprendre à trouver l’équilibre.