En 1954, le photographe Henri Cartier-Bresson publie Les danses à Bali. Cet ouvrage désormais épuisé a été réédité en 2012 par Delpire Editeur. Les clichés en noir et blanc sont sublimes.
L’harmonie des gestes
On assiste tout d'abord à une séquence d’Oleg, ou danse de l’amour, devant les marches d’un temple. Les mouvements rigoureusement identiques des deux jeunes danseuses représentant le corps et l’esprit formant un esprit unique sont fascinants.
Plus loin, le photographe détaille les longs préparatifs en coulisse pour la coiffure, le maquillage, les costumes des danseurs : les couronnes de fleurs, les bustiers serrés, les chignons ajustés.
Les photos les plus impressionnantes montrent la danse entre Rangda la veuve sorcière et le Barong l’animal protecteur, plus particulièrement celles d’auto-mutilation des danseurs avec leur kris et leurs transes allant jusqu'à l'évanouissement.
La rencontre de ces deux arts, la danse et la photographie, est l’occasion pour Henri Cartier-Bresson de mettre en pratique sa philosophie : “En photographie il y a une plastique nouvelle, fonction de lignes instantanées ; nous travaillons dans le mouvement, une sorte de pressentiment de la vie, et la photographie doit saisir dans le mouvement l'équilibre excessif” (extrait de L’Instant Décisif dans Images à la sauvette).
Une soixantaine de photos accompagnées de deux textes
Le premier est un essai d’Antonin Artaud intitulé Le théâtre balinais qui fait suite à un spectacle auquel il assiste en 1931 lors de l'Exposition Coloniale Internationale de Paris. Cette représentation l'influencera pour le développement de ses théories théâtrales.
Extrait : “Un jeu de jointures, l’angle musical que le bras fait avec l’avant-bras, un pied qui tombe, un genou qui s'arque, des doigts qui paraissent se détacher de la main, tout cela est pour nous comme un perpétuel jeu de miroir où les membres humains semblent se renvoyer des echos, des musiques, où les notes de l’orchestre, où les souffles des instruments à vent évoquent l'idée d’une intense volière dont les acteurs eux-mêmes seraient le papillotement.”
Le second extrait est plus long et provient de Dance and Drama in Bali, un livre qui demeure encore aujourd’hui la référence dans l'étude des danses traditionnelles et formes théâtrales de Bali, écrit par l’anglaise Beryl de Zoete en 1937. L’extrait est traduit en français par la première femme d’Henri Cartier-Bresson, Ratna. On apprend beaucoup sur la relation entre la musique et la danse, l’importance des puissances magiques, les accents dans les mouvements, le langage des yeux.
Le format réduit de ce livre avec sa couverture rose en fait un petit bijou qu’on gardera longtemps dans sa bibliothèque.
Les danses à Bali par Henri Cartier-Bresson
- Delpire Editeur
- 9782851072665
- 22 euros