Le Jharkhand est un plateau du Nord de l’Inde boisé parcouru de vallées profondes et peuplé de populations aborigènes, en particulier dans la petite région de Hazaribagh. Plus d’une douzaine de sites préhistoriques y ont été découverts avec des peintures rupestres qui rappellent les poteries néolithiques de la civilisation de l’Indus contemporaine de Babylone. Les tribus vivant dans la région se sont appropriées ces lieux, elles les vénèrent et les protègent. “Les tribus considèrent que c’est un monde incompréhensible et indicible qui est celui des divinités, c’est pourquoi elles les protègent” raconte Christian Journet.
Cet art rupestre se retrouve dans le style contemporain des peintures murales des villages de plusieurs tribus des environs. On y retrouve deux styles principaux, Khovar et Sohrai, dont les artistes sont exclusivement des femmes.
L'art rupestre de Jharkhand et les peintures Khovar et Sohrai ont été mis en lumière il y a deux décennies par Bulu Imam, un militant écologiste travaillant pour la protection de la culture et du patrimoine tribaux au Jharkhand.
Dans cette région, environ 200 villages, les champs cultivés et les forêts sont menacés de destruction par des projets d’extraction de charbon à ciel ouvert. Avec le déplacement de ses habitants disparaitra une forme d’art pictural qui a survécu jusqu’à nous.
Aujourd’hui, la rédaction vous présente les peintures murales de Hazaribagh avec l’assistance de Christian Journet de l’association Duppata.
Khovar et Sohrai, deux styles pratiqués par la plupart des tribus de la région
Environ onze communautés différentes habitent la région de Hazaribagh dont les Oraons, Mumdas, Santhals, Khurmis et Prajapatis. De nombreux villages possèdent des maisons décorées de fresques murales quelle que soit la tribu qui y réside. La technique est similaire, mais les motifs et le dessin diffèrent.
Le style Khovar est un art nuptial alors que le style Sohrai est dédié aux moissons et à la vache en tant qu’aide pour les récoltes. Les fresques sont effectuées après réparation des murs des maisons.
Le style Khovar, un art nuptial
L'art Khovar est une décoration de mariage qui comprend des représentations de plantes et d'animaux de la jungle. Aujourd'hui encore, la forêt est considérée par les tribus aux traditions nomades comme le lieu où un couple doit aller pour consommer le mariage.
Le Khovar est la chambre nuptiale dont la décoration est une tradition tribale. Cette pièce se trouve dans la maison de la mariée et les peintures sont réalisées par la mère et les tantes de la mariée. Elles utilisent la technique du Sgraffito : cela consiste à appliquer une couche de terre noire mélangée avec du charbon de bois qu’on laisse sécher avant d’y appliquer une terre semi liquide blanche à base de kaolin. Cette dernière est ensuite raclée avec un peigne ou avec les doigts, pour découvrir le substrat noir et faire apparaitre des motifs qui jouent sur le contraste blanc-noir. Cette technique est la seule de ce genre répertoriée en Inde.
“Lors de ma visite dans le village Kharati accompagné par l’une des femmes de Bulu Imam, j’ai pu discuter avec une femme peintre qui m’a ensuite donné une de ses peintures de style Khovar. C’est peu fréquent. La voici devant sa maison”, confie Christian Journet.
Le style Sohrai, un art d’hiver lié à la moisson
Après la mousson, les maisons du village doivent être réparées pendant que les récoltes se terminent. Sohrai est le festival célébrant les travaux agricoles faits par le bétail ainsi que la domestication de la vache. Les fresques murales de style Sohrai marquent un changement distinct du style Khovar en ce qu’elles célèbrent un dieu masculin, Pashupati le Seigneur des animaux.
La peinture se pratique avec un chiffon ou une brindille d’un arbre appelé Sal dont le bout a été mâchonné pour servir de pinceau. Sur un fond de couleur terre neutre, les motifs sont peints avec des oxydes rouges, de l’ocre, du kaolin blanc et de l’oxyde de manganèse noir. Ils s’inspirent des peintures rupestres de la haute vallée de la rivière Damodar. Alors que les peintures dans les collines représentent élégamment des animaux et des oiseaux, celles des vallées incluent aussi des plantes et la vie aquatique.
Une association française a été créée en 2015 par une photographe, Deidi Von Schaewen, dans le but d’aider les femmes de cette région du Nord-Est de l’Inde à continuer cette magnifique tradition de maisons peintes, car elle risque de disparaître : Femmes du Hazaribagh. Une exposition a été organisée en avril 2019 à la Maison des Cultures du Monde à Vitré en France.
Ci-dessous, des peintures sur papier de style Khovar et Sohrai :
Si vous voulez en savoir plus sur les peintures rupestres en Inde, le paléontologue Jean Clottes, spécialiste de l'art pariétal en Europe et de l'art rupestre en Inde, a publié avec Meenakshi Dubey-Pathak, spécialiste de l'art rupestre indien, un livre sur ce sujet : Des images pour les dieux : art rupestre et art tribal dans le centre de l'Inde.
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