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Hôtels Histoire - De l’Art de la Guerre à l’Art de Vivre  Partie 2

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Écrit par Catherine Soulas Baron
Publié le 26 mai 2020, mis à jour le 3 juin 2020

L’histoire dit que leur origine serait liée à Guillaume le Conquérant. Les ‘’Royal Engineers’’ furent des pionniers dans les colonies britanniques, en particulier à Singapour. Ces ingénieurs militaires utilisèrent intelligemment leur expérience en l’adaptant aux coutumes, ressources et savoir-faire locaux pour ‘’tropicaliser’’ les bungalows militaires. 

Ils ont joué un rôle essentiel dans la diffusion des techniques de construction et ont légué avec les Military Barracks un patrimoine remarquable à la cité-Etat. Leur motto ? ‘’Where Right and Glory lead’’ 

 

Amara Sanctuary Resort Sentosa  1897-1920

Grâcieux et Intime

Amara

 

Au cœur d’un ravissant jardin de 4 hectares, le grâcieux Amara Sanctuary Hotel jouxte l’hôtel Capella et l’hôtel Barracks (cf Hôtels avec une histoire : De l’art de la guerre à l’Art de Vivre  Partie 1).

Un petit paradis où des paons multicolores se promènent en liberté.

L’ensemble se compose de bungalows modernes et de bâtiments coloniaux, conçu et rénové harmonieusement par l’architecte japonais Miyake Masaki.

Les anciens baraquements militaires logeaient les Sergents Britanniques de l’artillerie et leurs familles. Ils auraient été bâtis entre 1897 et 1905 par l’ingénieur royal, le Major H E McCallum,  puis repensés en 1920. Ils offrent de délicieuses suites avec terrasses privatives et avec pour certaines, des piscines. Les éléments de l’architecture coloniale d’avant première guerre mondiale, toits en briques rouges, vérandas profondes, colonnes délicates et balustrades en bois ont été préservés dans toute leur intégrité. Les grattoirs en bois qui se trouvaient à l’entrée des quartiers pour permettre aux soldats d’ôter la boue de leurs bottes ont été conservés.

Face aux édifices, les deux derniers abris anti-aériens de Singapour font la joie des touristes. Les efforts pour protéger ce patrimoine ont été recompensés en 2007 par l’URA (Singapore’s Urban Redevelopment Authority).

A découvrir le parcours historique ‘’Amara Heritage Trail’’ organisé avec le concours de l’Office du Tourisme de Singapour.

Le saviez-vous ? Le mocktail ‘’Gunner’’ toujours concocté à l’hôtel, très désaltérant, était apparemment la boisson préférée des soldats : bière au gingembre, ginger ale, citron vert et angostura bitter en sont les ingrédients.

 

1926   Hotel Fort Canning

Digne et  Magistral

Fort Canning

 

Côté sud-est, on pourrait ne pas le remarquer tant sa masse se fond dans l’exubérance du parc tropical de 18 hectares qui le borde. De l’autre côté, à flanc de colline, il dresse sa puissante et magistrale silhouette. Il se trouve sur le site historique le plus ancien de la ville dont on dit qu’il date du XIV siècle. Un site stratégique où la grandeur de Singapour la coloniale s’est dessinée, mais aussi son destin tragique. Car c’est ici même, en 1942 que la décision fut prise de se rendre aux Japonais.

L’illustre Sir Raffles choisit cette colline appelée Forbidden Hill pour y construire sa résidence, un bungalow en bois de style malais. En 1823, il écrit : ‘’Nous avons bâti un petit bungalow sur la colline de Singapour, l’atmosphère y est sereine, nous trouvons le climat bien différend et rien n’est plus beau et intéressant que la vue à partir de ce lieu. Les tombes des rois Malais (Majapahit Kings) sont à proximité et si j’ai le malheur de mourir, ce serait un honneur d’avoir ma place au milieu d’eux’’.

Peu après, l’architecte Coleman agrandit et redessina en briques et tuiles le bungalow qui devint bientôt la résidence des gouverneurs d’où le nouveau nom de la colline : Government Hill. Si Raffles eût l’idée, très tôt, d’y bâtir un fort pour préserver la sécurité des résidents européens, celui-ci n’est érigé que bien après sa mort, lorsque le site devient propriété militaire. La forteresse est dénommée, Fort Canning, du nom du Gouverneur Général et premier Vice-roi des Indes, Charles John Canning. Un premier détachement de l’artillerie royale prend ses quartiers dès 1861 dans la caserne toute neuve.

Mais en 1906 le fort, aux coûts démesurés est déclassé puis démoli avec toutes les installations, à l’exception de la porte principale. A son emplacement on aménage un réservoir.  

Un nouveau casernement de plusieurs bâtiments ainsi qu’un bunker souterrain (battle box) sont bâtis entre 1923 et 1930 pour abriter le siège du commandement militaire de Malaya (Malaya Command). Cette formation de l’armée britannique de 17 bataillons fut créée en 1920 en vue de coordonner la défence de la Malaisie Britannique et de Singapour. Renforcée par les unités indiennes, elle passera en 1940 sous le commandement britannique d’Extreme Orient le‘’ British Far East Command ". À sa tête, le lieutenant-général Percival. Il n’aime pas le bunker mal aéré et installe un bureau dans l’édifice qui abrite le siège administratif. Celui-là même qui, en 2011, suite à une coûteuse rénovation, donne naissance au très bel hôtel Fort Canning. De symétrie parfaite, il présente sur 2 étages un style néo-classique fortement teinté d’Art déco. Les motifs de sa décoration sont simples et  géométriques. La baie centrale, en saillie, donne à l’hôtel un air un brin grandiloquent. Elle est flanquée sur chacune de ses ailes, de longues et larges vérandas. Son toit à deux versants, ses balustrades croisées et ses tons subtils évoquent l’élégance de l’architecture coloniale.

Les bureaux du commandement sont reconvertis en magnifiques chambres et les vérandas en salle de bain de rêve.

Siège de l’armée japonaise (1942 -1945), il est récupéré après guerre par l’administration militaire britannique.  Il accueille en 1970 une Académie de formation des officiers des armées de terre, de l’air et de la marine à haut potentiel le ‘’Singapore Command and staff college’’. Il devient par la suite un country club.

Beaucoup de fierté et de dignité émanent de l’hôtel Fort Canning. Icône de Singapour, avec un club réputé, il attire de nombreuses personnalités comme Jane Goodwall, ethnologue et antropologue britannique qui y a organisé une conférence en 2017 pour les dix ans de son institut.

Le saviez-vous ? En 1858, le capitaine Georges Collyer du corps des ingénieurs de Madras (armée indienne), fut choisi et chargé de la défense de Singapour. Promu chef ingénieur du départment des travaux publics des Straits Settlements, il proposa les plans de fortifications de Government Hill. Une fois réalisé, Collyer déclara : Fort Canning peut être considéré comme ‘’une fortification de première classe.’’

 

Raintr33 Hotel Singapore  -  1935

Simplicité et Quiétude  

Raintr33

 

Lors de l’ouverture de l’hôtel en 2015, son propriétaire déclarait que Changi Point était probablement l’endroit le plus secret de Singapour.

Loin du centre ville, méconnu et sans chichi, le Raintr33 n’est certes pas le premier choix des touristes. Pourtant il est remarquable à plus d’un titre. Sur ce site de Changi, vibrant d’histoire, les deux édifices de deux étages offrent un parfait exemple de l’architecture britannique militaire des années 30. Une esthétique Art Déco unique résulte de la grande simplicité des formes géométriques, des surfaces larges et des ouvertures nettes et droites à pans coupés sans ornementation superflue. Ils gardent cependant un air colonial : de hautes fenêtres pour augmenter la circulation de l’air, des corridors filant sur toute la longueur de leur façade pour protéger de la chaleur, un toit en surplomb recouvert de tuiles rouges.

L’architecte de nombreuses ‘’military barracks’’ de Changi fut le colonel CH Malan du corps des ingénieurs royaux. Il prit en compte les dernières avancées et améliorations faites en particulier sur les bâtiments militaires de Sentosa. (cf Hôtels avec une histoire: De l’art de la guerre à l’Art de Vivre Partie 1 et utilisa le béton armé, dernière technologie des constructions modernes.

Devant la menace japonaise en Extrême Orient, la décision fut prise à Fort Canning en 1926 : Le camp de Changi serait la clef, avec la base navale de Sembawang et les bases aériennes de Seletar et Tengah, de la protection défensive des territoires britanniques. Changi devait couvrir la côte Est du Détroit de Johore. On commenca à militariser 900 hectares de marais de mangroves et de jungle où poussèrent bientôt casernes, quais, chemin de fer et routes pour transporter armes et munitions jusqu’aux batteries d’artillerie. Une fois achevée en 1941, cette base militaire fut considérée comme la plus moderne et la mieux équipée de tout le Commomwealth. L’électrécité avait remplacé les lampes à huile; on trouvait des réfrigérateurs à kérosène; il y avait déjà l’air conditionné et lors des soirées, on s’amusait au son de gramophone.                                                            

Le cantonnement consistait en trois casernes principales, très fonctionnelles : la caserne Kitchener hébergeait les ingénieurs royaux, la caserne Roberts le régiment côtier de l’Artillerie Royale et la caserne Selarang le deuxième bataillon écossais d’Infanterie, les  ‘’Gordon Highlanders’’. On trouvait aussi les quartiers pour les officiers mariés et les célibataires, un clubhouse, un cinéma, des cantines, des centrales électriques, des écoles une variété incroyable d’installations pour le sport et la vie sociale. Tout était conçu pour le bien-être des officiers et de leurs familles. Neuf bâtiments administratifs furent également édifiés entre 1930 et 1936. Il semblerait que les bâtiments 24 et 37 de la caserne Kitchener soient devenus un petite unité médicale pour l’ensemble des militaires des trois casernes. Utilisés par les japonais pour les blessés de guerre et les maladies, on murmure qu’il fut aussi le centre de torture de la terrible police secrète japonaise Kempeitai. Raison pour laquelle  les Singapouriens considèrent cet endroit  comme le plus hanté de la ville. L’hôpital, devant le nombre de blessés et malades qui s’entassait, déménagea dans les bâtiments de la caserne Roberts. Après l’occupation l’hôpital réaménagea à Kitchener. Ce sont les deux immeubles voisins, le 33 et le 42  qui ont été reconvertis en hôtel. À la libération, le 33 abrita le centre de commandement de l’armée de l’air et le 42, le siège des ingénieurs royaux, ceux là mêmes qui contribuèrent au développement de la base de Changi. Ce lieu, un peu secret, n’exsude que paix et tranquillité… comme pour ne pas déranger les fantômes du passé.

Le saviez-vous ? A la capitulation, le camp de Changi devint une immense prison.12,433 militaires sur 50,016 prisonniers de guerre (42,610 soldats de l’armée de terre, 5,102 de l’armée de l’air, 2,304 de la navale) furent tués ou moururent en captivité. Le lieutenant-général Percival fut interné à Roberts Barrack avant d’être envoyé à Taiwan. Churchill admit que la chute de Singapour fut le plus grand désastre de toute l’histoire militaire britannique.

 

Command House  1935  (Changi Cove Hotel)

Honneur et Gloire

Command House

 

Ce monument spectaculaire se situe à Fairy Point Hill, une des trois collines de Changi avec Battery Hill et Temple Hill. Grâce à sa position dominante, il embrassait la caserne Kitchener. Déclaré patrimoine protégé par l’Ura en 2002, le Changi Cove l’incorpora dans son nouveau projet hôtelier en 2013. Le superbe édifice n’abrite aucune chambre mais a vocation à être loué pour des évènements, conférences et célébrations diverses. Construit en 1935, les colonnes doriques qui embellissent sa façade principale attestent de son style néo-classique. L’éclectisme était de mise à l’époque d’où un mixte étonnant et très marqué avec le style Art Déco. Une de ses composantes était l’inscription sur le fronton de la date de construction. Ici, on y lit non seulement la date mais aussi les initiales du corps des ingénieurs royaux qui occupa l’immeuble : RE (Royal Engineers).  

Durant l’occupation japonaise, il aurait accueilli des milliers de prisonniers anglais et australiens.

A la libération, l’armée de l’air s’adjugea les casernes Kitchener et celles adjacentes, de Roberts, pour en faire une gigantesque base de l’armée de l’air d’Extrême Orient. La Command house devint un des mess des officiers de l’armée de l’air britannique. Puis après le départ des Britanniques, un centre des commandos d’élites des forces armées de Singapour.

Le saviez-vous ? Les japonais ont forcé des milliers de prisonniers de guerre à construire un terrain d’aviation militaire sur le camp de Changi. Les premiers avions décollèrent en 1944.  A la libération, l’armée de l’air du Far East Command en prit le contrôle. Aujourd’hui l’armée de l’air singapourienne l’exploite. Le reste du site est devenu l’aéroport international de Changi.

 

Note : Nous n’avons pas inclus dans cette liste, l’hôtel Méridien Sentosa, en rénovation. Il se compose de deux blocs de 1940, quartiers de la première artillerie malaise d’Asie du sud-est. Leur architecture est très similaire à celle du Raint33.

Un grand merci à Fanny Ozda pour les illustrations ! Merci aux départements Marketing et Communications des hôtels pour leur collaboration.

 

lepetitjournal.com

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