Première femme docteure issue de la communauté amérindienne Kali’na, Mireille Ho-Sack-Wa/Badamie plaide pour une refondation de la Francophonie. À ses yeux, seule une reconnaissance pleine et entière des langues et des cultures des territoires ultramarins peut donner sens à ce projet.


Une voix autochtone en quête de dignité linguistique
Guyanaise, membre de la nation Kali’na-Tilewuyu, Mireille Ho-Sack-Wa/Badamie a consacré ses recherches à la perlerie amérindienne, pratique artisanale ancienne longtemps ignorée par le monde universitaire. En soutenant en 2022 une thèse sur ce sujet, elle devient la première femme docteure de sa communauté.
Mais au-delà du symbole, sa démarche est politique et réparatrice. « Être la première femme docteure guyanaise d’origine amérindienne représente une réparation personnelle, familiale et collective », affirme-t-elle. Elle y voit un encouragement à destination des jeunes Amérindiens, une invitation à renouer avec leurs racines et à affirmer leur voix dans les espaces académiques et culturels.
Le rejet d’une Francophonie d’héritage colonial
Face à une francophonie souvent perçue comme le prolongement d’un regard occidental sur les peuples et les langues minorées, Mireille Ho-Sack-Wa/Badamie appelle à un changement de paradigme.
Elle propose une « Francophonie nouvelle », qu’elle associe à un concept émergent : l’Armazonisme, né en Guyane et porté par ceux qui veulent penser autrement la relation entre la langue française et les langues autochtones.
« Je n’approuve pas forcément le terme Francophonie, qui représente à mes yeux simplement l’écho de la langue française à travers un concept occidental », explique-t-elle.
Dans sa vision, cette Francophonie nouvelle ne peut émerger que si la France abandonne ses réflexes de hiérarchisation linguistique. Cela implique de reconnaître pleinement les langues dites « régionales » ou « ancestrales », souvent qualifiées à tort de « sauvages » ou de « primitives ».
L’Armazonisme : un projet linguistique et politique
Le concept d’Armazonisme, qu’elle contribue à développer, propose une approche intégrée : les langues ne sont plus de simples objets de folklore, mais des vecteurs de pensée, de mémoire et de transmission. Elles doivent être reconnues pour ce qu’elles sont : des langues de plein droit.
« Les langues se vivent, se parlent, s’échangent, se partagent, et doivent imprégner les autres d’une culture linguistique identitaire différente, pour une identité linguistique d’équilibre partagée. »
Mireille Ho-Sack-Wa/Badamie insiste : les langues autochtones doivent être enseignées dès le plus jeune âge, jusqu’à l’université. Et, à l’inverse, les écoles de l’Hexagone devraient intégrer certaines langues des DOM dans leurs cursus. Elle appelle à une relation de réciprocité linguistique entre la France et ses territoires.
Une mémoire à réconcilier
L’appel de Mireille Ho-Sack-Wa/Badamie résonne comme une critique du désintérêt persistant envers les réalités des territoires ultramarins. « Il existe une grande méconnaissance du territoire guyanais de la part de l’Occident », déplore-t-elle. Trop souvent réduite à des représentations simplistes, la Guyane porte pourtant une richesse humaine, historique et culturelle immense.
Elle affirme la nécessité de repenser les rapports entre la France et ses territoires d’outre-mer, et appelle à un dialogue renouvelé, fondé sur le respect des langues et des héritages. Car pour elle, c’est dans les langues que se joue la dignité des peuples.
« La Francophonie ne pourra se régénérer qu’en devenant un espace de création linguistique partagée, ancré dans la reconnaissance des langues de l’Armazonie. » - Mireille Ho-Sack-Wa/Badamie
Article réalisé en collaboration avec le RIMF, avec le soutien de l’Organisation Internationale de la Francophonie
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