Le Petit Journal a rencontré pour vous Benoît Chaigneau, anciennement homme de média au parcours atypique qui revient sur sa relation avec le Vietnam et son amour pour ce pays.


Dans la première partie de cette interview, Benoît Chaigneau revient sur son parcours… pour le moins surprenant. Il nous présente son histoire depuis sa formation jusqu’à sa découverte du Vietnam à travers le prisme de la gastronomie, des ingrédients, et des produits du terroir vietnamien.
Pouvez-vous vous présenter ? D’où venez-vous et quelle est votre formation ?
Je suis Benoît Chaigneau, originaire du Sud-Est de la France et actuellement Français expatrié au Vietnam et en pleine expansion dans la fabrication de mon “Nuoc Mam”, la sauce poisson typique du Vietnam.
J’ai initialement été formé en droit, ayant également passé six mois à l'Institut d’Études Politiques (IEP) d’Aix-en-Provence. Par la suite, j'ai dérivé vers le journalisme, particulièrement chez La Provence avant de remplacer un journaliste blessé sur le Paris-Dakar. Cette expérience m’a permis de me lancer dans le journalisme et la télévision en tant que reporter d’images. Ma carrière télévisuelle est caractérisée par le côté “touche à tout” et pendant plus de 10 ans j'ai exercé sur tous types de programmes en occupant des postes bien différents (caméraman, animateur de radio, journaliste…), des “reality shows” au documentaire en passant par le sport, ainsi qu’en tant que chroniqueur dans l’émission Comment ça va bien? de Stéphane Bern.
Mes spécialités restent cependant liées au domaine culinaire, et notamment à la gastronomie et la pâtisserie. Ainsi, depuis 2010, je travaillais en tant que consultant expert en médias pour la télévision vietnamienne sur des programmes de coopération entre la France et le Vietnam. À travers cette activité, j’ai eu l’occasion de me rendre au Vietnam plusieurs fois par an pour proposer des masterclass et des formations aux journalistes et réalisateurs de la télévision vietnamienne.
En 2011, vous voyagez donc au Vietnam pour la première fois. Quel a été votre ressenti sur ce pays à l’époque ?
La première fois que j’ai atterri au Vietnam, c’était à Hanoi et je me suis immédiatement senti chez moi ; j’étais alors fasciné par les parfums et les couleurs de la rue qui étaient à l’époque très différents d’aujourd’hui. Le Vietnam est un pays qui évolue très vite. Ce qui m’a également marqué lors de mon arrivée, ce sont les traces de la présence française (surtout au niveau de l’architecture) et la manière dont les vietnamiens les ont intégrées dans leur modus vivendi. Ce premier voyage m’a également remémoré mes cours d’histoire sur le Vietnam, et particulièrement sur Ho Chi Minh, dont le parcours de vie, le parcours politique et les idées me fascinent.
J’ai également été très touché par la dimension collective qui règne dans la société vietnamienne. Des séances de sport collectives à la préoccupation que les vietnamiens montrent les uns pour les autres, cette notion de partage et de collectivité m’a plu tout de suite.
La chance dont j’ai bénéficié est aussi d’avoir été très bien entouré. Les journalistes de la télévision vietnamienne avec qui je travaillais m’ont emmené directement au cœur de leur culture et s’amusaient à me faire goûter tous types de mets afin de voir comment j’allais réagir. Il s’est avéré que je réagissais à chaque fois extrêmement bien, j’étais captivé, intrigué et très curieux concernant tout ce que je pouvais goûter ou sentir au cours de ce voyage, découvrant des saveurs qui m’étaient alors inconnues. Cette première expérience a donc été une révélation au niveau de mes sens.
Après ce premier voyage, vous devez revenir en France, mais vous vous empressez de repartir au Vietnam par la suite. Est-ce le début d’une liaison avec ce pays, sa gastronomie ?
Au cours de mes nombreuses escapades au Vietnam, j’ai découvert un monde culinaire extraordinaire. J’ai toujours été passionné de gastronomie et j’ai découvert ici une profusion de terres fertiles, de légumes, de fruits, de produits qui m’étaient jusque-là totalement inconnus. À chaque nouvelle découverte, j’avais le sentiment d’être heureux, je me sentais comme un enfant dans un magasin de jouets !
Qui plus est, la gastronomie asiatique et plus particulièrement vietnamienne telle qu’on la connaît en France et telle qu’elle est véritablement ici sont deux choses complètement différentes. Au Vietnam, j’ai été fasciné par la cuisine de rue à laquelle je ne connaissais rien au départ. Le fait de s’asseoir sur des tabourets en plastique dans la rue et de déguster des plats délicieux me sortait complètement des habitudes françaises. Je commandais généralement des plats au hasard et je n’ai jamais eu de mauvaises surprises, même si l’on m’a fait goûter de l’alligator !
La cuisine a aussi pour moi une dimension sociale : je ne comprends bien un individu que quand j’ai compris comment il se nourrit. Le fait de savoir comment les gens mangent, c’est ce qui me permet de comprendre une civilisation, un peuple. Chacun découvre une culture à sa façon, mais dans ma démarche de voyageur, connaître et comprendre la gastronomie d’un peuple, découvrir les ingrédients et les pratiques est primordial.
Afin d’encore mieux comprendre cette cuisine si vaste, je me suis donc mis à sillonner le pays en parallèle de l’enseignement que je prodiguais, suivant les conseils que je recevais sur les spécialités de telle ou telle région, m’arrêtant ici et là, demandant aux gens que je voyais cuisiner ce qu’ils préparaient, les ingrédients qu’ils utilisaient, quels étaient les usages autour des plats, des spécialités.

Hasard du calendrier ou coup du destin, vous restez bloqué au Vietnam pendant la crise du COVID, que se passe-t-il pour vous à ce moment-là ?
J’ai en fait choisi de rester en vacances au Vietnam entre deux missions et pendant ce laps de temps le Vietnam a fermé ses frontières pour se protéger du COVID, ce qui a fait que je me suis retrouvé enfermé ici. Je pensais au départ que cette crise allait vite passer, mais cela a duré au final presque un an et demi et il était impossible pour moi de retourner en France, où j’avais d’ailleurs dû rendre mon appartement et où je n’avais plus de travail.
Dans ce contexte, j’ai donc décidé (ou été contraint) de rester au Vietnam. J’en ai profité pour m’acheter une vieille moto, un sac à dos et traverser le pays Nord au Sud, dormant sur mon hamac quand la nuit tombait. Ma première idée était d’aller découvrir encore plus les épices, d’en entamer une collection et pourquoi pas d’en faire commerce. J’ai donc utilisé mes connaissances parmi les chefs cuisiniers que j’avais côtoyé au Vietnam qui m’ont conseillé différents endroits et je partais à chaque fois à la découverte du produit, ce qui m’a toujours passionné.
Cela a été une expérience aussi intense qu’inattendue. J’avais à l’époque 48 ans, j’étais marié et j’avais deux enfants: la vie d’aventurier était normalement censée être derrière moi. Même si l’éloignement de la famille a été compliqué, la liberté que j’ai ressentie sur place et le fait de pouvoir aller où bon me semblait en moto dans un pays aussi incroyable que le Vietnam a été une sensation sans pareille. Les mesures contre le COVID étaient moins strictes qu’en France, ce qui me permettait de bouger relativement librement d’une province à l’autre et ma vie était à ce moment-là un véritable film d’aventure.
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Après avoir découvert le parcours de Benoît Chaigneau ainsi que sa liaison bien particulière avec le Vietnam, nous reviendrons la semaine prochaine avec la seconde partie de cette interview sur le début de son parcours en tant que créateur culinaire dans ce pays qu’il apprécie tant.
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