Édition internationale

Le gouvernement espagnol adopte la semaine de 37,5 heures : un tournant social majeur

Le gouvernement espagnol a franchi une étape clé : ce mardi 4 février, le Conseil des ministres a donné son feu vert à un avant-projet de loi réduisant la durée maximale du travail à 37,5 heures par semaine. Une réforme d’envergure qui, si elle aboutit, pourrait transformer le quotidien de millions de travailleurs avant 2026.

yolanda diazyolanda diaz
Photo : La vice-présidente et ministre du Travail et de l'Économie sociale, Yolanda Díaz, lors de sa conférence de presse après le Conseil des ministres. / Pool Moncloa/José Manuel Álvarez
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 6 février 2025, mis à jour le 10 février 2025

 

La mesure phare de la vice-présidente du gouvernement et ministre du Travail, Yolanda Díaz, voit enfin le jour après 11 mois de négociations. Actuellement fixée à 40 heures, la durée légale du travail devrait progressivement passer à 37,5 heures par semaine, soit une demi-heure de moins par jour. Une première en quarante ans.

Portée à bout de bras par les syndicats et rejetée en bloc par le patronat, la réforme a déjà survécu à un bras de fer interne avec le ministère de l’Économie. Son objectif est clair : alléger la charge des travailleurs sans toucher à leur salaire. Plus de 12 millions de salariés pourraient en bénéficier. Mais l’épreuve du feu l’attend encore : convaincre les parlementaires.

 

Les horaires de travail espagnols sont-ils les pires d'Europe?

 

Semaine de 37,5 heures : la bataille parlementaire commence

L’avant-projet de loi fait donc son entrée dans l’arène parlementaire, et le combat s’annonce rude. Le gouvernement, conscient des obstacles, avance sur un fil fragile. Sa coalition socialiste-gauche radicale manque de soutiens solides. Si la gauche catalane et les régionalistes basques se rangent derrière la réforme, le véritable arbitre sera Junts, le parti de Carles Puigdemont, tiraillé entre l’adhésion à une mesure populaire et la défense des intérêts économiques des PME, son électorat traditionnel. 

Mais la bataille ne se joue pas qu’au Parlement. Les organisations patronales, vent debout contre la réduction du temps de travail, entendent bien peser sur les débats. Antonio Garamendi, président de la CEOE, a déjà donné le ton : le patronat défendra bec et ongles son opposition et fera pression sur les partis pour torpiller le projet. 

Malgré les tensions et les incertitudes, l’exécutif maintient son cap. Il vise une mise en application avant le 31 décembre 2025, un horizon qui laisserait aux entreprises le temps de s’adapter et au pays d’amorcer, en douceur, une nouvelle ère du travail.

 

Moins d’heures, plus de droits pour les salariés 

Au-delà de la réduction du temps de travail, le texte prévoit d’autres avancées pour les travailleurs. Parmi elles, une revalorisation salariale pour les employés à temps partiel ou ayant des horaires réduits. 

Autre mesure clé : le droit à la déconnexion en dehors des heures de travail. Pour garantir le respect de ces nouvelles règles, le projet de loi souhaite mettre en place un système numérique de contrôle des horaires, offrant à l’Inspection du travail un accès à distance aux données des entreprises. Un cadre plus strict, pensé pour protéger les droits des travailleurs.

 

L’Espagne face à un choix historique

Si les syndicats applaudissent cette réforme comme une avancée historique, le patronat, lui, s’inquiète. Moins d’heures travaillées, mais pour quel impact sur la productivité et l’organisation des entreprises ? Le débat parlementaire promet d’être animé, entre défense du bien-être des salariés et nécessité d’adapter les secteurs d’activité à cette nouvelle donne.

Avec cette réforme, l’Espagne suit la tendance européenne : la France des 35 heures, et l’Allemagne du temps partiel. L’idée ? Travailler moins, mais mieux, sans nuire à la compétitivité. Reste à savoir si cette ambition passera l’épreuve du Parlement et comment elle sera appliquée. Une certitude : la question du temps de travail est plus que jamais au cœur des discussions. Et elles s’annocent vives.