À Barcelone, la façade principale de la Sagrada Familia entre dans une phase décisive. Trois artistes de renom ont été choisis pour imaginer le visage final du chef-d’œuvre inachevé de Gaudí. Une invitation à dialoguer avec l’éternité.


Depuis plus d’un siècle, la Sagrada Familia s’élève lentement au cœur de Barcelone. En ce printemps 2025, le chantier atteint l’un de ses derniers grands jalons : la façade de la Gloire, la plus imposante du projet. Conçue comme l’entrée principale de la basilique, elle doit exprimer la destinée humaine et son élévation vers la lumière. Pour lui donner vie, la Junta Constructora a invité trois figures de l’art contemporain hispanophone à proposer un projet artistique : Miquel Barceló, Cristina Iglesias et Javier Marín.
La dernière vision de Gaudí prend forme
Située rue Mallorca, orientée plein sud, la façade de la Gloire sera l’entrée principale de la basilique. Contrairement aux façades de la Nativité et de la Passion, déjà achevées, elle se veut une synthèse spirituelle de l’humanité : de la chute originelle à la rédemption, du purgatoire à la gloire éternelle. C’est la vision de Gaudí, mort en 1926 sans avoir vu aboutir son projet, que la ville entend aujourd’hui faire rayonner. Le premier élément de cette façade a été posé en 2009 : une porte monumentale en bronze, œuvre du sculpteur Josep Maria Subirachs, déjà auteur de la façade de la Passion.
Barceló, Iglesias, Marín : trois artistes, trois visions du sacré
Pour concevoir cette ultime page de pierre et de lumière, trois artistes ont été pré-sélectionnés. Tous habitués aux espaces sacrés, à la monumentalité, au travail lent du matériau et du sens.
Miquel Barceló, originaire de Majorque, est sans doute le plus connu. Peintre, sculpteur et céramiste, il a déjà investi les murs de la cathédrale de Palma ou encore la voûte de la salle des droits de l’homme à l’ONU à Genève. Son univers organique, inspiré par la mer et la matière vivante, pourrait apporter à la façade une dimension vibrante et tellurique.
Cristina Iglesias, sculptrice basque, travaille depuis toujours sur les seuils, les portes, les passages. On lui doit les imposantes grilles du Prado ou des installations immersives mêlant eau, bronze et béton. Son art du silence et du vide pourrait offrir une entrée méditative vers le temple.
Javier Marín, Mexicain, sculpte des corps puissants, nourris d’influences baroques, précolombiennes et maniéristes. Habitué des projets religieux en Italie, à Cuba ou au Mexique, il place l’humain au cœur du mystère. Une présence charnelle dans une architecture de foi.
Chaque artiste devra présenter une proposition artistique d’ici la fin de l’année. Le comité tranchera en décembre. Il ne s’agit pas d’un concours au sens strict : chacun sera rémunéré pour sa création, et le projet final pourrait naître d’un seul geste… ou d’une composition collective.
Commencée en 1882, la construction de la Sagrada Familia aura traversé guerres, dictatures, pandémies et révolutions artistiques. Classée au Patrimoine mondial de l’Unesco, l’œuvre mêle modernisme catalan et gothique revisité dans un foisonnement mystique. Les revenus du tourisme et les dons privés ont permis d’accélérer le chantier ces dernières années. Les quatre tours des évangélistes ont été achevées en 2023. L’objectif initial de 2026 – pour le centenaire de la mort de Gaudí – semble désormais hors de portée, mais l’achèvement complet est espéré avant 2035.
Sagrada Familia : les tours s’élèvent, l’escalier fait débat
Parallèlement, les travaux ont commencé sur la structure elle-même. Les échafaudages sont en place pour construire les 40 premiers mètres des quatre tours centrales, qui représenteront les apôtres Pierre, Paul, André et Jacques le Majeur. Trois immenses toiles viendront simuler le rendu final de la façade, en attendant que les œuvres sculptées viennent y prendre vie.
Mais tout n’est pas encore écrit : le grand escalier censé relier la façade à la rue Mallorca reste suspendu à des procédures d’expropriation et à une vive opposition de riverains. Le président du comité, Esteve Camps, reste ferme : “La Sagrada Familia ne renoncera jamais à l’escalier, car il fait partie intégrante de l’œuvre de Gaudí.” À mesure que les travaux avancent, la Sagrada Familia poursuit sa métamorphose, entre fidélité à l’héritage de Gaudí et dialogue avec les enjeux contemporains.
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