Fondée par Laure Astier Gudgel, Muse Within accompagne les femmes expatriées dans leur reconversion professionnelle ou dans leur nouveau projet. Afin de mieux comprendre comment cette plateforme aide les femmes, nous sommes partis à la rencontre de Laure Astier Gudgel.
Lepetitjournal.com New York : Pouvez-vous nous présenter Muse Within ?
Laure Astier Gudgel : Muse Within est une plateforme online dédiée aux femmes francophones expatriées animées par le désir d’entreprendre ou qui sont dans une réflexion de reconversion professionnelle. Le constat est que beaucoup d’entre nous, précisément 92 %, sont arrivées ici en ayant suivi leurs hommes dans l’expatriation. Nous nous retrouvons confrontées à devoir nous réinventer parce qu’il est souvent compliqué de continuer à faire ce que nous faisions en France. C'est aussi l'occasion de nous autoriser enfin à faire des choses que l’on avait envie de faire en France mais que l’on s’interdisait. La dynamique et l’énergie new-yorkaises et, plus globalement américaines, viennent réveiller ces envies. Muse Within a été conçue pour accompagner ces femmes dans cette réflexion et les aider à faire émerger un projet qui leur appartient.
Muse Within est aussi une identité ainsi qu’une communauté sur laquelle les femmes peuvent compter et s’appuyer. L’idée est qu’elles y trouvent des ressources et de l’inspiration, des femmes qui sont déjà passées par ce challenge et qui ont su le dépasser. Muse Within aide les femmes à se sentir soutenues, à sortir de l’isolement de l’expatriation, en construisant un nouveau projet professionnel mais aussi un nouveau projet de vie.
Quels types de programmes propose Muse Within ?
Aujourd’hui, il y a deux types de programmes. Le premier programme s’appelle « Trouver sa voie ». Il s’adresse aux femmes qui sont dans une phase de réflexion et d’interrogation sur ce qu’elles vont faire. Elles savent qu’elles ne vont pas pouvoir poursuivre ce qu’elles faisaient avant, elles ont envie d’autre chose, sans que tout soit très clair. Ce programme les accompagne dans cette phase d’interrogation et d’introspection. Il leur permet de se poser les bonnes questions, de porter un nouveau regard sur elles. Qui sont-elles aujourd’hui ? Qui ont-elles envie d’être dans cette nouvelle culture, ce nouveau contexte. La première partie de ce programme est centrée sur du questionnement de soi, tandis que la seconde est davantage orientée sur de l’exploration, aller toucher du doigt ces choses qu’elles ont envie de faire, mais qu’elles ne s’autorisent pas vraiment à imaginer.
Ce programme s’étend sur une durée de 3 mois. C’est un accompagnement quotidien. Chaque jour, elles reçoivent par email un sujet sur lequel travailler afin de pousser leur réflexion. On aborde tout un tas de sujet, du plus spirituel au plus concret.
Chaque semaine, il y a une réunion collective online animée par une coach spécialisée dans les phases de changement et de transition. Les femmes sont invitées à avancer en tandem, parce que c’est plus efficace de travailler à deux, avec le regard de l’autre, qui peut parfois effrayer, mais qui aide à faire émerger les projets. L’objectif est d'identifier leur future trajectoire.
Notre deuxième programme qui s'intitule « Se Lancer », s’adresse à celles qui ont déjà identifié ce qu’elles voulaient et qui sont porteuses d’un projet entrepreneurial. On est cette fois dans du développement de projet, toujours sur le même principe, un accompagnement quotidien avec des modules définis qui leur permet d’avancer pas à pas sur les différents challenges de la création d’un projet. Une fois qu’elles font partie du programme, l’objectif est de les mener jusqu’à la phase de lancement.
Avoir des bonnes idées est une première étape, et pour certaines elle peut s’avérer facile, le challenge c’est de se lancer et de trouver la force de maintenir le cap tout au long de la mise en oeuvre du projet. L’objectif est de les embarquer dans un nouveau paradigme de productivité et les accompagner dans la réalisation de leurs tâches quotidiennes tout au long des étapes importantes de construction de leur projet. Business Modèle, site internet, leur stratégie de Communication, leur stratégie Marketing, la conceptualisation de leur offre, l’identification de leur cible et la manière de s’adresser à elle et de raconter leurs histoires.. Tout cela sans jamais perdre de vue la dimension sens et alignement. Quand elles savent ce qu’elles veulent et pourquoi elles le veulent, elles deviennent « in-arrêtables » !
Est-ce que pour en être arrivée à lancer Muse Within, vous avez vous-même connu un changement de carrière radical ?
Oui, complètement ! L’expatriation m’a aussi incitée à changer de carrière. Je me rends compte que beaucoup de femmes arrivent avec une envie de changement. C’était aussi vrai pour moi quand je suis arrivée à New York. J’étais par le passé responsable communication dans un pôle de compétitivité en France. Je travaillais avec des entreprises de l’industrie numérique, pour les aider dans leur développement et faire émerger des projets innovants. Quand je suis arrivée ici, j’ai amorcé le virage de l’entrepreneuriat, je me suis rendue compte que j’avais envie de porter mes propres projets, de m’investir pour moi, et j’étais aussi en recherche de sens. Muse Within n’est pas mon premier projet. Il faut saisir les opportunités, rien n’est jamais figé.
Est-ce qu’avec votre recul sur l’accompagnement des femmes, vous pouvez dire s’il y a un ou plusieurs moments précis pendant lesquels les femmes ont besoin d’être accompagnées professionnellement ?
Il y a ce moment charnière sur la courbe de l’expatriation qui correspond à ce qu’on appelle la phase d’adaptation. Les premiers mois correspondent à la phase dite de « Lune de miel ». On vient d’arriver dans un nouveau pays, on est dans la découverte, avec beaucoup d’espoirs et d’excitation. Puis la courbe descend, on entre dans le choc culturel et la prise de conscience de ce que l’on a laissé derrière soi, comme un job qu’on aimait, des collègues, une équipe... C’est un moment délicat où des émotions, peut-être plus négatives, s’installent. Mais c’est aussi les prémisses de la phase d’adaptation. Lors de cette phase, on est prêt à reconstruire, à apprendre la langue, à apprendre la culture, et à s’établir dans ce nouveau pays. C’est cette dernière phase qui est intéressante parce que c’est à ce moment-là que les femmes sont ouvertes à construire à nouveau et à reprendre leur trajectoire en main.
Après, bien sûr, ces périodes peuvent être plus ou moins longues selon l’histoire de chacune et l’accompagnement peut également s’avérer utile à d’autres moments clés de leur vie d’expat.
Certaines ont rapidement retrouvé un job et se sentent coincée dans un rôle qui ne leur ressemble plus. D’autres sont en recherche de plus de sens dans leur quotidien, elles souhaitent avoir une vie plus riche, plus remplie, qui leur ressemble plus et avec laquelle elles se sentent moins en décalage ! Elles recherchent l’épanouissement dans leurs projets.
Et puis parfois, l’expatriation a tellement remis les compteurs à zéro qu’elles ne savent plus qui elles sont et ce qu’elles veulent. La confusion de savoir si leur état est propre au pays dans lequel elles se trouvent, à leur contexte du moment ou si se sont des questions fondamentales qu’elles doivent se poser pleinement.
Le rôle de la femme pendant l’expatriation est parfois mis à rudes épreuves. Dans le rôle de conjoint suiveur, la femme se retrouve en perte d’autonomie financière, qui peut être violente à vivre, pour des femmes qui ont fait des études, qui sont autant diplômées que leur mari et qui menaient une carrière dans leur pays d’origine. Cette dépendance financière peut être un frein dans leur changement de carrière ou dans l’envie de porter un nouveau projet. Elle ne s’autorisent pas à dépenser de l’argent qu’elles ne gagnent pas ou à demander quelque chose pour elle.
De plus, nous sommes dans un pays où rien n’est fait pour aider les femmes en matière d’enfants. L’école finit à 14h30, les journées sont très courtes et les femmes, trop souvent n’osent pas se lancer, par manque de temps.
Il faut qu’elles soient disponibles dans leurs têtes pour commencer à construire pour elles. Que se soit au stade de la réflexion de ce qu’elles vont faire ou au stade de la mise en oeuvre de leurs idées.
Le moment idéal reste donc avant tout quand l’envie se fait ressentir chez elles, quand la femme est prête et que la volonté de changer s'installe.
Comment est-ce qu’une femme ose mettre en œuvre un nouveau projet ? Et, est-ce que le regard des autres, les croyances sociales ne vont pas être un frein au fait de se lancer ?
Il faut parfois être en mesure de lever le frein de l’argent que l’on vient d’évoquer. Se lancer dans un projet est un investissement professionnel, dont le but est de devenir rentable, mais c’est aussi un investissement sur soi. C’est en ressortir grandie, épanouie, c’est avoir un impact sur soi, mais aussi sur son environnement direct, sur ses proches, sur ses relations. Mettre un peu d’argent dans l’investissement d’un projet qui te permet de t’épanouir, et en premier lieu avec ta famille, c’est plus qu’important.
Concernant le regard des autres et les croyances, je pense que l’expatriation est une opportunité incroyable pour oser. On se détache du regard des autres, de la famille, des proches, avec qui on s’est construit, qui parfois, nous ont influencé à suivre leur propre chemin. Cet éloignement permet de réaliser ce que l’on veut vraiment. On se retrouve chargée d’un sentiment de liberté et on s’autorise des choses, parce que l’on est loin de la pression et du regard des autres. C’est en ça que c’est intéressant de transformer son expatriation en véritable opportunité de recommencement. C’est porteur pour la créativité et pour la reconversion.
Pour oser, il faut se sentir alignée et portée par son projet. Si tu sais ce que tu veux, et pourquoi tu le veux, tu vas trouver l’audace de commencer à en parler, et commencer à en parler, c’est commencer à construire son projet.
Cette thématique d’alignement est très importante chez Muse Within. Faire émerger chez ces femmes un projet qui a du sens est la base de tout, et surtout de leur épanouissement. Il faut écraser ce sentiment d’imposture que l’on a quand on recommence quelque chose. On doit se sentir légitime de recommencer des études, changer de métier, porter un projet à 35, 40, 45 ans ou après.
Si on a fait ce travail de pourquoi on le fait et où on souhaite aller, c’est beaucoup plus facile d’oser.
Dans quel état d’esprit est une femme en transition professionnelle ? Motivée, angoissée, perdue, tout à la fois ?
Tout à la fois, probablement. Motivée parce qu’excitée par l’idée du renouveau et du champs des possibles qui s'offre à elle. C’est euphorisant et excitant de décider d’où on veut aller et de quel angle on souhaite donner à sa vie. Mais en même temps, c’est vite angoissant quand on ne sait pas quelle direction on doit prendre. Faire un choix, quand il y a beaucoup de possibilités, ça peut être compliqué. C’est là que l’accompagnement est intéressant justement. Pour sortir du cercle qui nous laisse stagnant et statique et s’emparer d’une direction.
Accompagnez-vous aussi des femmes qui savent qu’elles doivent prendre leur avenir professionnel en main, mais sans savoir où elles doivent aller ?
C’est tout l’enjeu du premier programme « Trouver sa voie ». C’est vraiment ce programme avec cette phase d’introspection de "qui je suis ?", qui va pouvoir aider au mieux ces femmes qui savent qu’elles doivent changer quelque chose mais sans savoir précisément quoi. Qui ai-je envie d’être aujourd’hui ? Répondre à cette question, en réévaluant ses forces, ses compétences, en identifiant ses limites et les manières de les surmonter. Il faut reprendre son histoire, lister ses talents, identifier ce pour quoi on est réellement douée et ce que l'on a envie de faire. Il faut se reconnecter avec soi ! Celle que l’on est aujourd’hui ne correspond peut-être pas vraiment à la femme que l’on était il y a 5 ou 10 ans. Il faut se donner les outils pour s’autoriser à s’imaginer autrement, dans une nouvelle carrière, dans un nouveau projet. C’est un travail de développement personnel.