Dans son livre Indonesia, Raphaël Blum nous transporte au cœur de l'Indonésie à travers une série de photographies saisissantes prises entre 2005 et 2019. Loin des clichés touristiques, cet ouvrage capture la richesse culturelle et humaine de l’archipel.
Une odyssée photographique à travers l'Indonésie
Indonesia propose une collection unique de portraits de rue capturés en Indonésie entre 2005 et 2019. Ces photographies dévoilent une galerie de personnages urbains, chacun en interaction avec les espaces où ils circulent, travaillent ou habitent.
Ce projet ambitieux a vu le jour grâce à une collaboration entre le photographe français et la maison d'édition indonésienne Afterhours Publisher. Basée à Jakarta, Afterhours est un éditeur de livres primé au niveau international sur l'art, la culture et le design. Malgré les défis posés par la pandémie, la passion commune pour la photographie a permis de concrétiser cette œuvre exceptionnelle.
"Lors d’un séjour en Asie du Sud-Est en 2019, j’ai eu le plaisir de rencontrer à Jakarta, l’éditeur indonésien d’Afterhours, Lans Brahmantyo. Mes images l’ont immédiatement intéressé. J’avais alors un stock assez important de portraits réalisés en Indonésie à partir de 2005, qui justifiait un projet éditorial. Mais je crois que les projets quels qu’ils soient dépendent en priorité des rencontres.
Nous partageons une sensibilité commune au monde et au paysage, ainsi qu’aux images. C’est pourquoi ce projet a pris forme à partir d’un désir de construire quelque chose ensemble, où chacun apporterait sa signature. Faire un livre est une réelle aventure, où vous êtes confrontés au choix parfois difficile des images, à la correction des textes, à la numérisation et à la retouche des photos, qui ne sont jamais simples lorsqu’il s’agit d’images analogiques. Ce projet est donc né de cette rencontre.
Initialement, la réalisation de l’ouvrage était prévue pour 2020, mais en raison de la pandémie, il n’a pu être réalisé qu’à la fin de l’année 2023."
Les portraits ont été pris à Sumatra, Java et dans les Moluques, capturant des instants variés de la vie quotidienne et des moments marquants de la vie événementielle indonésienne, tels que Hari Kemerdekaan (la fête de l'indépendance) ou Idul Fitri. Cette collection revisite également certains lieux marquants de l’histoire économique de l’Archipel indonésien, comme les plantations de tabac du Nord de Sumatra, les jardins de muscadiers de Banda ou le port de Sunda Kelapa à Jakarta.
Chaque page de Indonesia raconte une histoire : des portraits authentiques de rue, des scènes de vie quotidienne, et des moments de simplicité magnifiés par l’objectif de Blum. Ces clichés dévoilent les multiples facettes de l’Indonésie, de ses villes animées à ses villages reculés.
À travers ses photos, Blum célèbre l’Indonésie contemporaine tout en mettant en lumière les traditions ancestrales qui continuent de rythmer la vie de ses habitants. Ce contraste entre modernité et héritage donne à l’ouvrage une profondeur unique.
L’ouvrage s’adresse à tous ceux qui souhaitent explorer l’âme de l’archipel et découvrir des instants de vie authentiques à travers le regard d’un photographe passionné.
Un complément à une oeuvre plus large
Né en 1966 en France, Raphaël Blum a étudié les arts à l’Université de Paris Sorbonne et les langues et civilisations orientales à l’INALCO de Paris. Au cours des années 1990, il a voyagé à travers l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Sud, s’intéressant progressivement à la représentation du paysage et créant des œuvres in situ inspirées de ses explorations.
En Indonésie, il s’est consacré à l’étude des paysages forestiers de Kalimantan et de Sumatra. Dès les années 2000, il élargit son champ d’action à un projet photographique ambitieux, explorant le paysage urbain en Amérique du Sud, en Asie du Sud-Est et à Paris. Ce projet, axé sur l’image et la relation humaine, se matérialise par des séries urbaines et des collections de portraits de passants, conçues comme des œuvres évolutives.
"J’ai commencé à collecter des portraits de passants à partir des années 2000. C’est lors de mes traversées urbaines à Buenos Aires en 2003, que j’ai pris conscience de ma démarche, et l’ai conceptualisée. Il y avait néanmoins des signes avant-coureurs de cette démarche dans ma pratique photographique antérieure, en particulier lors d’un séjour en Inde, où j’avais déjà entrepris une collecte de portraits de femmes et de personnages pittoresques dans la ville himalayenne de Simla, lors de la fête nationale du 15 août."
Il a notamment publié Manila: Butterflies, Princesses, Heroes and Santos, un autre recueil photographique centré sur les Philippines. Ces œuvres, bien que distinctes, partagent une vision commune : immortaliser la beauté brute de l’Asie du Sud-Est.
Avec Indonesia, Raphaël Blum signe un hommage vibrant à la diversité culturelle et humaine de l’archipel. Ce livre n’est pas seulement une collection de photographies, mais une fenêtre ouverte sur une Indonésie multiple et fascinante.
Sa série indonésienne a été exposée à la National Gallery Indonesia de Jakarta et au Musée national de Singapour dans le cadre du 4e Festival international de photographie de Singapour (4e SIPF) (2014). Sa série urbaine a été présentée au MAC/Santiago de Chili, à l'Institut Français d'Espagne, à l'Alliance Française de Rio de Janeiro, à la Casa da America Latina de Lisbonne, au MAC/Salta-Argentine, à l'Alliance Française de Buenos Aires, le MUSEF La Paz-Bolivie, le Musée National d'Ethnologie de Leiden-Pays-Bas entre autres.
Son regard sur l'Indonésie, entre héritage colonial et modernité
"Au Brésil, comme en Argentine, et dans la plupart des villes latino-américaines, j’ai été confronté à un paysage urbain qui s’apparente à celui des villes européennes, formé d’avenues, de places, de rues pittoresques, de monuments et d’édifices anciens devant lesquels j’ai mis en scène mes modèles. Ce paysage qui s’est construit et développé à partir de l’héritage laissé par la colonisation espagnole et portugaise du 16ème au 19ème siècle, est resté globalement stable.
Le paysage urbain de l’Indonésie, qui est un pays asiatique, est très différent. Je dirais qu’il passe à première vue au second plan. Il est beaucoup plus désorganisé et reste marqué par plusieurs siècles d’urbanisation coloniale, dont il ne reste souvent que quelques édifices, une aire historique délimitée, une topographie.
On ressent d’autre part chez les Indonésiens, un désir de s’émanciper de leur histoire et de leur patrimoine colonial, qui certes subsiste, et qui est plus ou moins bien entretenu, mais qu’ils semblent parfois considérer comme une curiosité appartenant au domaine du passé, un héritage des autres auquel ils demeurent étrangers. Le paysage urbain contemporain reste en perpétuel devenir, souvent instable et précaire dès que l’on sort des centres villes. Jakarta est d’une certaine façon une ville nouvelle, née à la suite de l’indépendance, qui s’efforce encore aujourd’hui d’écrire son histoire, sur ce qui reste de la vieille ville de Batavia.
Cette frontière entre l’héritage du passé et la ville contemporaine est plus poreuse dans une métropole chrétienne comme Manille, qui s’est appropriée autrement son histoire coloniale, sans avoir changé de nom après le départ des Espagnols et des Américains.
En Indonésie, si d’anciens édifices coloniaux ont servi occasionnellement d’arrière-plan pour la réalisation des portraits, comme à Banda Neira, à Semarang ( Kota Lama ) ou à Jakarta ( Kota Tua, Pasar Baru ), c’est généralement devant les murs ou les portes, parfois colorées de modestes demeures, que j’ai mis en scène mes modèles. Ici, plus qu’ailleurs, je me suis souvent éloigné des centres urbains pour vagabonder dans les pasars, les campungs, où le paysage s’est effacé au profit de rencontres inattendues avec des femmes, des hommes et des enfants.
Lorsque je regarde aujourd’hui certains clichés, j’ai le sentiment qu’ils appartiennent déjà à une époque révolue - comme les portraits de ceux qui déchargeaient le bois des pinisis bugis sur le port de Sunda Kelapa, ou ce portrait de Nia, vêtue encore comme les jeunes filles de la capitale, d’un tee-shirt et d’un jeans, et posant librement devant l’ancienne porte de Pasar Baru. C’est pourquoi, modestement et sans qu’ils le sachent, ils demeurent à ce jour les précieux témoins, les jalons d’une histoire indonésienne."
Informations
- Hardcover
- 21x29 cm
- 176 pages
- English & French
- Editeur : Afterhours Books
- Parution 2023
- 9786026990754
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