Face au contexte de la guerre en Ukraine et d'affaiblissement de l'alliance transatlantique, l'Allemagne cherche à renforcer son armée, en premier lieu en recrutant plus de soldats. La question du rétablissement du service militaire obligatoire est ainsi devenue centrale dans le pays ces derniers mois, et provoque des dissensions jusque dans la nouvelle grande coalition (CDU/CSU et SPD).


Avec l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, les faiblesses de la Bundeswehr, l'armée fédérale allemande, sont apparues au grand jour : manque d'investissements, de matériel, de casernes... Mais c'est surtout le personnel qui fait défaut : on estime à 181.000 le nombre de soldats actifs en Allemagne, alors qu'il en faudrait de 200.000 à 250.000, selon les responsables politiques et militaires. En 2023, Boris Pistorius (SPD), le ministre de la Défense, déclarait ainsi que l'abandon de la conscription en 2011 était une erreur.
Depuis, le débat agite la société allemande : faut-il rétablir le service militaire obligatoire ? Si oui, comment accueillir autant de recrues dans une armée souffrant de manques d'investissements chroniques ? Si non, comment pallier le manque d'attractivité de la Bundeswehr ?
Ces derniers jours, ces questions ont été au centre de dissensions entre la CDU et le SPD, les deux grands partis sur lesquels repose l'accord de coalition trouvé le 9 avril dernier. Johann Wadephul, député CDU du Bundestag et possible candidat au poste de ministre des Affaires étrangères au sein de la nouvelle coalition, a déclaré au Tagesspiegel le 15 avril qu'il était ouvert à l'idée d'un retour à la conscription, soulignant que la Bundeswehr a besoin de 100.000 hommes formés en 4 ans.
CDU/CSU et SPD présentent leur contrat de coalition pour le futur gouvernement
Lars Klingbeil, le chef du SPD, préfère axer le débat sur l'attractivité de la défense fédérale, et soutient l'idée d'un nouveau service militaire volontaire tel que stipulé dans l'accord de coalition. Pour le rendre attractif auprès des jeunes, des formations payées sont prévues, notamment le permis de conduire. Mais au sein même de son parti, les voix ne sont pas au diapason. Hans-Peter Bartels, membre du SPD et ancien commissaire aux forces armées du Bundestag allemand de 2015 à 2020, s'est prononcé pour le retour de la conscription.

D'autres modèles sont également envisagés, notamment celui en vigueur en Suède. Chaque année dans le pays nordique, tous les jeunes d'une tranche d'âge, femmes et hommes, sont interrogés sur leur intérêt à rejoindre l'armée. Sur cette base, certains sont convoqués pour un examen médical, et c'est parmi eux que l'armée choisit ses nouvelles recrues, en fonction de ses besoins. Théoriquement obligatoire, ce modèle de service militaire fait en pratique appel seulement aux plus motivés.
Enfin, en cas de rétablissement de la conscription, la question du manque de moyens matériels de la Bundeswehr deviendrait urgente. En l'état, certains experts estiment que la défense fédérale ne dispose pas de suffisamment de casernes et d'instructeurs pour assurer le retour du service militaire obligatoire.
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