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Pas si facile d’être une femme en Thaïlande

Femme ThailandaiseFemme Thailandaise
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 20 février 2019, mis à jour le 30 septembre 2023

Si les femmes en Thaïlande sont indépendantes financièrement et sont nombreuses à la tête des entreprises, cette apparente égalité des sexes ne prouve pas pour autant qu'il est facile d'être une femme dans le royaume.

La société thaïlandaise est souvent félicitée pour son apparente égalité des genres, principalement dans le secteur économique. Selon une récente étude réalisée par le Forum Economique Mondial sur l'égalité des genres, le Global Gender Gap Report 2016, la Thaïlande se place en très bonne position d'après certains indicateurs. L'étude prend en effet en compte les opportunités économiques, l'éducation, la santé et l'émancipation politique.

C'est ainsi qu'au niveau économique, la Thaïlande se classe 22ème et remonte même à la 16ème place si on ne prend en compte que l'égalité des salaires pour une fonction équivalente entre les hommes et les femmes. En fait, dans les entreprises, les femmes occupent 30% des postes à responsabilité contre 20% aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne révélait en juillet dernier une étude de Grant Thornton.

Dans le classement des pays les plus "business friendly" de la Banque Mondiale intitulé "Doing Business 2017 : Equal Opportunity for All", la Thaïlande gagne trois place, passant de la 49ème position à la 46ème grâce entre autres à l'égalité des sexes qui règne dans le milieu des affaires en Thaïlande.

Pour autant, Jasmine Chia étudiante Thaïlandaise à Harvard pointe une différence entre les chiffres et la réalité dans la revue internationale d'Harvard. Si les femmes ont accès à l'éducation et sont indépendantes financièrement, l'accès au pouvoir reste limité. "La vérité est que si les femmes n'ont pas de problème de mobilité, d'accès à l'éducation ou encore d'être active économiquement, elles ne souffrent pas moins d'un manque d'accès au pouvoir. Un échec culturel dû au patriarcat, aux politiques gouvernementales et au sexisme".

Au niveau politique, le Forum Economique Mondial classe d'ailleurs la Thaïlande à la 131ème place sur 144 pays. Le royaume ne compte que 6 femmes au Parlement contre 94 hommes. Et même lorsqu'une femme arrive au poste de premier ministre, cela ne veut pas pour autant dire qu'il existe une égalité des genres comme le souligne Jasmine Chia. "Yingluck Shinawatra a été élue seulement parce qu'elle a promis de laisser les décisions être prises par un homme, et plus particulièrement son frère Thaksin Shinawatra. Le slogan de sa campagne était d'ailleurs : ce que Thaksin pense le Phuea Thai le fait".

Si au niveau de la santé, la Thaïlande occupe la première position, en ce qui concerne l'éducation, la Thaïlande n'occupe que la 74ème place d'après le Forum Economique Mondial. Un résultat en lien avec l'étude "Every Last Gir" ("Aucune fille oubliée") réalisée par l'ONG "Save The Children" qui prend en compte cinq indicateurs : le mariage précoce (ou forcé), l'éducation scolaire, les grossesses précoces, la mortalité maternelle et la proportion des femmes au Parlement.

Selon l'ONG, la Thaïlande ne se classe qu'à la 81ème place sur 144 pays en mettant en avant dans les points faibles de la Thaïlande le faible nombre de femmes au parlement et le nombre important de grossesses précoces qui touchent près de 20% des jeunes femmes entre 15 et 19 ans.

A tout cela, Jasmine Chia ajoute les problèmes d'objectifications dont sont victimes les femmes, la culture du viol présente dans les séries télévisées et la littérature classique thaïlandaise ainsi que la violence conjugale. Des critères souvent banalisés comme le relevait l'actrice britannico-thaïlandaise Sara Malakul Lane à Coconut  : "J'ai commencé à tourner dans les séries télévisées (Lakorn) à l'âge de 14 ou 15 ans, j'ai dû tourner environ sept scènes de viols. Pour une période de tournage équivalente, j'ai à peine tourné une scène de baiser à Hollywood".

"Il y a une réelle culture du viol en Thaïlande avec une impunité sociale en fonction de l'échelle sociale du coupable. En Thaïlande, un viol est considéré comme moins grave si l'agresseur est d'un niveau social supérieur à celui de la victime, c'est limite si ce n'est pas la victime qui doit se sentir flattée d'avoir attirée un homme socialement plus élevé que elle. Un viol reste un viol", expliquait Jasmine Chia lors d'une conférence au mois de mai au Foreign Correspondant Club of Thailand à Bangkok.

Et quand même le premier ministre se permet des allusions sexistes suite aux meurtres d'un couple de britanniques à Ko Tao en 2014 en invitant les femmes à ne pas se promener en bikini "à moins qu'elles ne soient pas belles", il y a de quoi se dire que la route est encore longue pour les femmes. Le Forum Economique Mondial, dans sa conclusion, n'hésite pas à estimer que pour combler l'écart entre les hommes et les femmes, il faudrait attendre encore 170 ans au niveau mondial et 46 ans ?seulement? pour la région de l'Asie du Sud-Est.

Catherine VANESSE mardi 8 novembre 2016

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