Depuis 1983, le Hong Kong dollar est arrimé au dollar américain. Aujourd’hui, des voix s’élèvent pour dénoncer les effets pervers de ce « peg » qui semble pourtant d’une grande utilité.
Argent trop cher à Hong Kong
En ce mois d’octobre 2024, le Hong Kong dollar (HKD) s’échange contre 0,92 yuans environ. Le 5 mars 2022, il n’en valait que 0,80. Cela peut réjouir les détenteurs de HKD, qui y voient un effet de richesse inespéré quand ils voyagent. Mais cette force de la monnaie de Hong Kong, basée sur son arrimage au dollar américain, présente aussi de plus en plus d’inconvénients pour son économie.
En premier lieu, cela coûte à la banque centrale de Hong Kong (HKMA) de maintenir ce que l’on appelle le « peg », autrement dit le fait de s’engager à garder la valeur de sa monnaie dans une fourchette allant de 7,75 à 7,85 HKD pour 1 USD. Par conséquence de la théorie économique, selon le triangle d’incompatibilité de Mundell, une liberté de circulation des capitaux et un taux de change fixe entraînent une perte totale d’autonomie monétaire. La HKMA doit ainsi aligner ses taux directeurs sur ceux de la Federal Reserve américaine. Donc, sur le plan pratique, la banque centrale hongkongaise doit régulièrement agir sur les marchés pour garder cette parité. Entre novembre 2022 et novembre 2023, elle a ainsi dû intervenir 49 fois.
En deuxième lieu, la force actuelle du dollar américain fait de Hong Kong une ville chère dans tous ses échanges. Dans un sens, les importateurs et les touristes restreignent leurs achats à Hong Kong, sachant qu’ils peuvent trouver moins cher ailleurs. Dans l’autre sens, les Hongkongais sont de plus en plus nombreux à se rendre en Chine pour profiter des prix souvent 30 à 40% moins chers sur des restaurants, des loisirs ou encore des courses quotidiennes. En ce moment, on estime que 200.000 Hongkongais franchissent la frontière chaque week-end pour profiter des prix bas de Shenzhen et du Mainland. Résultat : les ventes totales de détail à Hong Kong se sont effondrées de 11,2% en volume en juin 2024 par rapport au même mois de l’année précédente, et cette baisse s’est même accentuée à 13,2% en juillet et à 11,8% en août.
Zone monétaire non optimale pour Hong Kong ?
Dans ces conditions, certains acteurs de la vie économique hongkongaise appellent à étudier d’autres solutions que l’arrimage du HKD au dollar.
Allan Zeman, patron du Lan Kwai Fong Group, a ainsi résumé le besoin de réétudier le « peg » dès le mois d’avril 2024, dans une interview à RTHK, en expliquant que la force du HKD ne reflétait pas les conditions économiques dans le pays, mais plutôt celle des Etats-Unis : « ce qui se passe, c’est que les gens vont à Shenzhen, à Canton, au Japon, en Corée, en Thaïlande, parce qu’ils en ont plus pour leur argent ».
Dans un article publié le 20 janvier 2024 dans le South China Morning Post, Donald Low a, pour sa part, proposé de lier le HKD à un panier de devises, au lieu du dollar américain, pour gagner en autonomie monétaire. Si l’on réfléchit d’un point de vue théorique, cela va dans le sens des « zones monétaires optimales » également étudiées par Robert Mundell. En effet, aujourd’hui, les cycles économiques de Hong Kong sont beaucoup plus liés à ceux de Pékin qu’à ceux de Washington. En 2022, 57,4% des exportations hongkongaises étaient destinées à la Chine contre seulement 6,2% aux Etats-Unis.
L’avantage d’un pays, deux monnaies
Cependant, Hong Kong et la Chine aurait aussi beaucoup à perdre de la fin du « peg ». Le fait d’avoir une monnaie totalement convertible, avec une valeur prévisible par rapport au dollar, est un atout important pour la stabilité financière de Hong Kong. C’est au regard de cette garantie de valeur que les investisseurs de nombreux pays, dont les Chinois, y placent leur argent. Par ailleurs, Pékin a aussi besoin de disposer d’une deuxième monnaie convertible tant que le renminbi ne l’est pas. Par exemple, les places financières de Shanghai et de Shenzhen ne peuvent pas prétendre à un statut international tant qu’elles opèrent dans une monnaie non convertible. C’est pourquoi la Chine a besoin de la place financière de Hong Kong qui n’a un statut international que grâce à la convertibilité du HKD.
Donc, à court terme, la solution d’une extension du renminbi à Hong Kong paraît inenvisageable. De la même façon, l’ancrage sur un panier de monnaies semble aussi moins crédible et difficile à gérer. Enfin, le passage à un système de change flottant est également souvent déconseillé pour une petite économie très ouverte. Il faut se rappeler que juste avant l’arrimage, l’inflation atteignait 15,8% à Hong Kong en 1980, et le HKD s’était rapidement déprécié en deux ans, passant de 5,13 HKD pour 1 USD en 1981 à 9,60 HKD en 1983, ruinant de nombreux Hongkongais. Dans ces conditions, le « peg » risque de perdurer encore longtemps.