Édition internationale

Mathilde Ollivier : défis politiques et écologiques après les élections allemandes

Mathilde Ollivier, sénatrice écologiste des Français établis hors de France, revient sur les résultats des élections fédérales allemandes, marqués par la montée de l'extrême droite.

La sénatrice Mathilde Ollivier La sénatrice Mathilde Ollivier
© Aurore Dessaigne
Écrit par Nour Mokadmi
Publié le 27 février 2025, mis à jour le 28 février 2025

À l’occasion des élections fédérales allemandes, Mathilde Ollivier s’est rendue en Allemagne et notamment à Berlin. Nous en avons donc profité pour échanger avec celle qui, depuis 2023, est sénatrice écologiste des Français établis hors de France. Les événements récents de la politique allemande, son engagement écologiste, européen ainsi que son lien fort avec l’Allemagne sont autant de sujets que nous avons pu aborder.


Nour Mokadmi pour Lepetitjournal.com Allemagne : Où avez-vous suivi la soirée électorale et quelle a été votre réaction à l’annonce des résultats ?

Mathilde Ollivier : J’étais invitée à participer à la soirée de campagne des Grünen qui se passait à Neukölln, entourée de nombreux partisans du parti qui s'étaient réunis pour l’occasion.

J’éprouve un sentiment mitigé. D’un côté, nous avons le score très fort de l'extrême droite qui montre que nous entrons dans une nouvelle ère de la politique allemande avec une forme de normalisation de l’extrême droite dans le paysage politique. Un nombre important de députés de l'AfD va arriver au Bundestag dans les prochains mois et ils auront un impact sur le débat politique en Allemagne. Cela m’inquiète notamment en tant qu’écologiste d’avoir des conservateurs et des socialistes qui tranchent sur des questions environnementales alors même qu’à l’échelle de l’UE, le Parlement européen détricote les réglementations et le pacte vert.

De l’autre côté, nous avons les résultats des Grünen qui ont baissé certes, mais moins fortement que ceux des autres partis de la précédente coalition. Le FDP et BSW ne rentrent pas au Parlement alors que nous remarquons les scores notables de Die Linke, notamment à Berlin. D’ailleurs, lors de l’annonce des résultats, tout le monde a applaudi Die Linke, ce qui témoigne selon moi d’une proximité forte entre les électeurs des deux partis.

Ce qui est également marquant, c’est cette dichotomie encore très présente entre Est et Ouest qui nécessite pour les partis progressistes de remettre en cause la manière dont ils s'adressent à l’ex-Allemagne de l’Est et à ses citoyens.

 

Nous observons dans l’ensemble de l’UE une croissance dans les urnes de l’extrême droite, en Allemagne donc mais également en France depuis juin dernier, de même qu’en Italie. Comment expliquer une telle dynamique et quelles méthodes pour lutter contre ?

Il est difficile d’analyser et de nommer l’ensemble des causes, mais cela reste nécessaire pour réfléchir aux solutions. Il y a la question de la centralité des débats portée par la droite et l'extrême droite dans le paysage médiatique. De ce fait, il faut réfléchir à comment, malgré un espace médiatique de plus en plus concentré, nous, écologistes, arrivons quand même à porter notre voix sans être uniquement dans la réaction aux sujets portés par l'extrême droite.

Il nous faut aussi porter un message d'espoir qui propose une véritable alternative face au changement climatique et au sentiment d’insécurité, à la fois géopolitique et climatique, dont l’une des réponses est de se tourner vers des solutions simplistes. Il faut lutter contre ça.

 

Dans quelles mesures ces résultats peuvent-ils influencer votre rôle en tant que sénatrice ?

Les résultats en Allemagne s’inscrivent dans une réflexion globale sur comment, en tant que force de gauche et écologiste, nous pouvons mettre des choses en place pour nous permettre de lutter contre l'extrême droite et les ingérences étrangères. Nous avons des exemples aux États-Unis bien sûr, mais aussi en Roumanie où des autocrates et des partis d’extrême droite tissent leur toile.

 

Comment est né et s’est développé votre attachement à l’Allemagne et au monde germanique ?

L’allemand a été le fil rouge de ma scolarité. Je suis d’ailleurs très reconnaissante envers mes professeurs qui m’ont donné le goût de la langue. J’ai ensuite effectué des études de science politique dans une filière franco-allemande m’ayant amenée à effectuer un séjour de deux ans à Münster. J’ai ensuite passé les six dernières années avant de devenir sénatrice en Autriche.

Je crois en l’importance des relations franco-allemandes pour être le moteur de l'Europe de demain. Une Europe sociale traitant des questions démocratiques et écologistes. Bien que ce ne soit pas la direction que l'Europe prend en ce moment, nous devons continuer à porter ces idéaux.

La relation franco-allemande doit également rester un modèle de construction et de paix entre les peuples de manière beaucoup plus locale et pas uniquement institutionnelle. Cela passe par les nombreux partenariats, jumelages, échanges scolaires qui ont construit cette relation de manière concrète. On le voit au Sénat où le groupe d'amitié franco-allemande est très vivant puisque nombre de sénateurs, dans les communes où ils ont vécu, où ils ont été maires parfois, entretenaient des relations fortes avec l’Allemagne.

 

Ce couple franco-allemand dont on entend tant parler existe-t-il toujours ?

Il existe, mais il faut continuer à l’entretenir en investissant dans des projets éducatifs et culturels franco-allemands. C'est une chose qui est un peu en perte de vitesse en France, notamment du point de vue de l’apprentissage de l’allemand, mais c’est aussi à nous, membres du Parlement, de l’entretenir.

 

Vous évoquez le rôle important des jeunes générations et de l’éducation pour le couple franco-allemand. Vous êtes justement membre de la “Commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport”. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Dans cette commission, nous avons un volet législatif assez conséquent avec un certain nombre de textes qui sont traités. Un des sujets sur lequel je travaille en particulier est la question sportive. Au lendemain des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, nous portons l’idée d’une loi sur l'héritage des Jeux accordant un budget assez conséquent pour la démocratisation de la pratique du sport. En effet, dans le sport comme dans d’autres domaines, les plus vulnérables ont un accès moins favorisé à la pratique du sport. Une pratique qu’il faut donc promouvoir à tous les niveaux pour faire de la France une nation sportive au-delà des grands slogans. Malheureusement, avec l’instabilité législative que nous traversons, la perspective d’avoir une telle loi s’éloigne.

Je me penche également sur la question des JO d'hiver de 2030, qui au-delà du budget soulève d’autres questions. Il y a une opposition à la fois environnementale, financière, démocratique et sociale qui émerge.

 

Vous êtes également vice-présidente de la commission sur les affaires européennes. Dans quelles mesures votre travail dans cette commission est-il différent de vos autres engagements ?

La commission des affaires européennes diffère des six autres commissions thématiques du Sénat en ce qu’elle est inscrite dans la Constitution et qu’elle est avant tout un organe de contrôle.


2027 arrive très vite. Quelle position devrait adopter la gauche face à la présidentielle ?

Il faut qu’à gauche, au-delà des guerres internes, nous puissions nous réunir alors même que nous sommes en situation de minorité en France pour regagner de l’espace politique et médiatique. Les oppositions légitimes au sein des partis de gauche avec des divergences de fond ne doivent pas nous empêcher de réfléchir à l'avenir ensemble.

 

 

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