Sophie Briante Guillemont est l'une des douze sénateurs de Français de l'Etranger, la seconde plus jeune dans ce poste au moment de sa prise de poste en 2024. De passage à Hong Kong et à Pékin, nous avons eu l'opportunité de la rencontrer pour comprendre son parcours et sa mission.


Je suis la seule sénatrice bi-nationale
Est-ce que vous pouvez vous présenter ?
Je suis une des douze sénatrices des Français de l’étranger. Tous les Français de l’étranger ont au minimum un député et douze sénateurs. Les sénateurs des Français de l’étranger existent depuis la Troisième République, bien avant les députés des Français de l’étranger qui ont été instaurés par la réforme constitutionnelle de 2008, avec une première application en 2012. Nous, nous sommes élus par les conseillers des Français de l’étranger. En l’occurrence, il y en a quatre à Hong Kong, mais il y en a dans tous les pays du monde.
Je suis franco-argentine, née à Buenos Aires, et je représente un peu une nouvelle génération de Français de l’étranger : les binationaux. En France, on a tendance à voir les Français de l’étranger sous un schéma très classique : les expatriés avec de gros salaires envoyés par de grandes entreprises, ce qui est de moins en moins courant. Ma volonté est de porter cette nouvelle génération au Sénat. Je suis la première à venir du continent sud-américain, et aussi la première sénatrice des Français de l’étranger à avoir étudié dans un lycée français à l’étranger.
Représenter les Français de l'étranger est extraordinaire
Qu’est-ce qui vous anime dans ce parcours ? Qu’est-ce qui vous a fait vous engager en politique ?
Il y a un mélange de passion, d’opportunité et de hasard. Après le lycée français à Buenos Aires, je savais que je voulais faire Sciences Po. J’ai toujours été intéressée par les questions politiques et internationales. J’ai fait Sciences Po Paris, campus Amérique Latine à Poitiers, puis j’ai poursuivi à Paris. J’ai ensuite fait un doctorat en droit constitutionnel, ma spécialité étant le droit électoral. C’est un sujet très présent au Sénat. Représenter les Français vivant dans le monde entier, c’est assez extraordinaire. Peu de pays dans le monde offrent une telle représentation. Et puis, on se sent utile, que ce soit sur les projets de loi, les amendements, les questions au gouvernement…
Quelle est la raison de votre venue en Chine ?
Le travail législatif est concentré du mardi au jeudi, ce qui nous permet d’être en déplacement le reste du temps. Dès que je peux, je vais sur le terrain à la demande des élus consulaires, pour rencontrer les Français sur place. J’étais aux États-Unis récemment (Chicago, Houston, Atlanta), et maintenant à Hong Kong avant de partir pour Pékin. Je rentre à Paris ce week-end, et ensuite d’autres déplacements sont prévus.
Quelles différences avez-vous notées entre les Français des États-Unis et ceux de Chine ?
Il y a énormément de similarités. Les préoccupations récurrentes concernent l’éducation, notamment le coût des lycées français à l’étranger. Les prix sont comparables entre les États-Unis et Hong Kong. Il y a aussi un écosystème d’entrepreneurs français, avec la French Tech ici, assez différent des Conseillers du Commerce Extérieur que j’ai rencontrés aux États-Unis. Mais au final, les préoccupations sont souvent similaires.
Je suis spécialisée en droit électoral
Quels sont les dossiers qui vous tiennent le plus à cœur ?
Je siège à la commission des lois et à la commission des affaires européennes, qui regroupe des sénateurs également membres d’autres commissions, avec un tropisme européen. Je travaille sur tous les sujets liés aux Français de l’étranger, mais aussi sur l’aide publique au développement, car je siège au conseil d’administration de l’AFD (Agence française de développement). Je m’investis donc sur l’aide publique au développement, les migrations, l’immigration, le droit électoral...
Quels sont les sujets chauds du moment sur ces thèmes ?
Côté sénat, le gouvernement actuel n’ayant pas de majorité claire, il y a peu de projets de loi, mais beaucoup de propositions de loi, souvent liées à des enjeux internes aux partis. Cela va du mariage des étrangers à des sujets d’équité territoriale. Concernant l’AFD, il faut savoir que c’est une agence sous triple tutelle (Affaires étrangères, Trésor, Outre-mer), et qu’elle agit principalement comme une banque qui fait du prêt, contrairement à l’USAID américaine qui fait plutôt du don. Cette année, le budget de l’AFD a été réduit de 40 %, ce qui va entraîner une baisse des prêts aux pays les plus pauvres et une réorientation vers des pays plus solvables. Selon moi, cela fait perdre l’essence même de la mission de l’aide au développement.
Contribuer aux Assises de la Protection Sociale
Sur l’éducation, quels sont vos leviers ?
Nous faisons un travail d’influence. On porte des messages, par exemple à l’AEFE. On discute, on rapporte ce qu’on observe sur le terrain, on alerte. En mettant en lumière les problématiques, on parvient à faire bouger les lignes. Il y a aussi l’accès aux soins à l’étranger, la question de l’avenir de la Caisse des Français de l’Étranger. En ce moment, il y a les Assises de la protection sociale des Français de l’étranger, jusqu’en octobre, avec une plateforme participative qui va être lancée. Elle permettra aux Français de l’étranger de s’exprimer sur la CFE, les aides sociales, les bourses, etc.
D’autres thématiques que vous portez ?
Je travaille beaucoup sur la question de la binationalité, sur comment maintenir un lien avec la France pour les deuxième et troisième générations, surtout quand elles ne sont pas dans le réseau des lycées français. Des programmes comme les FLAM se développent pour apprendre le français, ou transmettre l’enseignement à la française. Ce sont des enjeux essentiels sur le long terme.
L'inscription sur les listes consulaires est essentielle
Un message pour la communauté de Hong Kong ?
Les Français de l’étranger peuvent évidemment nous écrire directement, mais il faut qu’ils sachent que nos interlocuteurs principaux sont les conseillers des Français de l’étranger. Ce sont eux qui nous remontent les préoccupations locales. À Hong Kong, je travaille avec Émilie Tran-Sautedé, l’une des quatre conseillères ici. Ce sont eux qu’il faut connaître, car ce sont eux les relais essentiels. Il est aussi important d’encourager la participation aux élections consulaires, qui reste encore trop faible malgré l’importance de cette représentation. Des élections auront justement lieu l'année prochaine et il faut absolument participer afin de leur donner la légitimité nécessaire.
Par ailleurs, en Chine peut-être plus qu'ailleurs, il est capital de s'inscrire sur les listes consulaires afin de corriger le nombre des inscrits en baisse au moment où beaucoup de Français arrivent, comme tout le monde le constate. Cela contribuera d'autant plus à ce que les préoccupation des Français soient prises en compte, comme je l'expliquais au sujet des élections consulaires.
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