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Dans les montagnes andalouses, Villanueva del Rosario, nouvel îlot d’art contemporain

Villanueva del Rosario est un village de 3300 habitants situé à 45kms de Málaga qui devient un foyer d’art contemporain. Une arrivée accrue d’artistes et la création de galeries d’art et de festivals solidifient sa place comme îlot de création contemporaine. Lepetitjournal.com a rencontré Laura Maillo Palma, une des artistes de cette charmante localité andalouse.

Performance de Laura maillo Palma, photographié par David BurgosPerformance de Laura maillo Palma, photographié par David Burgos
Performance de Laura maillo Palma @David Burgos
Écrit par Joaquin Garcia
Publié le 4 mars 2025, mis à jour le 5 mars 2025

Villanueva del Rosario, centre dynamique d'art contemporain

Avec son climat de rêve, Málaga est aussi une capitale culturelle reconnue, mais la ville de Picasso devient l’une des plus touchées par la saturation touristique avec des problèmes de logements. C’est certainement l’une des raisons pour lesquelles, à seulement 45 km, un petit îlot artistique a surgit d’entre les montagnes de la Sierra de Camarolos: Villanueva del Rosario, une pittoresque municipalité qui émerge ces dernières années comme un centre dynamique d'art contemporain. Ce petit village, avec une population d'environ 3 300 habitants, attire des dizaines d'artistes qui y ont établi leurs ateliers, galeries et projets culturels. Ainsi, en octobre 2024, Villanueva del Rosario a accueilli la première édition du Festival d'Art Contemporain ACRO, une plateforme d'expérimentation artistique et un catalyseur du développement culturel du territoire, avec une forte dimension sociale et environnementale.

Nous avons demandé à Laura Maillo Palma docteure en philosophie et professeure d’Esthétique à l’Université de Málaga, mais aussi artiste résidente, performer, butohka (danse contemporaine japonaise), de nous en dire plus.

 

Laura Maillo Palma
Photographie de Laura Maillo Palma par Yolanda Montiel

 

Villanueva del Rosario accueille une vingtaine d'artistes et des projets comme Rara et le festival ACRO. Quand et pourquoi avez-vous décidé de vous installer à Villanueva del Rosario ? Cette motivation est-elle partagée par les autres artistes résidents ?

En 2022, je me suis installée à Villanueva del Rosario avec Alejandro Benito, quittant notre précédent lieu de résidence, une maison perdue en pleine nature, construite sur la bouche d’un volcan éteint. Nous avions besoin de changer d’endroit et ne voulions pas vivre en ville. Un village nous semblait une bonne option, autant pour le mode de vie que pour le prix des loyers. À Villanueva del Rosario, nous connaissions déjà quelques personnes qui venaient de s’y installer, comme d’autres, poussées à quitter Málaga en raison des problèmes de logement. Cristina Savage nous a informés qu’un duplex était disponible à Villanueva. 

 

Nous avons été attirés par la vie culturelle qui s’y développait, mais surtout, ce sont les montagnes qui nous ont conquis. Lorsque nous avons vu la sierra depuis le balcon, nous avons décidé de nous y installer.

 

En tant qu’artiste, comment cette décision a-t-elle influencé votre travail ?

 Cela m’a permis d’accéder à un espace où je peux m’entraîner, danser et développer des projets. J’ai pu tisser des liens avec un réseau social et culturel qui m’a enrichie, tant personnellement qu’artistiquement. J’ai collaboré avec d’autres artistes. En somme, cela m’a aidée à évoluer.

Vous faites partie du collectif Gu!atari avec Alejandro Benito Romero et vous résidez tous les deux à Villanueva del Rosario. Comment se passe votre quotidien en partageant ces espaces de création ?

Nous nous sommes rencontrés en faisant de la performance. Avec María Argüelles, qui nous a présentés, nous avons fondé en 2018 le collectif Camisa, qui a eu une vie courte mais féconde à Málaga. Plus tard, Alejandro et moi avons commencé une relation et, dans notre quotidien, est né Gu!atari, en reprenant le nom d’un projet sonore qu’Alejandro développait déjà en solo.

 

Vivre avec quelqu’un avec qui on partage un projet artistique le rend plus durable dans le temps. Je ne conçois pas notre relation sans création ni expérimentation.

 

Photographie de David Burgos.
Photographie de David Burgos.

 

Et comment se passe la relation avec la communauté artistique de Villanueva del Rosario ?

C’est une relation fondée sur l’affect, au-delà du cadre professionnel ou des collaborations que nous réalisons. Avec certaines personnes, les liens sont plus forts ou plus profonds, avec d’autres moins mais l’ambiance est très bonne. 

 

Globalement, il y a une bonne ambiance et beaucoup de bienveillance.

 

Comment les habitants de Villanueva ont-ils accueilli l’arrivée des artistes ?

J’ai le sentiment que c’est un village ouvert et accueillant, même s’il y a sûrement des résistances et des méfiances, comme dans toutes les petites communautés. J’ai grandi dans un village où mes parents étaient considérés comme des “étrangers”, donc j’ai l’habitude d’être perçue comme “la nouvelle venue”. Pour ma part, je me suis intégrée à travers la salle de sport et, chaque jour, je fais la connaissance de plus d’habitants. J’ai eu d’excellentes expériences avec tous. De nombreux artistes sont ici depuis plus longtemps et ont initié des projets en collaboration avec la mairie. Les habitants de Villanueva del Rosario sont très actifs, ils organisent beaucoup d’événements sportifs, des fêtes populaires, etc., si bien que les activités liées à l’art contemporain sont devenus des événements supplémentaires.

 

Collectif Gu!atari
Collectif Gu!atari.

 

Málaga est un pôle culturel doté de grandes institutions comme le Centre Pompidou, le Musée Picasso, le CAC, mais elle subit également un fort processus de gentrification qui pousse certains habitants hors du centre-ville. Penses-tu qu’il existe un tissu culturel alternatif à ces institutions capable de résister à ce processus ? Cet “exode” vers Villanueva del Rosario est-il lié à une volonté de créer un réseau culturel communautaire ?

Je dirais qu’il existe un tissu culturel alternatif à Málaga, bien que sa capacité de résistance soit limitée. Ce problème est avant tout socio-économique et politique, plutôt qu’artistique ou esthétique. L’“exode” vers Villanueva del Rosario est effectivement lié à une recherche de création d’un réseau, car il est plus facile de tisser des liens dans un milieu rural que dans un environnement urbain.

 

Dans l’ère digitale et globalisée, où la connexion est déjà garantie, les grandes villes peuvent perdre leur attirance en dépit d’une proximité physique et tangible avec ses semblables. La mise en valeur du «local» qu’on observe globalement, ne serait pas une réaction aux tensions des villes mais surtout une ouverture vers d’autres formats, notamment dans le monde de l’art. Ce qui explique le phénomène de Villanueva del Rosario!

 

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