Édition internationale

L’Asie du Sud-Est pour se lancer en 2025 ? "Foncez, vos concurrents y sont déjà…"

L’Asie du Sud-Est est à la croisée des enjeux énergétiques, des stratégies économiques et des confrontations géopolitiques… Vietnam, Indonésie, Malaisie, Singapour, les pays en Indopacifique draguent le monde entier, font les yeux doux aux grandes puissances, subissant parfois des assauts qu’ils aimeraient mieux contrôler. En 2025, le mot d’ordre vers les entreprises est unanime : “N’attendez pas, foncez, vos concurrents y sont déjà…”

Lapangan Banteng, Pasar Baru, Central Jakarta City, Jakarta, IndonesiaLapangan Banteng, Pasar Baru, Central Jakarta City, Jakarta, Indonesia
Lapangan Banteng, Pasar Baru, Central Jakarta City, Jakarta, Indonesia
Écrit par Capucine Canonne
Publié le 13 février 2025, mis à jour le 18 février 2025

 

A l’unisson, les  représentants de la Team France Exports le répètent : “N’attendez pas, foncez, vos concurrents y sont déjà !”. Lors d’un forum Asie du Sud-Est, organisé pour la 3ème fois par Business France à Paris, représentants de ministères et de la Team France Export se relaient au micro, rappelant l’importance de se lancer maintenant en Asie du Sud-Est, une zone à la fois à fort potentiel et “prioritaire” pour le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Mais pourquoi tant de fougue pour la zone, et comme l’aborder sans la froisser ? 

 

Laurent Saint-Martin, ministre des Français de l’étranger : "vous n'êtes pas seuls"

 

 

La confrontation sino-américaine est presque inévitable en 2025. Des turbulences sont à prévoir, notamment du côté du Vietnam, venant des Etats-Unis.

 

Forum business France le 12 février 2025 à Paris
Forum business France le 12 février 2025 à Paris 

 

 

Le monde en pince pour l’Asie du Sud-Est, mais…

Toutes les économies de l’Asie du Sud-Est ont un point commun : ne pas vouloir choisir entre les Etats-Unis et la Chine dans un contexte de confrontation. “Les pays souhaitent interagir avec tout le monde. Ils décident de réduire la voilure en Chine”, analyse Françoise Nicolas, de l’Institut français des relations internationales (IFRI). Plus que de la délocalisation, la stratégie des entreprises dans la zone indo-pacifique est donc la diversification. “La confrontation sino-américaine est presque inévitable en 2025. Des turbulences sont à prévoir, notamment du côté du Vietnam, venant des Etats-Unis.” explique Ludovic Pouille, Directeur de la Diplomatie économique au ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Pour ne pas être dépendant de l’un ou l’autre et répartir les risques, les acteurs économiques décident de diversifier leurs activités et relocaliser des infrastructures dans les pays d’Asie du Sud-Est. “Nous recevons de plus en plus de questions dans ce sens depuis quelques mois : comment capter le potentiel business de la zone en nous diversifiant ?” constate Catherine Chanthaboun, Crédit agricole, présente au Forum. “Il y a un mouvement qui s’opère vers l’Asie du Sud-Est, de plus en plus d’acquisitions d’entreprises pour profiter du carnet d’adresses, de l’environnement, de l’implantation déjà faite.” assure Olivier Monange, chez DS Avocats. 

 

 

Le soleil se lève sur Ho chi minh ville, en Asie
Ho chi Minch Ville 

 

Et la France dans tout ça ? “La zone d’Asie du Sud-Est est considérée comme prioritaire pour Bercy. Nous encourageons les entreprises de l’Union européenne et françaises à saisir l’opportunité de l’Asie du Sud-Est et de ne pas attendre. La diversification permet de répartir les risques. Les acteurs ne partent pas totalement de Chine, mais ils s’installent aussi ailleurs dans la zone. Le Trésor met en place des politiques de soutien, des garanties, des financements via des prêts.” rappelle Magali Cesana, à la direction générale du Trésor. Un autre levier existe : Le Volontariat International en Entreprise (VIE). Avec plus de 500 jeunes professionnels déployés dans la région, dont 300 à Singapour, le dispositif caractérisé comme “unique au monde” par Laurent Saint-Martin, permet aux entreprises de s’implanter durablement.

 

 

Le climat des affaires est porteur, particulièrement en matière de santé et, je dirai même d’équipements médicaux

 

 

l'aube se lève à Jakarka en Indonésie derrière les immeubles
Jakarta

 

 

Vietnam, Cambodge, Indonésie, ces pays qui font chavirer le coeur des investisseurs

Les tensions sino-américaines redessinent la carte des investissements internationaux : "Les délocalisations en Chine se tournent désormais vers le Vietnam et la Malaisie." observe Olivier Monange, chez DS Avocats. Le Vietnam justement, un pays sous les projecteurs lors du Forum Business France. Yann Frollo de Kerlivio, représentant de Business France dans la zone est très enthousiaste : “l’augmentation des exportations françaises après la pandémie vers le Vietnam est à deux chiffres, +17% en 2023, +12% en 2024. Le climat des affaires est porteur, particulièrement en matière de santé et, je dirai même d’équipements médicaux”, explique-t-il, rappelant que 80% d’entre eux sont importés par l’ASEAN. “Les infrastructures, l’agroalimentaire et les nouvelles technologies sont aussi des secteurs porteurs”. “La France est attendue au Vietnam - en plein transition énergétique et explorant la réouverture du nucléaire - , et, si  les grands groupes sont déjà sur place,  il y a tout l’écosystème autour, qui a besoin de PME innovantes” insiste Adam Koulaksezian, directeur exécutif de la Chambre de Commerce International France-Vietnam (CCIFV). 

 

Économie au Vietnam : 2025 arrivera-t-elle à faire aussi bien que 2024?

 

 

Nous sommes très ouverts, notamment dans l’écosystème des véhicules électriques, nous sommes actuellement en discussion avec Stellantis

 

Dans la zone, l’Indonésie, souvent considérée comme moins libéralisée que ses pays voisins, n’est pas en reste et cherche à attirer des investisseurs du monde entier pour booster son économie. Sur les 2.000 filiales françaises en Asie du Sud-Est, 250 sont en Indonésie. “Nous sommes très ouverts, notamment dans l’écosystème des véhicules électriques, nous sommes actuellement en discussion avec Stellantis” annonce Stefanus Ade Hadiwidjaja, de l’Indonesia Investment Authority. “Nous cherchons des connexions avec la France, dans le domaine de l’automobile et de la santé.” Le Cambodge, marché considéré comme plus modeste, multiplie les projets d’infrastructures selon Business France. “Le pays a cette particularité d’être francophile, les produits de consommation issus de la France sont nombreux” souligne Frollo de Kerlivio. Quant au Laos, la situation monétaire est complexe mais quelques débouchés existent en matière de bien de consommation, précise-t-il. 

 

 

La cité-Etat représente 60% des exportations françaises dans la région”, complète Sophie Sidos, Présidente des Conseillers du commerce extérieur. 

 

L'aube se lève sur Singapour
Singapour 

 

 

La France attirée par Singapour, incontournable hub d’Asie du Sud Est 

“L’Asie capte un quart du commerce maritime mondial et bénéficie d’un dynamisme économique hors du commun”, rappelle Laurent Saint-Martin, ministre délégué au Commerce extérieur et des Français de l’étranger lors du Forum. Un pays en particulier attire tous les regards…Singapour. “La cité-Etat représente 60% des exportations françaises dans la région”, complète Sophie Sidos, Présidente des Conseillers du commerce extérieur. 

 

Les conseillers du commerce extérieur, « une force de l’ombre » en lumière à Paris

 

Début janvier 2025, un accord est signé entre la Malaisie et Singapour pour lancer une zone économique sociale Johor-Singapore (JS-SEZ), annoncée comme un futur "Shenzhen" de la région

 

Sam Cheong, représentant au forum Business France de l’UOB, United Overseas Bank, banque singapourienne, le constate depuis 2021 : un mouvement s’opère vers la zone ASEAN, les chaînes de valeur sont reconfigurées. « Don’t wait, your competitors are already in Asia. », rappelle-t-il, lui aussi, Singapour est un hub incontournable de par sa position géographique et sa stratégie de facilitateur de Business. Mais le pays n’est pas un marché complet, plutôt une plateforme pour faire des affaires dans la zone.” Et pour ce faire, la cité-Etat voit grand, très grand… Début janvier 2025, un accord est signé entre la Malaisie et Singapour pour lancer une zone économique sociale Johor-Singapore (JS-SEZ), annoncée comme un futur "Shenzhen" de la région. “C’est même deux fois l’espace Shenzhen”, insiste Laurent Saint-Martin. Le projet est ambitieux mais prouve une immense volonté de collaboration et de complémentarité entre les pays de l’ASEAN. Selon les gouvernements, la zone offre des dispositions fiscales spéciales, des possibilités de dédouanement , des formations et événements conjoints. “Cette zone a un bel avenir”, se réjouit Françoise Nicolas. 

 

Travailler à Singapour, ce qu'il faut savoir

 

Portée par ses projets et ses économies, l’Asie du Sud-Est fait les yeux doux aux entreprises françaises. Mais attention, prévient la Team France Export : en séduction comme en affaires, celui qui n’ose pas finit toujours par regarder les autres danser…