La médecine traditionnelle chinoise se tourne vers l’IA

Moderniser la médecine traditionnelle en Chine 

Le 20 mars, le gouvernement a dévoilé de nouvelles mesures ayant pour but l’amélioration et la modernisation de la médecine traditionnelle chinoise.

Le projet prévoit notamment l’utilisation de l’IA et de technologies numériques, la construction d’usines intelligentes (smart factories) et le développement des modèles d’évaluation clinique de la médecine traditionnelle à l'aide de l’IA. Ceci dans l’optique de passer d’un savoir séculaire à une science appuyée par des données scientifiquement vérifiées.

Selon certains experts, l’intelligence artificielle pourrait contribuer à créer un lien entre les notions traditionnelles et assez insaisissables comme le “qi” et la réalité scientifique.

Si on veut développer la médecine traditionnelle chinoise, on doit adopter et tirer parti des nouveaux outils scientifiques

- affirme le chercheur Zhao Yuping de l’Académie Chinoise des Sciences Médicales.

 

Similitudes entre la médecine et l'IA

Il estime également qu’il existe des similitudes entre la logique de la médecine traditionnelle et de l’IA notamment en ce qui concerne l’observation des corrélations et des évolutions dans la condition générale du patient pour la médecine et l’approche holistique de l’IA capable d'analyser une quantité importante de données à travers différents modules. Par ailleurs, aussi bien la médecine traditionnelle que l’IA sont capables d’affiner et de mieux adapter les soins au fil d’itérations et de retours.

Rappelons que l’IA est déjà utilisée dans la recherche notamment pour l’analyse des milliers d’images de patients. Dans le cadre de la médecine traditionnelle, le deep learning pourrait ainsi détecter des anomalies et des changements qu’un médecin pourrait omettre, et déboucher sur un protocole de traitement optimal. 

Les modèles d'IA ont trouvé leur place aussi dans la réflexologie qui fait partie des pratiques traditionnelles en Chine et qui repose sur le principe des 5 éléments (bois, feu, eau, métal et terre). Ces modèles très pointus permettent d'analyser les interactions entre les différents organes du corps humain représentés par les 5 éléments ou encore analyser des données concernant l'historique du patient dans le but d'élaborer des stratégies de soin adaptées. 

Par ailleurs, l’IA pourrait être également utilisée pour une analyse approfondie de textes anciens qui sont à l’origine de la médecine chinoise traditionnelle, et pour trouver peut-être de nouvelles combinaisons d’herbes ou autres remèdes naturels pouvant déboucher sur des traitements innovants.

Enfin, des robots dotés d’IA pourraient également bientôt remplacer des humains notamment pour l’application de l’acupuncture.

 

Former des praticiens en Chine

Le champ des possibles semble vaste, cependant il existe plusieurs obstacles à l’intégration de l’IA dans la médecine traditionnelle chinoise.

Le premier obstacle est lié à la nécessité d'avoir une large base de données variées pour rendre les algorithmes efficaces.

Nous l'avons également compris - les deux domaines sont assez éloignés. La médecine traditionnelle et ses textes source utilisent un langage souvent figuratif et ambigu et des concepts abstraits qu’il faudrait transformer en données claires et interprétables pour les machines. Par ailleurs, il n’existe pas de terminologie standardisée et universellement acceptée dans le domaine de la médecine traditionnelle, ce qui ne simplifie pas la tâche.

Il faudrait ensuite former tous les praticiens de la médecine traditionnelle à l'interprétation correcte des résultats fournis par l'IA.

Et enfin, comme pour n’importe quel domaine d’intégration de l’IA, se pose la question de la protection de données personnelles et des risques éthiques liés à des diagnostics faits par l’intelligence artificielle. Sans parler de l'attribution de la responsabilité pénale en cas de problème.

Il semblerait donc que, de par la nature même des soins, la conservation à terme d'un équilibre entre homme et machine soit indispensable.

 

Quels sont les enjeux ?

En attendant, le ministère chinois d’Industrie et de l’IT a diligenté d’ores et déjà la construction d’une plateforme de données traçables de l’ensemble de la chaine d’approvisionnement de la médecine traditionnelle. Il prévoit également la mise en place d’une vingtaine de lignes de production et d’usines médicales gérées par l’IA. Ceci dans le but d’encourager le développement de sociétés numériques.

Au vu de l’importance de la médecine traditionnelle en Chine, qui est pratiquée en parallèle avec la médecine conventionnelle, le potentiel de ce marché semble énorme. L’enjeu consiste à permettre à l’IA de fournir des preuves empiriques et des données scientifiquement prouvées pour augmenter la fiabilité de la médecine traditionnelle chinoises et donc sa crédibilité. Si le pari réussit, la médecine traditionnelle chinoise pourrait connaître un boom aussi bien à l’extérieur de la Chine.

En 2024, le gouvernement chinois a fourni une feuille de route de trois à cinq ans pour la mise en place de ce nouvel écosystème de la médecine traditionnelle.