Dans les années 1920 et 30, la présence économique française à Shanghai fut marquée par un petit groupe de grandes entreprises influentes. Celles-ci ont fortement contribué au développement de la Concession Française de l'époque et au rayonnement de la France en Chine dans ces années.


La Compagnie des Messageries Maritimes
Fondée en 1862, la Compagnie des Messageries Maritimes assurait un rôle clé dans le transport de marchandises et de passagers entre la France, l'Indochine et la Chine. Installée sur le Bund, elle bénéficiait d'un quasi-monopole sur le transport du thé et de la soie vers l’Europe. De grandes figures comme Étienne Sigaut et Jean Cochet ont marqué l’histoire de cette entreprise, qui a également connu des drames, comme le naufrage du Georges Philippar en 1932. Les Messageries Maritimes sont à l'origine du groupe actuel CMA-CGM, leader français du transport maritime.

La Compagnie Française des Tramways
Créée en 1906 avec le soutien de la Banque de l’Indochine, la Compagnie Française de Tramways et d'Eclairage Electrique gérait le réseau de tramways et l’approvisionnement en électricité de l'ancienne Concession Française. Elle a du faire face à des tensions avec les autorités locales, notamment dans les années 1920 et 1930, et a connu plusieurs grèves. Malgré ces défis, elle est devenue l’une des plus grandes entreprises industrielles françaises en Extrême-Orient de l'époque. Cotée à la bourse de Paris et considérée comme une valeur de père de famille, elle pourtant dû cessé ses activités dans les années 50, après la prise de pouvoir par les troupes de Mao.
La Banque de l’Indochine
Fondée en 1875, la Banque de l’Indochine s’est rapidement imposée comme un acteur majeur du commerce et de la finance à Shanghai. En 1898, elle ouvre une agence dans l’immeuble de la compagnie anglaise Jardine Matheson sur le Bund, offrant des services financiers cruciaux pour le négoce de l’opium, du coton et de la soie. Dans les années 1930, 93,5 % de ses profits à Shanghai provenaient des opérations de change et de commerce. La Banque de l’Indochine fut par la suite fusionnée avec la banque de Suez pour devenir la Banque Indosuez, intégrée dans le groupe Crédit Agricole aujourd'hui.

L’ISS et la Foncim
Fondée en 1912 par René Fano et Jean Beudin, cette société d’épargne et de loterie s’est développée rapidement . En 1930, elle comptait 130 000 souscripteurs et s’est diversifiée avec des activités d’assurance à travers l’Assurance Franco-Asiatique. Des personnalités comme Étienne Sigaut et Michel Speelman ont contribué à son essor. Confrontée à de grandes difficultés, l’ISS a finalement disparu dans les années 1950. Filiale de l’ISS, la Foncim (Société Foncière et Immobilière) a laissé une empreinte architecturale indélébile à Shanghai. S’appuyant sur les talents d’architectes renommés comme Léonard, Vesseyre et Laszlo Hudec, elle a contribué à l’urbanisation rapide de l'ancienne Concession Française.
L’Empire Bouvier : courses et loisirs
Félix Bouvier, comptable devenu entrepreneur influent, a marqué Shanghai avec ses
investissements dans le Grand Garage Français et l’Union Mobilière. Il fut surtout célèbre pour
avoir créé le Champs de Course Français, centre de pari sur les courses de lévriers. Surnommé « le roi non couronné des Français de Shanghai », il entretenait des liens étroits avec Du Yuesheng, figure influente et sulfureuse du monde des affaires chinois. A la place du Canidrome et de son night-club s'élève aujourd'hui la salle de concert du Shanghai Culture Square.

Les sociétés d'import-export françaises
Plusieurs entreprises françaises ont joué un rôle central dans l’import-export de produits variés. Ainsi Olivier Chine, Racine & Cie et Egal & Cie ont dominé le commerce de la soie, du vin et des produits alimentaires. En 1934, la France exportait vers Shanghai 31 000 litres de champagne, 25 000 litres de vin en bouteille et 762 000 litres de vin en vrac, illustrant l’importance de ces échanges commerciaux. Il est intéressant de noter qu'aujourd'hui la Chine est elle-même devenue productrice de vin en apprenant les techniques de vinification françaises.
Quelles traces reste-t-il aujourd'hui ?
Si la France a contribué à Shanghai dans la période des concessions étrangères, la ville porte encore les traces de cette présence. Ainsi le bâtiment des Messageries Maritimes existe-t-il toujours sur le Bund, devenu une galerie commerçante. De même, si les tramways ont disparu de Shanghai dans les années 70, plusieurs lignes de trolley-bus empruntent encore aujourd'hui le même trajet. Quant au colossal patrimoine architectural de la ville, il doit beaucoup à l'activité de compagnies comme la Foncim, en particulier la plupart des bâtiments vintage de l’ancienne Concession Française. Parmi ceux-ci, citons le Gascogne, le Normandie, aujourd’hui appelé WuKang Da Lou et la Cité Bourgogne.


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