Dans un entretien accordé à LePetitJournal – Édition Francophonie, Thierry Verdel, recteur de l’Université Senghor d’Alexandrie, revient sur le rôle central de cette institution dans la formation des élites africaines francophones. Créée en 1989 lors du Sommet des chefs d'État et de gouvernement des pays francophones à Dakar, cette université est un acteur clé du développement du continent, plaçant l’excellence académique au service des besoins concrets des sociétés africaines.


Un opérateur clé de la Francophonie institutionnelle
L’Université Senghor est l’un des quatre opérateurs de la Francophonie, aux côtés de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), de TV5 Monde et de l’Association internationale des maires francophones (AIMF). À la différence de ces structures, elle joue un rôle hybride, à la fois universitaire et opérateur de développement. « Nous sommes une université, avec des diplômes reconnus, mais aussi un acteur du renforcement des capacités professionnelles en Afrique. Notre vocation est de répondre aux besoins concrets du continent, en formant des cadres capables d’apporter des solutions innovantes aux défis du développement », explique Thierry Verdel, son recteur.
Tout en bénéficiant du soutien de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), l’Université Senghor conserve une autonomie dans la définition de ses formations et la mise en œuvre de ses programmes. Cette particularité lui permet d’être réactive et d’adapter en permanence ses cursus aux enjeux émergents, comme la gestion des risques ou l’économie bleue.

Une collaboration étroite avec l’Agence universitaire de la Francophonie
L’Université Senghor entretient une relation étroite avec l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), réseau mondial des établissements d’enseignement supérieur francophones. « Nous sommes à la fois un opérateur de la Francophonie et un membre actif de l’AUF, ce qui nous permet d’accéder à des ressources et des collaborations essentielles », souligne Thierry Verdel.
L’université héberge un campus numérique de l’AUF, ainsi qu’un Centre d’employabilité francophone, facilitant l’insertion professionnelle des étudiants. Elle bénéficie également des infrastructures et du réseau international de l’AUF, notamment pour organiser des événements académiques, développer des partenariats et mettre en place des formations conjointes. « Nous collaborons avec des universités membres de l’AUF pour co-diplômer certains de nos masters et faciliter la mobilité de nos étudiants », précise le recteur.
Grâce à ces synergies, l’Université Senghor contribue à renforcer l’offre de formation en Afrique et à favoriser la circulation des savoirs entre les institutions francophones.
Une mission au cœur du développement africain
Dès sa création, l’Université Senghor a été pensée comme un outil stratégique pour accompagner le développement de l’Afrique en formant des cadres qualifiés. « Notre mission est de renforcer les capacités des professionnels africains afin qu’ils puissent concevoir, piloter et évaluer des projets structurants pour leur pays », souligne son recteur. L’établissement propose essentiellement des masters spécialisés dans quatre grands domaines qui ont un socle commun en gestion de projets : la culture, l’environnement, le management et la santé.
Au fil des années, l’Université a su adapter ses cursus aux enjeux contemporains du continent. L’un des récents développements concerne la gestion des risques et des crises, un domaine encore peu couvert en Afrique. « Nous avons constaté un manque criant de formations sur ce sujet, alors que les défis sont nombreux : catastrophes naturelles, crises sanitaires ou instabilité politique », explique Thierry Verdel.
Une approche pragmatique et agile
L’Université Senghor s’est distinguée par un mode de fonctionnement atypique. À Alexandrie, elle accueille environ 160 étudiants recrutés à l’issue d’un concours très sélectif organisé chaque deux ans auxquels s’ajoutent 40 étudiants recrutés sur dossier en 2e année du master. Ces étudiants bénéficient d’un programme intensif, dispensé par un corps professoral international et une approche pédagogique résolument tournée vers la pratique.
Mais l’institution ne se limite pas à son campus égyptien. Elle a su innover en développant un réseau de « campus Senghor » dans 17 pays dont 15 en Afrique. « Notre modèle est basé sur le partenariat avec des institutions locales. Nous ne construisons pas de nouveaux murs, nous intégrons nos formations dans des structures existantes, ce qui nous permet de répondre aux besoins spécifiques de chaque pays et de proposer des formations qui restent accessibles financièrement.», précise le recteur.
Aujourd’hui, plus de 35 programmes de master sont proposés à travers ces campus décentralisés. « En Afrique centrale, où l’offre universitaire est limitée, notre présence est essentielle. Nous formons des professionnels sur des thématiques ciblées, qu’il s’agisse de mobilité urbaine, d’économie bleue ou de gouvernance démocratique », ajoute le recteur.
Un réseau d’anciens étudiants, moteur de la Francophonie
L’Université Senghor ne se contente pas de former des cadres, elle les accompagne tout au long de leur carrière grâce à un réseau dynamique d’alumni présents dans plus de 50 pays. « Nos anciens étudiants sont nos meilleurs ambassadeurs. Ils jouent un rôle clé dans le développement de leurs pays et nous aident à identifier les nouveaux besoins en formation », explique Thierry Verdel.
Ce réseau actif favorise également la mobilité inter-africaine, un enjeu clé pour la Francophonie. « La Francophonie, ce n’est pas seulement une langue commune, c’est aussi la capacité à échanger, à collaborer, à créer des ponts entre les nations », insiste le recteur. À ce titre, l’Université ambitionne de mettre en place un programme de mobilité intercampus, un « Erasmus africain », afin de permettre aux étudiants de nos formations de découvrir d’autres réalités que celles de leur pays d’origine.

Un avenir ambitieux pour une université en pleine mutation
Sous l’impulsion de son recteur et du président de son conseil d’administration, l’Université Senghor poursuit sa modernisation. Un nouveau campus, en phase finale de construction, vise à doubler la capacité d’accueil et à offrir un cadre de formation encore plus performant. Par ailleurs, l’institution travaille à diversifier ses sources de financement, en s’appuyant notamment sur des partenariats avec des organismes internationaux.
Alors que l’Afrique est confrontée à des défis majeurs en matière de formation et d’emploi, l’Université Senghor apparaît plus que jamais comme un levier essentiel du développement francophone. Comment peut-elle encore renforcer son impact sur le continent ? La réponse viendra sans doute de sa capacité à innover et à s’adapter aux transformations en cours.
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