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CINEMA - Retour à l'âge d'or du septième art khmer

Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 8 février 2018

Redécouvrir l'âge d'or du cinéma cambodgien et en faire un film-documentaire long-métrage, voilà le pari de Davy Chou, jeune cinéaste de 27 ans et petit fils du célèbre producteur des années 1960-1970, Van Chann

 

(Crédit photo : Davy Chou)

Le glorieux passé cinématographique du Cambodge n'aura duré que 15 ans mais le nombre de productions n'en est pas moins exhaustif puisque plus de 300 films en sont ressortis avec seulement une trentaine de rescapés disponibles à ce jour. La mémoire n'a pas pour autant disparue. The Golden Slumbers en est la preuve. Davy Chou revient sur son projet en répondant aux questions du Petit Journal.com.                                                                                                                 

Lepetitjournal.com: D'où vous est venue l'idée de ce projet ?

Davy Chou: C'est quand ma tante m'a raconté pour la première fois, alors que j'avais déjà une vingtaine d'années, l'histoire de mon grand-père, qui avait créé un studio de cinéma au début des années 60. L'histoire était absolument fascinante : comment quelques personnes, de leur propre initiative, ont décidé de se lancer à corps perdu dans une industrie qui n'existait pas à l'époque et comment ils ont bâti en 15 ans de vrais minis studios, qui produisaient plusieurs films par an, rencontraient un succès monstre et ont aussi permis l'émergence du premier "star system" cambodgien alors adulées au Cambodge. Il m'apparaissait alors comme une évidence qu'il y avait un film à faire sur cette histoire-là.

Quelles sont vos attentes pour ce film et quel public est attendu ?

Mon film n'a pas vocation à raconter tout le cinéma cambodgien de la période : c'est beaucoup trop vaste. Nous avons donc choisi un autre angle avec l'équipe : raconter avant tout l'histoire de quatre survivants restés ou revenus au Cambodge (l'actrice Dy Saveth, les cinéastes Ly Bun Yim, Yvon Hem et Ly You Sreang) et creuser, ce qui dans chaque histoire illustre une des facettes de cette aventure à la fois magique et tragique. Puis, [?] nous avons cherché à filmer ce qui, dans le présent, pouvait constituer des traces de ce passé. Par exemple, en filmant les anciens lieux de cinéma qui ressemblent aujourd'hui à tout sauf à des lieux de cinéma (terrain vague, karaoké, habitations précaires...).

Par conséquent, j'espère que le film sera montré au plus grand nombre. J'espère que ceux qui ont vu ces films et connu cette période en reconnaîtront l'esprit et que les récits des histoires de films ravivent leurs précieux souvenirs. Nous comptons organiser des projections du film au Cambodge bien sûr, en France (Musée du Quai Branly le 13 octobre) mais aussi dans les pays à forte communauté cambodgienne : les Etats-Unis, le Canada, l'Australie... Mais à côté de ça, j'espère le montrer de façon plus large, d'abord dans les festivals internationaux de film, puis à la télé (Cinécinéma en France en 2012), et, je croise les doigts, lors d'une sortie en salles en France.

La teenag'génération a-t-elle conscience de ce patrimoine ?

Je dirais que c'est une conscience endormie qui ne demande qu'à être réactivée. Quand je suis arrivé au Cambodge, peu de recherches avaient été faites sur ces films en particulier, mais au fur et à mesure de mes pérégrinations, j'ai rencontré un certain nombre de jeunes Cambodgiens qui ont immédiatement montré un vif intérêt pour cet héritage, dont ils avaient beaucoup entendu parler par leurs parents ou autres, mais auquel l'accès n'était pas évident, ni la direction à épouser pour entreprendre des recherches. Mais il y avait aussi certains jeunes qui étaient déjà des puits de connaissance. [?] Mais ce sont des cas exceptionnels. 

Ensuite, j'ai eu la chance d'être aidé par les jeunes de l'association Kon Khmer Koun Khmer (groupe d'artistes et d'étudiants réunis après un atelier vidéo que j'avais fait à Phnom Penh en 2009). [?] Au début je pensais que cet enthousiasme était circonscrit à ceux qui avaient déjà une certaine éducation quant à la sauvegarde du passé, puis, quand j'ai vu les nombreux témoignages de soutien au film, notamment sur Facebook, de nombreux jeunes Khmers que je ne connaissais pas, j'ai vu qu'il y avait quelque chose de plus universel que ça, et c'est un signe très encourageant. Je crois que, tout simplement, cette génération est fière de voir que le passé du pays ne se résume pas aux pages sombres écrites par les Khmers Rouges.

Pourquoi avoir choisi 'touscoprod' pour vous financer ?

Il nous manque environ 20 000 euros pour terminer le film dans les meilleurs conditions possibles, ce qui signifie avoir une copie qui puisse ensuite être exploitée en salle de cinéma. Nous avons écumé toutes les sources de financement traditionnelles (chaîne de télévision, CNC...) en France. Il fallait donc trouver une autre solution pour finir de financer le film. Touscoprod est cette solution : c'est un site qui propose aux internautes de participer au film, en échange de contreparties en fonction de la somme mise. [?] C'est une façon aussi pour nous de montrer notre reconnaissance à ceux qui nous soutiennent. Le challenge est élevé car en dessous du seuil minimal de 10 000 euros, on ne touchera rien ! Nous avons donc cinq mois devant nous pour tenter de les réunir. Mais sinon, nous sommes également ouverts à toute proposition de sponsoring avec une entreprise cambodgienne, française ou, encore mieux, franco-khmère ! C'est une piste que nous n'avons pas du tout explorée, faute de temps, mais je serais ravi d'associer au film le nom d'une entreprise souhaitant aider à la sauvegarde de cette mémoire. S'il y a parmi les lecteurs du PetitJournal.com des gens intéressés...

Pour l'avenir du cinéma cambodgien, un renouveau est-il possible ?

Évidemment ! Cela serait déprimant de penser le contraire. Il ne s'agit pas tant de retrouver l'esprit des 60's que de remettre sur pied une industrie cinématographique. Le cinéaste Yvon Hem me disait avec sa lucidité habituelle qu'en 1975, le cinéma cambodgien, malgré ses succès et sa productivité, n'en était encore qu'à ses premiers pas mais qu'il montrait tous les signes favorables à un bel avenir. L'histoire en a décidé autrement. Il est donc compréhensible qu'aujourd'hui le cinéma reparte de très loin. Mais il suffit de voir l'action qu'a mené la Commission du Film du Cambodge depuis sa création il y a deux ans pour être confiant en l'avenir. Cela prendra juste du temps. Et lorsque j'entends l'ouverture du cinéma Legend le mois dernier, c'est pour moi la meilleure nouvelle depuis longtemps : il faut que les gens voient des films pour avoir envie d'en faire !

Propos recueillis par Emilie TÔN (www.lepetitjournal.com) mardi 2 août 2011

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Publié le 2 août 2011, mis à jour le 8 février 2018

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