Frédéric Simon est arrivé en Inde en 2017 pour un contrat de trois ans en tant que Directeur de l’Alliance Française de Bombay. Directeur artistique de théâtre, acteur, décorateur et marionnettiste, il a choisi de partir à l'étranger pour découvrir un autre univers. Il partage avec nous son parcours, son expérience au sein de l’Alliance Française de Bombay et comment il a fait connaissance avec cette ville si intense qui lui a beaucoup plu.
Les années théâtre en Europe
Après des études économiques avec une spécialisation dans les mathématiques financières à Strasbourg, Frédéric Simon a finalement décidé de s’investir plutôt dans sa passion pour le théâtre qui date de ses années au collège et se fait embaucher comme administrateur d’une troupe de théâtre qu’il connait dans l’Est de la France. Très vite, il monte sur scène et devient acteur, même s’il n’avait jamais pensé à en faire son métier. Pendant huit ans, il fait partie intégrante de la troupe, mais s’initie aussi au métier de décorateur pour le théâtre, se forme au métier de marionnettiste et écrit des pièces. “J’ai fait ce métier à une époque où la vie artistique était peut-être moins dure qu’aujourd’hui, je n'étais pas intermittent, j'étais permanent sur le même modèle que la compagnie d’Ariane Mnouchkine,” raconte Frédéric Simon (ndlr : la compagnie d’Ariane Mnouchkine, le Théâtre du Soleil, est une coopérative de travailleurs qui fonctionne dans un esprit communautaire).
Atelier de création de marionnettes animé par Frédéric Simon au Kala Ghoda Festival 2020
En 1996, un changement dans la politique du gouvernement français induit une réduction des fonds alloués à la Culture et Frédéric Simon se retrouve sans emploi. Cependant, après deux ans passés comme gérant d’une auberge en Sologne dans la ville de naissance de Marie Stuart, Aubigny-sur-Nère, il retourne à sa passion, prend la direction artistique d’un théâtre et exerce ce métier pendant de longues années. “J’ai dirigé plusieurs théâtres d’abord à la direction technique puis à la direction artistique, j’ai terminé par la scène européenne du théâtre du Maillon à Strasbourg,” raconte Frédéric Simon.
Deux décennies plus tard, cherchant à changer d’horizon, il apprend qu’il est possible de postuler pour des postes contractuels pour le gouvernement français à l'étranger et pose sa candidature pour diriger le centre culturel français de Gaza en Palestine. “J’ai toujours voulu aller à Gaza, mais c’est impossible d’y entrer. Le centre culturel français de Gaza, c'était l’occasion de réaliser ce rêve de théâtre à Gaza,” avoue-t-il. Malheureusement, la France décide finalement de ne pas rouvrir cet établissement et on propose à Frédéric Simon, la direction de l’Alliance Française de Bombay ou celle de Pondichéry. Il choisit Bombay, Pondichéry lui semblant trop proche de la France ! “J’y ai vu un signe du destin : j’avais un chat tout noir, mon compagnon depuis 20 ans, et on appelle cette race les chats de Bombay,” confie-t-il.
Immersion à Bombay
Frédéric Simon décide dès son arrivée dans la “Maximum City” de se laisser guider par les Indiens pour découvrir la ville. Il affirme : “les Indiens sont très abordables et serviables, ils veulent toujours à tout prix donner un coup de main !”
C’est ainsi qu’il apprend à utiliser le fameux “Mumbai local”, le train habituellement plus que bondé qui dessert la ville du nord au sud : “Les Mumbaikars m’ont expliqué à quelle heure on pouvait le prendre sans risques, où il ne fallait pas se trouver aux heures de pointe…”, raconte Frédéric Simon. Il découvre les différents villages de pêcheurs du sud de la ville et se laisse guider dans Dharavi, l’immense bidonville de Mumbai, par des habitants qu’il a connus. Il y fait la connaissance du Dharavi Dream Project, qui a pour objectif la découverte et la promotion des talents Hip Hop du quartier de Dharavi.
L’Alliance Française de Bombay, un centre d’apprentissage du français réputé
A l’Alliance Française de Bombay, Frédéric Simon travaille avec une équipe conviviale et soudée, présente depuis longtemps pour certains et un président, Nadir Godrej, agréable et ouvert.
La vocation d’une Alliance Française est l’apprentissage du français. “Les Alliances Françaises sont des organisations indépendantes locales dont les ressources proviennent uniquement des cours de français qui y sont organisés,” explique Frédéric Simon. “Il y a un véritable engouement pour le français en Inde”, ajoute-t-il.
A Bombay, l’Alliance Française anime quatre centres de langues et est aussi présente à Nasik, une autre ville du Maharashtra. Au total, 97 personnes y travaillent dont une soixantaine de professeurs de français, avec une forte majorité de femmes. “L’Alliance Française de Bombay accueille chaque année environ 5 000 étudiants qui ont pour la plupart entre 18 et 25 ans et sont à 95 % des femmes,” dit Frédéric Simon. Et pour combler l’enthousiasme des Indiens pour le français, un programme junior a été mis en place en 2019.
Aujourd’hui, suite à la crise sanitaire, tous les cours dispensés par l’Alliance Française de Bombay sont donnés en ligne.
Les revenus issus des cours permettent à l’Alliance Française de Bombay, outre la couverture des dépenses (majoritairement les salaires), de financer des actions culturelles dont les axes sont définis par le service de coopération et d'action culturelle (COCAC) de l’Ambassade de France à Delhi.
L’objectif de Frédéric : faire venir la France dans des endroits qu’elle ne connaissait pas
Lors de son mandat à l’Alliance Française de Bombay, Frédéric Simon a choisi de se concentrer sur des collaborations culturelles à long terme entre l’Inde et la France selon le principe des résidences. “J’ai voulu mettre l’accent sur la présence des artistes dans la durée et le rythme lent de la découverte du pays à l'opposé des tournées organisées dans plusieurs villes pendant lesquelles les artistes passent leur temps dans les avions,” confie Frédéric Simon.
Son objectif a été de créer des liens entre des artistes des deux pays qui pourraient se développer par la suite. C’est un projet qui lui tenait à coeur. “Nous avons invité en Inde un chorégraphe français, Ali Salmi, de la compagnie Osmosis et nous lui avons présenté deux chorégraphes indiens et deux jeunes artistes Hip Hop de Dharavi qui se sont produits dans le film bollywoodien connu Gully Boy. En décembre 2019, le danseur français s’est produit en spectacle dans un parc du sud de Bombay sur leur musique puis à Delhi dans les jardins Lodhi sous l'égide de l’Ambassade. Il collabore dorénavant avec un danseur-chorégraphe de Bollywood, Terence Lewis, et réalise des masterclass pour les acteurs indiens,” raconte Frédéric Simon.
La bande annonce du spectacle de danse
Un autre beau souvenir de Frédéric Simon est la tournée en Inde de Manu Chao juste avant le confinement total de tout le pays. “J’ai emmené Manu Chao à la découverte du village de pêcheurs de Colaba et nous avons passé la nuit à chanter et danser avec eux. Quand on est partis le matin au lever du jour, Manu Chao avait les larmes aux yeux. C’est une expérience inoubliable,” s’enthousiasme-t-il.
J’ai choisi de proposer aux artistes français une expérience humaine de l’Inde.
A Mumbai, Frédéric Simon n’a pas pour autant oublié sa passion pour le théâtre et les marionnettes. Une de ses actions culturelles a été de faire traduire des pièces contemporaines françaises en anglais (bientôt aussi en marathi) et d’en organiser des lectures pour le public indien. “Je pense que la culture française peut aussi être véhiculée à travers d’autres langues,” affirme-t-il. Une des dernières lectures avant le confinement fut celle de la pièce Elle pas princesse, lui pas héros de l’auteure Magali Mougel.
Frédéric Simon termine son contrat en tant que Directeur de l’Alliance Française de Bombay le 31 août 2020 et avoue que “Maximum City” l’a beaucoup marqué. Pour la suite, il a prévu de revenir à son métier de directeur artistique de théâtre national en Europe.
Bombay est une ville qui m’a vraiment beaucoup plu ! J’y ai été très bien accueilli et j’ai eu la chance de la découvrir avec des locaux.
Pour finir, Frédéric Simon vous propose d'écouter le “Message in the dark” du collectif lyonnais ELECTROPHAZZ pour soutenir les ONG de Mumbai :
Bon retour en Europe !
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