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Expérimentez le tirage au sort de la démocratie athénienne

Le Klérotèrion était un système moderne de tirage au sort et désignait donc les citoyens appelés à devenir législateurs, juges ou jurés. Cette reproduction vise à mieux comprendre le fonctionnement et l’usage qu’en faisaient les Athéniens d’il y a bien longtemps. Elle est un moyen original pour s’initier à cette partie fondamentale de l’Athènes antique.

Klérotèrion Klérotèrion
Écrit par Lepetitjournal Athènes
Publié le 23 février 2025, mis à jour le 24 février 2025

Un outil ingénieux au service de la démocratie

C’est à la Stoa d’Attale qui abrite le musée de l’Agora antique que fut dévoilée la reproduction du Klérotèrion antique. Fait de marbre, il pèse près de trois cents kilos et mesure un mètre vingt de hauteur. Ressemblant à une petite colonne, il est composé d’une centaine de fentes disposées en cinq colonnes. Celles-ci servaient à introduire des pinakia, de petites plaques en bronze sur lesquelles était écrit le nom d’un citoyen volontaire. 

Sur le côté du Klérotèrion, un tube s’ouvrait et se fermait à l’aide d’une petite manivelle. Il était rempli de boules noires et blanches qui se mélangeaient en tombant. Le nombre de boules blanches était proportionnel au nombre de postes à pourvoir. En ouvrant le tube avec la manivelle, une boule était libérée. Si elle était blanche, les noms qui se trouvaient sur la même ligne étaient sélectionnés. Si elle était noire, les noms étaient rejetés. Le tirage continuait jusqu’à ce que l’on ait obtenu le nombre de personnes nécessaires pour exercer les fonctions du jour.

Selon l’historienne et directrice de l’École française d’Athènes, Véronique Chankowski, « le tirage au sort était la meilleure méthode de sélection démocratique » parce qu’une « personne était sélectionnée non pas parce qu’elle appartenait à une famille ou à un réseau spécifique. » C’est en effet le Klérotèrion qui choisissait aveuglément.       

Les premiers vestiges archéologiques du Klérotèrion furent découverts sur l’Agora à la fin du XIXe siècle grâce aux travaux de la Société archéologique grecque et au début du XXe siècle lors des fouilles menées par l’École américaine. En 1937, l’archéologue étatsunien Sterling Dow put identifier les fragments. Ayant lu la Constitution des Athéniens écrite par Aristote, il affirma que les artefacts retrouvés correspondaient à la description faite par Aristote de machines destinées au tirage au sort. Il mena alors une première étude sur l’usage et le fonctionnement de cet outil complexe.

 

Klérotèrion

 

Une réplique à visée éducative

Plus récemment, l’École française d’Athènes a cherché à répondre aux questions restées en suspens sur cette machine complexe. Pour cela, des expériences archéologiques ont été menées afin d’expliquer la technicité du dispositif. Elles ont d’abord été menées sur des modèles en carton, puis sur une réplique réalisée par un robot et, enfin, sur une version en marbre pentélique.

En octobre dernier, après l’approbation du Conseil archéologique central, l’École française a procédé à la Stoa d’Attale à une simulation du processus de tirage au sort. Vingt-cinq jurés ont été sélectionnés grâce à ce nouveau Klérotèrion. L’événement a été filmé et fera partie du documentaire gréco-français Athènes : Aux origines de la démocratie, qui sera diffusé en 2026.

Selon V. Chankowski, Clisthène qui a introduit les réformes démocratiques voyait dans le tirage au sort le meilleur moyen d’assurer l’isonomie, c’est-à-dire, l’égalité civique. Il devait aussi permettre d’éviter le pouvoir d’un seul en limitant de fait les mandats par la nécessité d’être tiré au sort. La tricherie était également limitée grâce à la fiabilité et la publicité du processus de désignation.

Une expérience humaine historique

« Ce que l’on comprend mieux avec cette réplique, c’est que ce processus est assez bruyant et sollicite de nombreux sens. Il y a une foule qui observe, impatiente de savoir si elle a été choisie », décrit Chankowski. « La machine elle-même fait du bruit, lorsque les boules tombent et passent dans le tube. Ensuite, un annonceur proclame les noms des sélectionnés. Il faut de l’attention pour que tout fonctionne bien. » Un outil complexe et un processus exigeant sont donc les maîtres-mots de la désignation politique sous la démocratie athénienne.

Les participants se rassemblent autour et ressentent une certaine anxiété, qui peut se transformer en déception si la boule tirée est noire. Les citoyens étaient rassemblés et donnaient donc vie à ce moment important. C’est là une caractéristique de la démocratie athénienne que d’être à la fois quelque chose de mathématique et de très vivant.

L’expérience ne pouvait pas être entièrement représentative, précise Chankowski. Dans l’Antiquité, des milliers de citoyens réunis attendaient les résultats, tandis que dans l’expérience de l’École française, seuls 150 participants volontaires ont pu être impliqués. Cependant, ce véritable exercice démocratique permet de forger les individus à leur métier de citoyens.

Pour pouvoir observer ce majestueux Klérotèrion moderne, il vous faudra vous rendre à la Stoa d’Attale où il sera sous peu exposé. Vous pourrez alors le comparer à un véritable Klérotèrion antique et recevoir tous les enseignements de cet appareil historique avec lequel s’enracina la démocratie athénienne.

lepetitjournal.com Athènes
Publié le 21 février 2025, mis à jour le 24 février 2025

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