Dans un livre paru le 19 mars dernier, Linh-Lan Dao décrit le racisme anti-asiatique sous toutes ses formes. L’ouvrage mêle témoignage personnel, enquête journalistique, et donne la parole à des sociologues, historiens, journalistes, artistes et militants. L’objectif ? Éveiller la conscience politique des nouvelles générations d’asio-descendants, tout en servant de repère à toute personne souhaitant déconstruire ses préjugés et s’engager dans cette lutte.
Aborder le racisme anti-asiatique à travers un ouvrage mêlant témoignage personnel et rigueur journalistique : c’est le pari relevé par la journaliste Linh-Lan Dao, engagée dans la lutte contre le racisme anti-asiatique. Paru aux éditions Denoël le 19 mars dernier, son livre Vous, les Asiats… explore en profondeur les différentes formes que peut prendre ce racisme, souvent ignoré ou minimisé en France. À travers cet essai, Linh-Lan souhaite politiser les jeunes Asiatiques en les sensibilisant à un racisme « encore trop invisibilisé ».
En 2016, un sketch diffusé à la télévision dans lequel Kev Adams et Gad Elmaleh caricaturent des Asiatiques choque Linh-Lan Dao, alors journaliste à France Info TV. « Si on avait fait le même genre de blague stéréotypée avec d’autres communautés, ça serait très mal passé », souligne-t-elle. La pandémie a également été l’un des déclencheurs de l’écriture de son ouvrage. « À l’époque, je me suis dit que ce n’était pas juste un sentiment personnel : il y avait des agressions, des tabassages, une vraie violence qui visait les personnes perçues comme asiatiques. On avait franchi un cap. »
Racisme ordinaire et mythe de la minorité modèle
Au fil des pages de Vous, les Asiats…, Linh-Lan Dao déconstruit le « mythe de la minorité modèle », un stéréotype flatteur en apparence mais profondément nuisible, encore relayé dans certains médias. « Quand j’étais plus jeune, je pensais qu’on n’avait pas de problème parce qu’on était discrets, bons élèves, etc. Mais ça, ce sont de fausses croyances qui nuisent à toutes les minorités », explique-t-elle. Un livre qu'elle « aurait aimé lire plus jeune ».
Diaspora vietnamienne en France : « une communauté modèle » ? Décryptage
Comme encore trop de femmes en France, Linh a subi des remarques racistes et misogynes alors qu’elle marchait dans les rues de Marseille. Ce jour-là, son amie d’origine algérienne reste bouche bée face à la scène. « Elle ne s’attendait pas à ce niveau de violence raciste envers les Asiatiques », confie-t-elle. Pour Linh, tout commence souvent dès l’école, avec des remarques comme « Alors, la Chinoise, ça va ? », mais l’âge adulte n’arrange rien. Elle évoque notamment un épisode survenu lors d’un week-end en amoureux, où elle a ressenti une exotisation déplacée de la femme asiatique : « Le gérant me parle de Saigon, me demande mes origines, et enchaîne avec un monologue sur ses souvenirs au Vietnam. C’était le type même du racisme “bienveillant”, où on exotise. » Mais au-delà de ce racisme dit ordinaire, Linh insiste : le racisme visant les personnes asiatiques est bel et bien systémique.
Un mécanisme systémique
Dans son livre, Linh rappelle qu’une personne perçue comme asiatique à 15 % de chances en moins d’obtenir un logement par rapport à une personne d’origine française. Ce chiffre est issu d’un rapport publié par SOS Racisme en 2019. « Les personnes perçues comme asiatiques subissent des discriminations, notamment dans l’accès à l’emploi ou au logement », explique-t-elle. Pour appuyer ses analyses, elle s’est entourée de la parole d’experts : sociologues, historiens, journalistes, artistes et militants.
Forte de son expérience de journaliste à France Télévisions, elle revendique une démarche méthodique et rigoureuse. « Je ne pouvais pas rester sur du ressenti et du témoignage, parce que ça, intellectuellement, ça pourra toujours être contré par l’extrême droite. Mais une fois que tu mets en avant des études très sérieuses, avec une méthodologie, là, on ne peut plus être dans le déni », commente-t-elle.
Des nouvelles générations plus conscientes
Linh constate que les premières générations de migrants venues d’Asie du Sud-Est ont souvent eu tendance à banaliser les situations racistes du quotidien. Barrière de la langue, sentiment de redevance envers le pays d’accueil : ces éléments ont contribué à une forme de normalisation des discriminations. Mais avec l’arrivée des nouvelles générations, les choses évoluent. « Les premières générations venues d’Asie du Sud-Est ont souvent un discours de gratitude envers le pays d’accueil. C’est logique : la France les a accueillies comme réfugiés, parfois dans des conditions très dures. Mais les enfants nés en France, eux, n’ont pas ce sentiment de dette. »
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« Ils sont citoyens à part entière, on leur enseigne que tous les Français sont égaux. C’est intéressant de voir que la deuxième génération identifie un peu mieux ces problèmes », commente-t-elle. Linh espère que sa voix résonnera en eux, et leur donnera des clés de compréhension. Son livre s’adresse aussi à toute personne prête – ou pas encore prête – à s’engager dans la lutte antiraciste. Dans son chapitre Le blanc n’est pas une couleur neutre, elle met notamment en avant une citation de Martin Luther King :
« Il se pourrait bien que nous devions nous repentir, non seulement des paroles au vitriol et des mauvaises actions des mauvaises personnes, mais aussi du silence et de l’indifférence effroyables des bonnes personnes qui croisent les bras et disent : “attendez le bon moment”. »
Pour lire l’œuvre de Linh-Lan Dao, rendez-vous en librairie, ou sur les plateformes en ligne comme Amazon et la Fnac. Le e-book est également disponible en téléchargement pour liseuse.
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