En charge du département des cours de français aux entreprises et des cours "Grand Public" au sein de l'Alliance française de Madrid, Paz Rosillo, Espagnole originaire de Madrid a passé toute son enfance à Strasbourg, avant de revenir dans la ville de ses origines, au début des années 90, pour enseigner le français langue étrangère (FLE).
"Ma passion c’est avant tout la langue, celle de Molière et celle de Cervantes", reconnaît-elle : passionnée de littérature, d'art et d'enseignement, elle évoque les charmes d'un secteur en constante évolution. "Il faut être curieux, ouvert, réactif, avoir envie d’atteindre des objectifs qui ne sont pas toujours faciles", estime-t-elle à propos de son métier. De fait, si le français reste un élément différenciateur dans le monde du travail et dans l'univers entrepreneurial, Paz Rosillo a aussi pour mission d'adapter les cours aux nouvelles attentes des apprenants. Un défi passionnant et des enjeux de développement cruciaux pour l'Alliance française de Madrid.
L’Alliance française de Madrid propose des cours de langue sous plusieurs formats. Quelle est l'évolution de la demande et comment vous adaptez-vous ?
Les gens souhaitent de plus en plus des cours qui leur servent à travailler, à voyager, qui soient donc pratiques et effectifs. Des cours qui leur permettent de se démarquer sur le marché du travail, qui les différentient de la majorité qui parle seulement l’anglais. Nous avons beaucoup de demandes d’entreprises qui s’ouvrent aux marché internationaux et qui veulent que leurs employés puissent travailler dans la langue de l’autre. Les Espagnols ont un penchant pour le français, de manière naturelle : ils trouvent que le français est une langue belle et riche, comme l’espagnol ! Et puis culturellement, ce sont deux pays très proches et avec beaucoup de choses en commun. Actuellement les cours sont moins sur la durée, et plus dans l’intensif : apprendre vite et de manière effective, réutiliser les acquis dans la vie de tous les jours, et dans un contexte professionnel ; c’est un peu la tendance. On ne se déplace plus comme avant : les cours se font en ligne, entre deux réunions, ou à la pause déjeuner.
On ne se déplace plus comme avant : les cours se font en ligne, entre deux réunions, ou à la pause déjeuner
Que représentent les cours en entreprises pour l'Alliance française de Madrid ?
L’Alliance Française, à ses débuts, ne dispensait que des cours aux entreprises françaises installées à Madrid : c’était pratiquement son seul public. Des professionnels espagnols qu’il fallait mettre à niveau en français, car ils travaillaient pour des entreprises françaises. Ça a donc toujours été notre spécialité, notre point fort, notre enseigne. Nous avons très vite été très connus pour cela : nous avons formé des centaines, des milliers de professionnels espagnols depuis l’année 84. Des professionnels et aussi des personnalités de la culture, les médias, la politique… Nous avons les meilleurs professeurs pour cela, en constante formation, de professeurs passionnés qui transmettent non seulement un savoir linguistique, mais qui donnent une approche culturelle à leurs cours de langue. L’enseignement devient chez nous un enseignement intégral et riche. Ce qui nous distingue aussi c’est notre capacité à nous adapter aux demandes de nos clients. Toute demande est traitée de manière personnalisée et donne lieu à une ingénierie de cours sur mesure. Cela demande de la recherche de notre part, de secteurs que nous ne connaissons pas toujours, mais c’est ce qui nous plaît : être dans un renouvellement constant, apporter le meilleur de nous-même pour atteindre les objectifs de nos clients. C’est donc notre capacité d’adaptation et notre flexibilité que recherchent aussi nos clients. Lorsque nous recevons une demande "complexe", pour les contenus à développer ou pour les délais par exemple, la machine se met en marche pour y répondre vite et surtout bien.
Ce qui nous distingue aussi c’est notre capacité à nous adapter aux demandes de nos clients
Avez-vous des exemples à nous donner ?
Nous avons eu tout au long de ces années de nombreux cas d’apprenants qui avaient des demandes très particulières. Nous avons formé des chefs d’entreprises qui sont partis ouvrir une filière de leur entreprise espagnole en France, et qui ont dû acquérir un niveau qui leur permette de diriger une équipe locale française. Mais aussi de nombreux médecins, infirmiers, kinés, partis s’installer en France, et qui devaient être opérationnels dès la minute 1. Plus original, nous avons travaillé avec des acteurs qui devaient donner la réplique en français, et ne pas avoir d’accent espagnol. Ou encore : des professionnels du droits qui travaillent sur des dossiers européens en France, des parlementaires espagnols mutés à Bruxelles, des conducteurs de trains lors de l’expansion des lignes ferroviaires franco-espagnoles... Et un long etcaetera.
Nous sommes aussi un centre référent de l’enseignement de l’espagnol langue étrangère
Vous proposez aussi des cours d'espagnol.
Oui, nous avons développé nos cours d’espagnol, essentiellement pour des apprenants professionnels francophones. Nous sommes aussi un centre référent de l’enseignement de l’espagnol langue étrangère.
Quelles sont les erreurs les plus courantes chez les apprenants ?
Les erreurs de langues typiques, bien-sûr : ser et estar, les faux-amis, les difficultés de prononciation, les erreurs de genre. Mais la différence avec les apprenants français c’est que l’Espagnol est pragmatique, il est plus direct, plus naturel et va à l’essentiel, à l’effectif. Il est plus proche dans sa manière de s’adresser aux autres, il a donc du mal à comprendre nos formalismes, notre vouvoiement constant. Mais avec les nouvelles technologies, les réseaux sociaux, le multiculturalisme actuel, les jeunes français et espagnols sont de plus en plus proches culturellement et dans leurs comportements. De toutes façons, les apprenants espagnols sont très ouverts et ils apprennent très vite. Je crois que c’est parce qu’il y a, au-delà de tout besoin professionnel, une forte dose d’affectivité vis-à-vis de langue et la culture françaises.
L’Espagnol est pragmatique, il est plus direct, plus naturel et va à l’essentiel, à l’effectif
Combien d’étudiants suivent les cours en entreprise chaque année avec l’Alliance française ?
En moyenne, entre 200 et 300 apprenants espagnols en entreprises suivent les cours de l’Alliance chaque année. Par rapport aux années 2000, la tendance est à la baisse. Cela est dû aux budgets que les entreprises destinent à la formation de leurs employés, qui sont aussi à la baisse. Maintenant, ce sont les travailleurs qui ont vraiment besoin du français pour leur travail qui se forment. Avant, c’était tout le monde, à tous les échelons. Il y avait plusieurs groupes dans une entreprise, et des groupes nombreux, et ils prenaient des cours toute l’année. Maintenant ce sont de petits groupes de 3 ou 4 personnes, avec des objectifs linguistiques très précis, et plus sur le court terme.
Où que soient nos étudiants, ils se connectent avec leur professeur et ont des cours de la même qualité que s’ils venaient dans notre centre
Vous êtes responsable de la formation à distance, qu'est ce que cela couvre en termes de compétences, de responsabilités et de domaines d'action ?
La formation à distance a ouvert en peu de temps des portes qui étaient à peine entrebâillées ces dernières années. L’apprentissage devient souple, non contraignant, commode. Où que soient nos étudiants, ils se connectent avec leur professeur et ont des cours de la même qualité que s’ils venaient dans notre centre. Tous les outils informatiques ont permis d’aller plus vite, d’échanger plus vite, de partager… Pour le professeur, cela a supposé une formation rapide, intense, et parfois difficile pour ceux qui étaient réticents, et qui maintenant, au vu des résultats, ne le sont plus du tout ! Les modèles d’enseignement ont changé, en bien. Nous avons eu des apprenants qui se sont formés chez nous, qui sont partis vivre et travailler à l’étranger, et qui continuent à se former chez nous, à distance, avec nos professeurs.
Le passage à la formation à distance à demandé une mise à niveau de tous, une adaptation rapide, une formation poussée et constante pour être toujours à jour des avancées en matière d’enseignement à distance, et un investissement important en moyens humains et matériels. Mais ça a valu et ça vaut la peine.