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EMPLOI — La Suède, paradis du travail pour les femmes ?

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Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 4 décembre 2016

 

Entre 2013 et 2015, le nombre de plaintes pour discrimination sexuelle déposées auprès de l'agence publique chargée de ce sujet, a presque baissé de moitié (450 et 290 plaintes, respectivement). Paradoxalement, ce sont les hommes qui portent le plus plainte, à 51-52% des affaires enregistrées ! Cela signifierait-il que les femmes sont arrivées à une position égale, voire dominante, par rapport aux hommes, sur le marché du travail suédois ?

 

Des statistiques optimistes

Bien qu'il faille relativiser, notamment parce que seules 54 % de ces plaintes concernent le marché du travail, les signes d'amélioration existent. L'évolution du niveau des salaires en est un. En 2006, Medlingsinstitutet, l'Office national de la médiation, notait que les femmes gagnaient 15,8 % de moins que les hommes, toutes catégories professionnelles confondues et à situations équivalentes. En 2014, le salaire mensuel moyen des femmes était de 13,2 % moins élevé que celui des hommes.

Cette différence a plusieurs causes. Les femmes travailleraient entre autres dans des secteurs moins rémunérants. Entrent aussi en ligne des variables diverses telles que l'âge, l'éducation et le pourcentage d'activité. Les modes de calcul sont également un facteur explicatif. Prendre en compte les revenus des retraités donnerait par exemple une image faussée des statistiques compte tenu du niveau salarial des recrutements. Enfin, certains facteurs pourraient être liés à une forme de discrimination, qu'il est néanmoins difficile de chiffrer.

Priorité à la lutte contre la discrimination raciale

Il existe en Suède une volonté politique réelle, à droite comme à gauche de l'échiquier politique, de favoriser une égalité réelle entre hommes et femmes. Il y a eu durant les 26 années de gouvernements sociaux-démocrates, entre 1968 et 2006, près de 450 lois en faveur des femmes (Chiffre décompté par l'auteur et non vérifié par d'autres sources). Alors que les sociaux-démocrates ont durci les dispositions pénales encadrant la violence des hommes sur les femmes (avec par exemple laloi de 2005 sur les violences sexuelles), les conservateurs ont eux, par exemple, légiféré sur les mêmes droits pour hommes et femmes sur le marché du travail et dans l'économie, mettant notamment en fonction en 1980 le Jämställdhetsombudman, devenu récemment le Diskrimineringsombudsman.

La Suède aurait-elle suffisamment traité le sujet ? Lorsqu'on regarde les priorités du budget 2016 et les objectifs du gouvernement en matière de lutte contre les discriminations, on retrouve la lutte contre la xénophobie, le racisme, l'afrophobie, l'antisémitisme, l'antiziganisme, l'islamophobie, et la défense des homo-, bi- et transsexuels et queers en haut du tableau. La lutte contre la discrimination des femmes, si elle existe véritablement, n'est apparement plus la priorité.

Une loi sur les quotas de femmes dans les conseils d'administration ?

En fait, le débat continue mais s'est déplacé ailleurs. Les structures dirigeantes du marché du travail dans le pays sont encore à dominance masculine. On peut observer une légère amélioration en dix ans mais les femmes sont encore sous-représentées dans les conseils d'administration (CA) des entreprises suédoises : elles composent aujourd'hui, environ 30% des CA d'entreprises cotées en bourse en 2016.

Pour accélérer le renouvellement, le gouvernement envisage de légiférer sur la question des quotas des conseils d'administration en fixant un minimum à 40%. Il suivrait ainsi l'exemple de l'Islande, de la Norvège et de la France qui ont tous voté une telle loi, et qui ont atteint les chiffres respectifs de 44%, 39% et 36%. Pour la France, la loi Copé-Zimmerman de 2011 a littéralement fait exploser le nombre de femmes dans les CA, le faisant passer de moins de 10% en 2010 au meilleur chiffre de l'UE.

La question n'est pas réglée : les partis d'opposition se positionnent contre la réforme,  estimant qu'elle met en péril le principe de la méritocratie. Le renouvèlement naturel des générations, le changement de la culture du travail très différente des années 60-80, le travail quotidien à la sensibilisation à l'égalité hommes-femmes pourrait suffire pour lentement et structurellement changer la situation. Mais pour le gouvernement, le taux de 40% de femmes ne sera pas atteint sans une loi sur les quotas.

Bientôt l'égalité parfaite entre hommes et femmes ?

L'organisation Allbright estime qu'en Suède, un dirigeant sur cinq est une femme. Que de route parcourue depuis les grandes réformes suédoises des années 70 : la suppression de l'imposition par foyer au profit de l'imposition individuelle (1971), le partage des congés/allocations parentales à égalité entre hommes et femmes (1974), l'implication accrue de l'État dans les questions de garde de l'enfant (1974).

Ces réformes ont permis aux femmes de travailler en plus grand nombre et de gagner leur indépendance financière. Elles ont également profondément changé le modèle familial, le faisant passer de celui de la femme au foyer à celui de l'égalité hommes-femmes. Les chiffres ne trompent pas. En 1971, seuls 60% des femmes étaient alors actives contre 89% des hommes. L'écart est désormais de 4%, avec 78% de femmes actives contre 82% d'hommes.

 

Crédits photos : Simon Paulin/imagebank.sweden.se

Yann LONG lepetitjournal.com/stockholm Lundi 16 mai 2016

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