Le gouvernement thaïlandais est revenu mercredi sur l'interdiction prévue du glyphosate et a reporté celle de deux autres produits chimiques utilisés comme pesticides agricoles, invoquant les conséquences de telles mesures sur les agriculteurs, l'industrie et le commerce international.
Fin octobre, le comité national thaïlandais sur les substances dangereuses avait voté l'interdiction à partir du 1er décembre de trois produits, le paraquat, le glyphosate et le chlorpyrifos, souvent présents dans les pesticides ou les insecticides, les qualifiant de "produits chimiques dangereux".
Ces mesures étaient vues d’un mauvais œil par le gouvernement américain qui n'a pas manqué de faire part de son inquiétude sur les conséquences que pourraient avoir de telles normes sur les exportations agricoles américaines vers la Thaïlande. Le sous-secrétaire du département américain de l'Agriculture, Ted McKinney, avait demandé aussitôt après l’annonce des mesures en octobre à la Thaïlande de "différer l'action sur le glyphosate" dans une lettre au Premier ministre thaïlandais, Prayuth Chan-O-cha.
Plusieurs groupements d'agriculteurs locaux ont également mené des manifestations contre cette interdiction annoncée, affirmant que l’absence de substituts peu coûteux risquait de nuire à leur gagne-pain. Il est important de rappeler qu’en 2009, l’une des premières mesures prises par le gouvernement d’Abhisit Vejjajiva furent le classement comme matières dangereuses 13 herbes et plantes couramment traditionnellement utilisées par les agriculteurs thaïlandais comme pesticides et herbicides. A l’époque, cette initiative avait été dénoncée comme un pont d’or à l’industrie chimique, dont les produits étaient alors considérés bien plus chers que les méthodes traditionnelles.
Quoiqu’il en soit, mercredi, le gouvernement a levé l'interdiction du glyphosate, affirmant que son utilisation pourrait continuer dans le respect des limites maximales de résidus actuelles, et a reporté l'interdiction du paraquat et du chlorpyrifos de six mois, au 1er juin.
"Après la discussion sur la gestion des produits chimiques dangereux... nous avons réalisé que nous ne serions pas en mesure de gérer la situation si l'interdiction prenait effet le 1er décembre", indique un communiqué du Comité national sur les substances dangereuses.
Le gouvernement a souligné qu'une interdiction brutale serait coûteuse compte tenu de la nécessité de détruire quelque 23.000 tonnes de produits chimiques restant dans le pays.
Les secteurs de l'alimentation humaine et animalière pourraient également avoir du mal à trouver des matières premières faute d'alternatives aux ingrédients importés utilisant ces produits chimiques, ajoute le communiqué.
Ce retournement de situation scandalise bien évidemment les groupes de la société civile thaïlandaise investis dans la lutte contre l’utilisation de tels produits dans l’agriculture, qui estiment que le gouvernement cède tout simplement à des groupes d’intérêts.
"C'est très décevant", a déclaré à Reuters Witoon Lianchamroon, directeur de BioThai. "Ils aident les entreprises qui importent ces produits chimiques, en particulier les importateurs de glyphosate."
Si une évaluation réalisée en 2017 par la US Environmental Protection Agency, considère que le glyphosate "ne pose aucun risque significatif pour la santé humaine lorsqu'il est utilisé selon les normes", il a néanmoins été classé en 2015 comme "probablement cancérogène pour l'homme" par le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) de l'Organisation mondiale de la Santé et il fait l'objet de plusieurs milliers de poursuites en justice aux États-Unis affirmant que son exposition provoquerait le cancer.
Plus tôt cette année, le Vietnam a décidé d'interdire le glyphosate, ce qui a également suscité des protestations des Etats-Unis et de la firme Bayer AG, qui commercialise le désherbant Roundup.