Alors que, traditionnellement, les Chinois du continent cherchaient à Hong Kong des produits non disponibles chez eux, de plus de plus de Hongkongais se fournissent maintenant en produits de Chine continentale, bien moins chers.
Le "Daigou", c'est quoi ?
Il y a moins d’un an et demi, le 8 avril 2022, un dollar hongkongais valait 0,81 renminbi. Début septembre 2023, il en vaut 0,93, soit presque 15% de plus. Si on ajoute à cela une baisse des prix en yuans (ou renminbis) côté chinois, une ouverture des frontières facilitée pour les résidents hongkongais depuis le 6 février, et une variété grandissante des produits disponibles à Shenzhen et dans toute la Greater Bay Area, il en résulte un phénomène de plus en plus visible à la frontière : l’inversion des flux de marchandises, qui viennent désormais de plus en plus du Mainland vers Hong Kong.
En effet, traditionnellement, on voyait plutôt les touristes du continent venir chercher à Hong Kong ce qui pouvait manquer chez eux, comme les produits cosmétiques occidentaux et les préparations pour nourrissons, ou ce qui était moins taxé ou détaxé. Cela avait eu pour conséquence la création de rues commerciales aux frontières, et aussi la création d’une activité : le « daigou ». Il s’agit en fait pour un individu, le plus souvent un expatrié ou un riverain de la frontière, d’acheter des produits occidentaux pour des compatriotes qui habitent en Chine.
Le Daigou inversé
Aujourd’hui, ces mêmes « acheteurs pour autrui » rentabilisent de plus en plus leurs voyages pendulaires en pratiquant le « daigou inversé», autrement dit le fait de ramener à Hong Kong dans leurs bagages des produits bien moins chers en Chine. Parmi eux, on peut remarquer des biscuits, des « bubble milk teas », des canards braisés, des aliments pour barbecue… La rémunération d’un frontalier pratiquant le daigou inversé est raisonnable : par exemple 6 yuans pour une boîte de 4 gâteaux.
A ce tarif, de plus en plus de Hongkongais commandent en ligne en Chine, donnent au site une adresse de livraison proche de la frontière, et se font ensuite ramener la marchandise par des frontaliers qui livrent à domicile ou donnent rendez-vous dans des stations de métro. La tendance est d’autant plus forte que de nombreux Hongkongais ont téléchargé des applications chinoises telles que Meituan, Xiaohongshu (Little Red Book) ou Douyin, où ils sont attirés par de nombreux produits bon marché.
Voyages et souvenirs
Cela dit, certains habitants de Hong Kong traversent aussi de plus en plus la frontière pour aller consommer directement sur place. C’est notamment le cas pour certains services qui deviennent très intéressants en Chine, comme les opérations dentaires ou la fourniture de lunettes sur ordonnance. C’est aussi le cas pour le plaisir de faire du shopping et de passer du bon temps. Par exemple, dans un restaurant de hotpot près du port de Shenzhen, les clients de Hong Kong peuvent représenter plus de la moitié de la clientèle. La même tendance se repère dans les night markets de la ville.
De ce fait, à des postes frontières comme Lo Wu ou Lok Ma Chau Spur Line, on dénombre souvent quatre à cinq fois plus de passages de Hongkongais que de visiteurs du Mainland. Ainsi, en additionnant ces deux postes de douane, le 31 août 2023, le département de l’Immigration a dénombré en une seule journée 94736 retours de résidents de Hong Kong contre seulement 22317 arrivées de Chinois du continent. Et beaucoup de Hongkongais traînaient des bagages bien lourds…