Nous sommes allés à la rencontre de Jérôme Reisacher, entraîneur de l’équipe féminine réserve du FC Bayern Munich qui sera notre invité aux rencontres municité du 18 novembre prochain à Munich. Ancien co-entraîneur de l’équipe première pendant 5 ans, il a mené l’équipe trois fois jusqu’à la victoire en Bundesliga et jusqu’en demi-finale de Ligue des Champions. Il nous parle de l’évolution du football féminin ces dernières années ainsi que de son parcours et son quotidien de coach.
LPJ Allemagne : Quel est votre parcours, comment êtes-vous arrivé à Munich ?
Jérôme Reisacher : Je suis originaire de Haguenau en Alsace. J’ai eu un parcours classique jusqu’à mes 15 ans où j’ai intégré le centre de formation du Racing de Strasbourg. J’ai vécu et joué là-bas pendant trois ans puis, à mes 18 ans, j’ai quitté Strasbourg pour aller de l’autre côté du Rhin, à Fribourg, jouer dans l’équipe réserve d’un club de haut niveau.
Deux ans après, je suis parti au Werder Bremen, aussi en équipe réserve, en troisième division à l'époque. Et à cette période j’ai eu la malchance de me blesser au genou ce qui a freiné ma carrière. Ensuite, j’ai fait plusieurs périodes de six mois à un an dans différents clubs et j’ai rapidement eu envie d’arrêter de vagabonder. Je savais que près de Fribourg, le club Bahlinger SC proposait un programme de reconversion pour d’anciens joueurs de la région. C’est donc ce que j’ai fait, et pendant deux ans et demi, je faisais 40 heures en apprentissage dans une entreprise où j’apprenais le métier de commercial et, tous les soirs et week-ends, je continuais les entraînements et les matchs de foot.
Du jour au lendemain, j’ai eu une double vie. J’ai dû apprendre la vraie vie avec un emploi à temps plein, plus garder le rythme des entraînements le soir.
Du jour au lendemain, j’ai eu une double vie. J’ai dû apprendre la vraie vie avec un emploi à temps plein, plus garder le rythme des entraînements le soir. C’était dur au début. Mais le plus dur c’était de ne pas avoir le temps de faire une vraie pause pour le déjeuner ! [rires] Après la formation, j'ai été engagé en tant que commercial pour la France et le Luxembourg. Certains jours, je partais très tôt le matin pour faire la journée au Luxembourg et être de retour à 17h pour l'entraînement. C’était une année bien remplie !
J’ai ensuite été entraîneur adjoint dans le staff du Bahlinger SC et ai alors décidé d'arrêter le travail en entreprise. Cette année-là, j’ai rencontré Jens Scheuer qui était l'entraîneur de l’équipe féminine de Fribourg. Et en 2019, il m’a demandé de l’accompagner à Munich et c’est comme ça que je suis arrivé au FC Bayern le 1er juillet 2019. J’ai été entraîneur adjoint de l’équipe première féminine pendant cinq ans. Avec cette équipe, nous avons été trois fois champions d’Allemagne et nous sommes allés en demi-finale de Ligue des champions.
Quelles ont été vos impressions en tant que coach au FC Bayern Munich au cours des cinq dernières années ? Quels ont été les facteurs clés de la réussite de l’équipe et comment maintenez-vous cette dynamique au quotidien ?
Je ne réalisais pas la grandeur du club à mon arrivée. Ce n’était pas la première fois que je travaillais avec un club pro. Mais au fur et à mesure, j’ai vraiment vu l’importance du club, notamment à travers toutes les ressources et les installations que nous avons ici. C’est un monde à part le FC Bayern.
Quand je suis arrivé, il y avait encore très peu d’intérêt envers le football féminin au niveau des spectateurs ou même du club d’ailleurs. Mais au moment du Covid, tout a changé. Ces deux dernières années, l’intérêt s’est multiplié ainsi que les investissements.
Le plus important a été l’investissement du club en général dans le football féminin. C’est ce qui a permis la réussite de ces dernières années : on a investi dans l’effectif, comme on le fait pour les équipes masculines. Il y a eu un véritable engouement envers le football féminin après le Covid, le conseil de direction s’est plus impliqué et cela nous a permis de faire des recrutements de joueuses de grande qualité car nous pouvions leur offrir de meilleurs contrats.
Après cinq ans, je voulais changer de poste et il se trouve que l’équipe réserve cherchait un nouveau coach. Le FC Bayern cherche aussi à se développer au niveau de l’équipe réserve pour former des jeunes. Donc j’ai accepté ce poste plein de challenges. Il y a une grande différence entre l’équipe principale et l’équipe réserve où les joueuses ont pour la plupart entre 17 et 18 ans : les résultats des matchs sont moins importants. En équipe première, il faut toujours gagner alors qu’en réserve, le but est surtout de développer le jeu des jeunes joueuses. Là, par exemple, on revient d’un match à Berlin qu’on a perdu, ça me fait bizarre !
Ces deux dernières années, l’intérêt [pour le football féminin] s’est multiplié ainsi que les investissements.
Il y a une bonne ambiance dans l’équipe. C’est important pour les filles de se sentir à l’aise et d’avoir une bonne atmosphère de travail. C’est un peu différent que dans une équipe de garçons, où on reste souvent par groupes de deux ou par trois. L’intégration se fait assez naturellement comme beaucoup des filles se connaissent de l’équipe nationale.
Quel est le quotidien d’un coach d’équipe de foot championne de la Bundesliga feminine ?
Alors ce n’est pas la même chose quand on est coach de l’équipe première et coach de l’équipe réserve. Ces cinq dernières années, pour l’équipe première, comme les entraînements ont lieu le matin, j’étais présent entre 8h et 17h30-18h. Avec la Ligue des champions, certaines semaines étaient très chargées, avec un match tous les trois jours et beaucoup de déplacements à travers l’Europe.
Depuis que je m’occupe de l’équipe réserve, le rythme est différent. Les filles vont en cours pendant la journée, donc on s’entraîne le soir à 17h et mes journées commencent donc vers midi mais se terminent bien plus tard qu’avant.
Le lundi, nous n’avons pas d'entraînement comme on revient souvent tard le dimanche des matchs à l’extérieur. C’était le cas hier [dimanche 29 septembre], nous sommes allés à Berlin pour jouer contre l’équipe féminine de l’Union Berlin et nous sommes rentrés à 2h du matin à Munich. Demain, on commencera par regarder des vidéos du match que l’on va préparer avec mon équipe en amont. Puis une partie de l’équipe va sur le terrain et l’autre partie en séance de musculation et on alterne et le tout se termine à 20h.
Le Bayern Munich est un club avec une tradition et une histoire fortes. Comment percevez-vous l'évolution du soutien institutionnel et des supporters pour l'équipe féminine ces dernières années ?
Cela fait partie du mouvement global de développement du football féminin. Les membres du conseil de direction du club sont plus souvent présents lors des matchs de l’équipe féminine. Et lorsqu’on joue à l’extérieur, c’est vrai qu’il y a beaucoup d’engouement envers le FC Bayern en général. Même pour l’équipe réserve hier à Berlin, il y avait plus de 6 000 spectateurs dans le Alten Försterei. C’est excellent pour un match d’équipe féminine en deuxième division.
Quels sont vos objectifs principaux dans ce nouveau poste ?
L’objectif est bien sûr de former les filles au haut niveau, qu’elles sachent quelles sont les demandes et les attentes. Et l’objectif est d’avoir un jour le plus possible de joueuses en première division. Au quotidien, le but est de repousser les limites. Même si elles ont une journée difficile en cours, ce n’est pas une excuse le soir à l’entraînement. C’est une chance de pouvoir faire du sport à haut niveau tous les jours et, faire ce qu’on aime, c’est aussi une source d’énergie incroyable. Je suis assez intransigeant sur le terrain. A côté, je comprends et j’ai de l’empathie. Mais sur le terrain, dès qu’on a mis les pieds sur le gazon, il faut repousser ses limites !
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