Ivan Kabacoff, visage emblématique de TV5 MONDE, incarne l’idée d’une francophonie vivante et plurielle. À travers son parcours d’échanges, d’engagements et de créations, il a donné la parole à des milliers de francophones, démontrant que la langue française est avant tout un espace de connexion humaine. Mais derrière son sourire chaleureux et son énergie communicative se cache une vision lucide des défis qui attendent la francophonie.


Le voyage comme école de la vie
Pour Ivan Kabacoff, tout commence sur les routes. « Dès l’adolescence, j’ai pratiqué le stop. Je voulais sortir de ma zone de confort, rencontrer des gens et apprendre d’eux », nous confie-t-il. Ces expériences, loin d’être anodines, ont façonné son regard sur le monde. Voyager, c’est découvrir, mais aussi comprendre l’autre. Ce besoin d’explorer l’inconnu l’a conduit très tôt à s’engager dans des coopérations culturelles.
De la Russie à la Géorgie en passant par l’Asie centrale, il a travaillé au sein des Ambassades de France pour promouvoir la langue française, parfois dans des contextes difficiles. « À 23 ans, je dirigeais déjà une Alliance Française. C’était un défi immense dans des pays marqués par des guerres ou des crises. Mais c’était aussi une aventure humaine extraordinaire », se souvient-il.
Une francophonie plurielle, mais délaissée
Ivan Kabacoff a une vision claire de ce que devrait être la francophonie : un espace de dialogue et de diversité culturelle. « La francophonie, ce n’est pas un bloc homogène, mais un patchwork vivant de cultures unies par une langue commune », explique-t-il avec passion. Il regrette toutefois que cette richesse soit souvent mal comprise, y compris par les Français eux-mêmes.
« En France, la francophonie est perçue comme un concept ringard ou colonial. Mais ailleurs, c’est une fenêtre sur le monde, un outil d’émancipation et de création », observe-t-il. Pour lui, les institutions francophones sont essentielles mais elles devraient consacrer plus d'efforts et de moyens à la mise en réseau des acteurs de la francophonie à travers le monde « Trop souvent, elles se perdent dans des projets coûteux et peu utiles au lieu de soutenir les vrais acteurs de terrain. »
Un projet né de la passion
C’est en 2012 que Ivan lance Destination Francophonie, une émission désormais culte qui met en lumière les initiatives francophones aux quatre coins du globe. Mais rien n’a été facile. « On m’a dit : ‘Ton projet est sympa, mais trouve le financement toi-même.’ Alors j’ai produit un pilote, levé 100 000 euros et convaincu mes partenaires », raconte-t-il. À force de persévérance, l’émission est devenue un rendez-vous incontournable.
« Mon objectif était simple : raconter les belles histoires des francophones, celles qui inspirent et donnent envie de croire en l’avenir de cette langue. » Depuis, il a parcouru le monde, des petites écoles d’Afrique aux villages reculés d’Europe de l’Est, pour montrer que la francophonie est bien vivante. « J’ai rencontré des gens incroyables qui, parfois sans eau ni électricité, chantent Édith Piaf dans des villages perdus. C’est là que la francophonie prend tout son sens. »
Une liberté éditoriale précieuse
Ivan Kabacoff ne cache pas son bonheur d’avoir bénéficié d’une grande liberté éditoriale. « Sur plus de 600 émissions, je n’ai jamais eu de contrôle éditorial. Pourquoi ? Parce que la francophonie, ça n’intéressait personne au départ », plaisante-t-il. Cette indépendance lui a permis de créer une émission à son image, humaine et sincère. Pour lui, la francophonie n’est pas un sujet « vendeur » pour les médias traditionnels, mais elle reste essentielle. « Ce n’est pas l’actualité qui m’intéresse, mais les gens. Ce sont eux qui incarnent cette diversité. »
La francophonie : un défi politique et culturel, mais un réseau à renforcer
Malgré le succès de son émission, Ivan Kabacoff reste lucide envers certaines approches institutionnelles. Il nuance cependant son propos : « Les organisations internationales et les opérateurs de la francophonie s’intéressent réellement aux individus et font déjà un travail précieux. Mais il est possible d’aller encore plus loin en créant davantage de liens entre les francophones du monde entier. »
Selon lui, l’un des grands enjeux est d’accroître les connexions et de structurer de véritables réseaux entre francophones. « Il faudrait travailler sur des grands projets ambitieux comme un Erasmus francophone ou des visas de circulation pour les artistes », plaide-t-il. Loin des initiatives éparpillées, il imagine une francophonie dynamique qui s’appuierait sur un nombre limité d’États pilotes, avec une montée en puissance progressive, à l’image de ce qui a été fait avec TV5 MONDE.
Car si Ivan Kabacoff pointe certaines faiblesses, il sait aussi reconnaître les succès. TV5 MONDE en est l’un des plus éclatants, selon lui : « C’est l’un des plus beaux projets jamais réalisés pour la francophonie, une chaîne qui existe depuis plus de 40 ans et qui offre une ouverture d’esprit rare dans le paysage médiatique. »
Son émission Destination Francophonie en est la parfaite illustration, donnant à voir un monde francophone pluriel et dynamique. « TV5 MONDE est unique, car il donne un espace d’expression aux francophones du monde entier. C’est une chance incroyable de travailler pour un média qui, non seulement valorise la langue française, mais le fait avec une vraie liberté éditoriale », confie-t-il avec fierté. Pour lui, l’avenir de la francophonie passe par des initiatives du même ordre : des projets concrets, fédérateurs, et portés par une vision à long terme.
Une passion tournée vers l’avenir
Ivan Kabacoff ne s’arrête jamais de penser à l’avenir de la francophonie. « Il ne faut surtout pas avoir un discours défensif. La langue française n’est pas un outil de pouvoir, mais un vecteur de partage et de création », insiste-t-il. Il croit fermement que l’éducation est le cœur de la francophonie, un espace où tout commence. « Les écoles et les professeurs de français sont les premiers ambassadeurs de notre langue. C’est là que se vit la francophonie, dans les salles de classe, les festivals, et même les petites initiatives locales. »
La francophonie, une histoire en devenir
Alors que le monde évolue rapidement, Ivan Kabacoff reste convaincu que la francophonie peut continuer à être une force de dialogue et de diversité. Mais les défis restent nombreux : comment mobiliser les nouvelles générations, mieux intégrer les francophones du Sud et faire de la francophonie un véritable levier culturel et économique ? « La francophonie est infinie, car chaque francophone porte une histoire unique. Mais encore faut-il avoir le courage d’écouter ces histoires », conclut-il avec un sourire, prêt à repartir pour une nouvelle aventure.
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