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La vraie tromperie des billets d’avion à 10 euros

Un avion dans le ciel avec des nuages et du ciel bleu Un avion dans le ciel avec des nuages et du ciel bleu
John Mcarthur - Unsplash
Écrit par Laurent Colin
Publié le 14 juin 2021

Des vols court-courriers affichés à 10 euros ou moins ne cessent de fleurir et d’atterrir dans nos boîtes mail. Encore plus en cette période où les compagnies low cost veulent à nouveau remplir leurs avions. Mais que penser de cette pratique de prix d’appel quasi généralisée. Eléments de réponse avec Luc Bereni, président du directoire d'Air Corsica.

 

Clouées au sol pendant plusieurs mois, les compagnies aériennes ont vu leur chiffre d’affaires plonger au même titre que Ryanair qui accuse un retard de CA de 80 % en comparaison de l’exercice précédent. Même son de cloche du côté d’EasyJet qui, au premier semestre de l’année, voit son nombre de passagers transportés chuter de près de 90 %.

Ces compagnies font néanmoins preuve d’un optimisme « mesuré » via quelques chiffres qui viennent leur redonner des couleurs. La compagnie irlandaise Ryanair annonce ainsi la vente de plus de 1,5 million de billets chaque semaine. Des ventes dopées à grands coups de promotions et de prix d’appel, plus ou moins discutables et qui posent question.

 

Des vols en Europe dès 4,99 euros

En juin, un vol sec pour Toulouse depuis Londres coûte à peine deux fois plus cher qu’un ticket de métro londonien ? Comment est-ce possible ? Nous avons posé la question à Luc Bereni, président du directoire d'Air Corsica, compagnie française indépendante qui orchestrait des vols vers la Corse depuis Londres Stansted avant la crise sanitaire.

 

 Si vous payez un billet d’avion 10 euros, ce n’est certainement pas chez Air Corsica   

Comme nous, Luc Bereni s’interroge. « Comment peut-on proposer sur le marché un billet d’avion à 10€ alors qu’au départ d’un aéroport l’addition des taxes dépasse à elle-seule généralement 30€ pour un aller ? » Les compagnies low cost vendent à perte, ce que nous avons vérifié en constatant le prix de trois vols secs entre Ajaccio et Toulouse : 87€ pour un montant de taxes aéroport de 100€.

« Nous sommes en concurrence sur certaines lignes avec des opérateurs qui n’ont pas les mêmes règles sociales et fiscales que nous, commente-t-il. Ces compagnies sont rarement des transporteurs établis en France, avec l’éthique sociale et fiscale qui est celle de toute entreprise de l’Hexagone. Nous partons donc dès le départ avec un handicap de coût de production, il faut le savoir. »

Et quid des passagers qui ont acheté leur billet… mais qui finalement ne partent pas. « C’est là où le bât blesse, car lorsque vous êtes dans l’impossibilité de prendre votre vol, même si vous avez un billet non remboursable, vous avez droit au remboursement des taxes. La question est : comment peut-on vous rembourser des taxes à hauteur de 30 euros alors que vous avez payé 10 euros au départ ? » Un constat qui interpelle effectivement. Et le président du directoire de la compagnie française de poursuivre : « Je suis d’autant plus à l’aise pour le dire que chez Air Corsica, il n’y a pas un billet sur les deux millions de vols que nous vendons par an ayant cette particularité. Nous affichons toujours un prix qui comprend les taxes de l’aéroport plus le minimum pour embarquer le client. Et c’est normal. »

 

Le diktat des prix d’appel

Depuis plusieurs années, les compagnies low cost se sont engagées dans ce que nous pouvons appeler une guerre des prix. Et les compagnies dites « classiques » doivent s’adapter pour suivre le mouvement. « Sur les lignes où Air Corsica n’opère pas sous délégation de service public, nous avons dû prendre la décision de proposer des prix d’entrée de gamme n’incluant pas le bagage. Dans le domaine nous sommes des suiveurs je dois le reconnaître, ce n’est pas nous qui avons apporté cette innovation sur le marché ».

Mais d’ailleurs, peut-on vraiment parler d’innovation lorsque le prix d’un voyage peut être multiplié par cinq avec une valise en soute ? C’est le cas d’un vol Londres – Carcassonne affiché au prix de 4,99 €, passant à 19,99€ avec un bagage cabine et à 29,99€ avec une valise en soute. Les clients sont-ils parfaitement en phase avec de telles pratiques commerciales ? N’aspire-t-on pas tous à des prix tous compris ? Sans surprise ?

« Les consommateurs commencent à être éduqués à cette pratique sur les vols courts, confie Luc Bereni, et nous le constatons il y a une vraie proportion de la clientèle qui voyage sans bagage. Celle-ci mérite d’avoir un prix adapté et de ne pas avoir à payer le prix d’une partie du bagage du voisin ».

 

Le transport du bagage a un vrai coût pour la compagnie

Il est bon de rappeler que la prise en charge de votre bagage par la compagnie n’est pas anodine. De nombreux coûts y sont associés, comme le traitement au sol de votre valise, les systèmes qui émettent les étiquettes, l’architecture technologique qui a pour mérite de faire partir votre bagage du comptoir jusqu’à la zone logistique, les manutentionnaires, les containers chargés dans la soute par des élévateurs, sans oublier le poids de la valise qui alourdit l’avion avec un impact sur la consommation de carburant… et sur le carbone. Aussi personne ne peut remettre en cause le coût du bagage, mais la conception du prix du voyage, oui.

 

Car la vraie tromperie ce sont les billets d’avion à 10 euros

Si le prix sans bagage est de 50 euros et que le supplément bagage est de 20 euros, cela paraît juste. La première valeur ajoutée du transport aérien restant la prise en charge des passagers, pas de la valise. A l’opposé, si le billet est vendu 10 euros (à perte) et que le bagage est facturé trois fois le prix du siège (voire cinq fois), cela peut sembler très injuste. Ce que ne manque pas de souligner Luc Bereni. « Il est aberrant que le prix du bagage soit trois fois supérieur au prix du billet, tout cela parce que certains font preuve de pratiques trompeuses. Là nous sommes en droit de nous demander ce que font les instances européennes et le régulateur des transports. Chez Air Corsica tout est clair. Un vol Lyon - Ajaccio coûte 59€ et 79€ avec le bagage en soute ».

Ces vols à prix cassés soulèvent aussi une question éthique et écologique. « Je ne suis pas Greta Thunberg, mais dans le monde de demain, est-il vraiment raisonnable de proposer des billets Bordeaux - Rhodes à 9€, soit 4h de vol pour partir bronzer dans un autre endroit ? ».

Mais cela c’est finalement un autre débat…

 

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