Aujourd’hui on vous emmène à la découverte de Jingdezhen, le berceau de la porcelaine impériale chinoise. Cette ville du Jiangxi a une histoire incomparable et a très tôt éveillé l'intérêt des Jésuites qui ont ramené ce savoir faire en Europe, en particulier à Limoges.
Une histoire écrite autour de la porcelaine
Tout le monde connait les magnifiques vases blanc-bleu décorés au bleu de cobalt présents dans tous les grands musées du monde et dont certains atteignent des prix vertigineux lors de ventes aux enchères. Elles sont le fruit d’un savoir faire et processus de fabrication sans cesse améliorés qui remontent au début de notre ère
Sous les dynasties Song et Yuan la ville est connue pour sa fabrication de porcelaine qingbai caractérisée par sa glaçure blanche aux très légères teintes bleu-vert; obtenue grâce à la cuisson en réduction. C’était le premier type de porcelaine plutôt utilitaire à être fabriqué à grande échelle.
Sous le règne de la dynastie Yuan apparaissent les premières porcelaines bleu-blanc provenant essentiellement des fours de Jingdezhen. De qualité supérieure, cette porcelaine est obtenue grâce à un mélange savant d’argile et de kaolin (minéral argileux blanc) qui la rend plus résistante et devient la matière première pour la fabrication de la porcelaine.
C’est sous les Ming que la finesse et la translucidité de la porcelaine atteignent la perfection. A tel point qu’à partir de la fin du XIVe siècle l’administration impériale de la porcelaine s’installe à Jingdezhen. La ville devient le principal fournisseur de la cour impériale avec des pièces cuites dans les fours impériaux officiels. Une bonne partie de la production locale est également exportée dans d’autres pays, du Moyen-Orient à l’Europe. Plus de 10 000 personnes travaillent alors la porcelaine en veillant à chacune des étapes de fabrication. A cette époque les fours se diversifient et se spécialisent dans différents types de pièces et de cuisson.
Enfin la dernière dynastie des Qing savait également apprécier la qualité des porcelaines de Jingdezhen et mettait à l’honneur les grands créateurs de l’époque. Sous les Qing la porcelaine prend également des teintes roses ou autres selon les époques et les familles.
La production de Jingdezhen était transportée essentiellement par fleuve. Celle destinée au marché Européen voyageaient soit par les terres soit par la mer, expédiée depuis Canton puis Nanjing.
Au début du XVIIIe siècle c’est le jésuite français François-Xavier d’Entrecolles, originaire de Limoges, qui a réussi à transmettre le savoir faire des porcelainiers de Jingdezhen vers l’Europe et il est devenu ainsi en quelque sorte le père de la fabrication de porcelaine européenne.
A quoi est du l’inégalable succès de la porcelaine de Jingdezhen?
Tout d’abord aux gisements naturels locaux tels que la pierre à porcelaine appelée petuntse (bai dunzi) que l’on broie finement et que l’on mélange à des proportions variées avec du kaolin. Le kaolin est une argile blanche très friable. L’ajout du kaolin donne à la porcelaine sa couleur blanche éclatante et la rend aussi plus résistante à la déformation.
Ensuite vient le processus de fabrication très élaboré (selon certaines sources, au XVIe siècle chaque pièce passait par 70 étapes). A commencer par la mise en forme de la pièce, puis sa cuisson pour obtenir un biscuit, ensuite son émaillage, la décoration, puis une nouvelle cuisson à de très hautes températures dépassant 1200 degrés.
Puis il y a les fours qui se distinguent par leur forme des fours-dragon traditionnellement utilisés dans le sud de la Chine. A Jingdezhen on construit des fours en forme de gourde ou calebasse plus appropriés à la cuisson en réduction. Vers la fin de la dynastie Ming ses fours ont été ensuite remplacés par des fours de forme ovale permettant de réduire la durée de la cuisson à 36 heures.
La région de Jingdezhen est recouverte de larges étendues forestières qui fournissent le bois (notamment du pin) indispensable au fonctionnement de fours à porcelaine.
N’oublions pas non plus le réseau fluvial qui permettait d’acheminer la production d’abord jusqu'à la cour impériale mais aussi aux grandes villes et ports d’où elle prenait le chemin de l’Europe et du Moyen Orient. Les cours royales de par le monde étaient en effet très friandes de ces bijoux de la création chinoise dont ils ne pouvaient découvrir le secret (et ce n'est pas pas faute d’avoir essayé!)
Un incubateur de créativité
De nos jours on ne peut pas dire que Jingdezhen soit particulièrement belle. Cependant cette ville aux allures plutôt industrielles et un nombre impressionnant de cheminées en brique possède un énorme potentiel grâce notamment à ses bâtiments industriels qui ne demandent qu’à être aménagés en ateliers, studios et autres galeries. Chose qui est faite depuis des années avec souvent beaucoup de goût.
Ces locaux constituent un véritable vivier de jeunes artistes et créateurs. Souvent loin des couleurs emblématiques bleu et blanc, ils cherchent leur propre style et n’hésitent pas à explorer de nouvelles techniques et procédés dont ils gardent jalousement le secret.
Abandonnant la porcelaine blanc-bleu qui a fait la réputation de la ville, ils expérimentent avec de nouveaux mélanges de terre et d’argile, les couleurs parfois assez psychédéliques et des formes plus insolites les unes que les autres.
En plus des pièces utilitaires comme des vases, théières, tasses, assiettes etc on peut trouver des objets purement décoratifs, totalement abstraits, ou encore multi-fonction selon l’envie.
La ville veille à former les nouvelles générations d’artisans et d’artistes. Les plus grands pôles éducatifs de la ville sont l’Université de la céramique de Jingdezhen dont le but affiché est de mettre au service des traditions locales des solutions et infrastructures innovantes, le Jiangxi Ceramic Arts and Crafts Vocational and Technical College ou encore Jingdezhen Ceramic Vocational and Technical College.
Il faut mentionner également que la ville attire de plus en plus de jeunes artistes et artisans indépendants venant de toutes les régions de la Chine qui s’installent souvent à l’extérieur de la ville pour y ouvrir leurs ateliers de création.
Que faire à Jingdezhen?
Tout d’abord, visiter le Musée de la céramique de Jingdezhen. Ce bâtiment moderne aux dimensions extraordinaires présente sur ses 5 niveaux l’histoire de la céramique des origines à nos jours. Vous pourrez y apprendre également beaucoup de choses sur les matières premières et le processus de fabrication de la porcelaine, la construction et le fonctionnement des fours etc. Pour la visite il faut bien prévoir une demi journée.
Dans un style totalement différent et très local, on vous invite à aller faire un tour au marché aux antiquités de la ville qui se tient tous les lundis. Il est aussi appelé le marché fantôme. Etalés dans plusieurs rues directement au sol s’y trouvent des objets de toute sorte: poteries, vases en porcelaine, des morceaux de poteries plus ou moins anciennes, mais aussi des vieux livres, des statuettes, des bijoux et des accessoires.
Quant à savoir lesquels sont vraiment “antiques” - il faut vous fier à votre instinct :) Et bien évidemment, la négociation est de mise!
En se promenant entre les étendues d’objets au sol il faut faire attention aux scooters qui circulent à vive allure en klaxonnant. On peut aussi faire une petite pause en achetant des fruits frais ou séchés ou d’autres petits snacks sur des charrettes des petits marchands de rue.
Exemple parfait d’adaptation d’ancienne usine locale, Taoxichuan - ou Avenue de la Céramique - est un complexe multifonctions très intéressant. Situé dans le centre à l’est de la ville, il regroupe galeries d’art et ateliers mais aussi un théâtre et un hôtel quatre étoiles. Le soir, les jeunes artistes y vendent leurs créations, dans un cadre animé et joliment illuminé .
Si vous avez envie de mettre la main à la pâte (ou plutôt à l’argile) ou vous essayer à la peinture au cobalt par exemple, la ville regorge d’endroits qui proposent ce genre d’activités. L’endroit le plus connu reste The Pottery Workshop - un centre de céramique international dont une branche est également présente à Shanghai. Ils accueillent des individus et des groupes et proposent des ateliers autour des techniques traditionnelles tout comme autour des techniques innovantes. Ils ont aussi l’avantage d’être anglophones ce qui peut faciliter les échanges.
Si à la suite d’un atelier ou d’un séjour créatif vous avez pris goût à la céramique, vous pouvez faire quelques emplettes (biscuits de céramique, peintures, glaçures et tous les ustensiles indispensables à la création potière). En effet, autour du Pottery Workshop se regroupent des marchands de matières premières, de glaçures, des artistes décorateurs, des sculpteurs et des fours publics. Et bien sûr d’innombrables boutiques de poterie.
Enfin pour vos achats décoratifs od les cadeaux à offrir, le quartier de Taoxichuan aligne de belles boutiques aux décorations souvent très raffinées proposant des objets de décoration ou de la vaisselle à des prix parfois assez élevés.
Mais pour les petites bourses il y a également un marché avec rien que des étals où se vendent des colifichets bien plus abordables.
Enfin, si vous souhaitez renouveler votre vaisselle chinoise de tous les jours dans les tons classiques blanc-bleus, la zone autour de Zhongshan South Road compte d’innombrables boutiques de vaisselle à des prix défiant toute concurrence (tao bar compris ;)) Pour vous donner une idée, on y trouve des bols à 3,5 RMB la pièce, des assiettes à 5,5 RMB, des saladiers à 15 RMB. Et bien évidemment vous pouvez vous faire expédier vos sets de vaisselle directement à Shanghai.