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Darwin, fallait-il le tuer ? Rencontre avec les comédiens

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Écrit par Cécile Brosolo
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 8 novembre 2017

« Darwin, fallait-il le tuer ? » est une pièce de théâtre dont Le petit journal de Singapour vous propose de suivre le processus de création, de l’écriture jusqu’à la première du spectacle, en décembre 2017.

Librement inspirée d’évènements réels, le voyage de Darwin à bord du HMS Beagles dans l’océan Pacifique et la genèse de la théorie de l’Evolution, cette pièce questionne notre acceptation du changement. A travers Darwin et cette Histoire, l’auteur examine nos réactions face aux grands bouleversements que les idées nouvelles entraînent sur nos vies et notre société, et illustre le conflit entre ceux qui défendent la liberté de penser et les droits individuels, et les tenants de l’ordre établi et de la stabilité.

Ce troisième volet de notre « chronique d’une pièce annoncée » est consacré aux personnages et aux comédiens.

Du côté de l’auteur ...

Qui sont les personnages de la pièce ?

Guillaume Jest – Il y a sept personnages principaux : Darwin et sa fiancée Caroline Moris Jones, une jeune femme un peu mondaine qui se lance dans la vie ; le commandant Fitzroy et son épouse et mère de famille, Lady Fitzroy ; le lieutenant Johnson, le second du Commandant, qui est un homme de droit et d’honneur. Il y a un prêtre, le père Thackeray et le médecin de bord, le docteur Faulkner, un homme qui veut aider les autres et est confronté à des choix difficiles, comme cela nous arrive à tous dans la vie. Ces personnages nous ressemblent, on se retrouve un peu dans chacun d’eux. 

Comment avez-vous construit les personnages ?

- Lorsque j’ai eu l’envie d’écrire cette pièce de théâtre, j’ai commencé par les personnages. Je les ai même imaginés et créés avant d’écrire la pièce, en commençant par leur personnalité et leur histoire personnelle. Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? J’ai ensuite examiné leur apparence physique, leurs goûts, leur façon de s’habiller, ... pour leur faire prendre forme concrètement. Puis est venu le travail d’écriture, et celui de la mise en perspective du texte avec les personnages, pour vérifier la cohérence avec leurs personnalités.

Je pense que travail d’écriture est terminé lorsque les personnages dépassent l’auteur et lui échappent pour avoir leur vie propre. Lorsque j’ai écrit les dernières scènes, j’ai presque été possédé par les personnages, ce sont eux qui parlent.

Comment vivez-vous l’appropriation des personnages par les comédiens ?

- C’est très intéressant pour un auteur de voir cette appropriation des personnages par les comédiens, et de les voir prendre vie. L’actrice qui joue Madame Fitzroy par exemple a donné une humanité au personnage que je ne soupçonnais pas du tout.

Monter une pièce de théâtre est une expérience humaine formidable, c’est un peu comme une expédition en montagne : la richesse et la réussite de l’expédition dépendent énormément de la qualité de l’équipe. Et j’ai beaucoup de chance !

 

Du côté des comédiens ...

Jennifer Zheng dans le rôle de Caroline Moris Jones, la compagne de Darwin

 

Comment voyez-vous votre personnage ?

Jennifer Zheng – C’est une femme jeune, mondaine, qui connaît toute la haute société londonienne. Elle est habituée à ce que les gens la regardent, elle brille en société et elle en joue. C’est une femme de pouvoir. Elle a un désir d’évolution de la société, mais elle sait aussi les avantages de sa condition sociale et les dangers que des changements trop profonds entraîneraient pour elle. Elle est très intelligente, et sait aussi que son statut de femme ne lui laisse pas la possibilité d’avancer à visage découvert. Sous une apparente légèreté, elle manœuvre dans l’ombre et manipule Darwin pour arriver à ses fins. 

Comment vous êtes-vous approprié ce personnage ?

- Après les premières lectures de la pièce, et une première esquisse de mon personnage, nous avons fait des jeux d’improvisation, en jouant des scènes totalement en dehors de la pièce. Cela m’a permis de mieux la connaître et la comprendre. Puis, au fil des répétitions, je suis devenue Caroline Moris Jones. Ce cheminement de construction du personnage depuis le texte jusqu’à ce qu’il prenne vie, est très intéressant, et magique !

Vous reconnaissez-vous en elle ?

- Je l’aime bien et je trouve qu’elle me ressemble beaucoup. Elle est vive, dynamique, drôle et ose dire les choses comme elle les pense. Je l’aime bien parce qu’elle apporte une fraîcheur, quelque chose de pétillant, par rapport aux autres personnages qui sont plus rigides et enfermés dans les convenances.

 

Sabrine Carzola, dans le rôle de Mme Emma Fitzroy, la femme du commandant

Comment voyez-vous votre personnage ?

Sabrine Carzola - C’est une femme enfermée dans le rôle que lui donne la société, en lien avec son époque, celui de l’épouse et mère de bonne famille, mais qui a pris le pouvoir à l’intérieur de ce rôle. Le pouvoir sur la maison face un mari très absent, et sur ses enfants. Son seul objectif est d’avoir un meilleur statut social, qu’elle pense mériter, et de bien marier ses filles, parce qu’elle même elle ne se trouve mal mariée – son mari n’a pas du tout l’ambition sociale qu’elle aurait souhaité.

Une femme forte, ou une femme prisonnière des convenances ?

- C’est une femme forte, elle n’a pas, à cette époque, d’autre solution que de se conformer aux apparences et de jouer le jeu du conventionnel ; ce qu’elle fait jusqu’au bout, jusqu’au décès de son mari. Mais une fois veuve, libérée de la domination des hommes, et lorsqu’elle obtient enfin le statut qu’elle voulait, elle est totalement au contrôle et explose dans son pouvoir et sa féminité.

Elle n’a pas de position de principe sur l’évolution de la société ; son opposition à Darwin pour questions de convenances n’est que façade, c’est en vérité plus une peur de perdre ses relations et son influence en société. Une fois arrivée à ses fins, elle se moque bien que la société change ou non.

Entre Mme Fitzroy et Caroline Moris Jones, une lutte de pouvoir et de classe ?

- Emma trouve un pendant incroyable dans Caroline. Caroline, plus jeune, a sans doute un désir de changement de la société alors que chez Emma, il s’agit d’un désir d’élévation personnel.

Ce sont deux personnages ambivalents, assez forts et manipulateurs. Les deux femmes sont assez semblables dans leur manière d’agir et elles se reconnaissent et se comprennent tout de suite. Elles s’attaquent, ont beaucoup de raisons de se haïr, mais se respectent. Les hommes, eux, sont ailleurs, ... dans leur voyage, leur bateau ou leur science.

 

Denis Croze, dans le rôle du commandant Fitzroy

Comment voyez-vous votre personnage ?

Denis Croze – Il est écorché entre ses convictions, ses valeurs chrétiennes, son statut d’officier de marine, avec un sens de la discipline et de l’ordre, ... et ses impératifs familiaux. Au début de la pièce, il est plutôt bonhomme, c’est un marin avant tout, fier et heureux de l’être. Il se réjouit de partir pour deux années de voyage dans l’océan Pacifique avec ses hommes. Mais au fur et à mesure, on voit que des préoccupations externes prennent le dessus. Et c’est finalement la pression familiale, de sa femme et ses filles, qui le pousse à passer à l’acte, malgré lui.

C’est un personnage en nuances, mais, comme finalement tous les hommes de la pièce, un peu benêt et totalement manipulé !

Comment vous êtes-vous approprié ce personnage ?

- C’est un personnage dont l’expression, le ton et la gestuelle est très importante et change au cours de la pièce. Je me suis beaucoup attaché au jeu de l’acteur, à l’expression corporelle pour préparer ce rôle.

Quel est votre regard sur lui ?

Son dilemme intérieur en fait quelqu’un d’attachant. Il est déchiré entre ses valeurs traditionnelles, conservatrices même, chrétiennes, et son attrait pour le changement ; il s’intéresse aux travaux de Darwin, aux cartes marines, et n’est pas totalement opposé au changement, contrairement à sa femme. Et il est très intéressant de voir comment la pression familiale forte va le faire basculer d’un côté plutôt que de l’autre, en l’occurrence le côté conservateur, plus que ses convictions.

Cedric Amsellem, dans le rôle du lieutenant Johnson, le second capitaine.

Qui est-il ?

Cédric Amsellem - C’est un officier de marine, et un homme de droit et d’honneur. Il n’a pas d’avis sur Darwin et ses travaux, ce qui est important pour lui, et qui fait sa noblesse d’esprit, c’est la discipline et le sens du devoir. Il est issu d’un très bon milieu, mais vraisemblablement eu des ennuis par le passé ; on comprend qu’il a été alcoolique et a trouvé le salut dans la marine, avec la rigueur et le statut qu’elle offre.

Le commandant beaucoup pour lui ; il l’a aidé à devenir l’homme qu’il est aujourd’hui et est son mentor. Il a donc un respect et une admiration pour le commandant, au-delà du simple rang hiérarchique. Mais lorsqu’il voit le commandant sombrer, et un problème de discipline poindre, il doit intervenir.

 

Les autres personnages

Darwin – joué par Akram Chebli

On ne le présente plus, Darwin, scientifique absorbé par ses travaux, dont les conséquences idéologiques lui échappent et lui importe peu.

Le père Thackeray, prêtre de l’expédition – joué par Yann Leost

Un prêtre mystérieux, qui cache son jeu. Il est progressiste par nécessité et non par idéologie : pour continuer d’exister dans un monde qui évolue. C’est un homme de pouvoir et il s’impose pour influencer le cours des choses et limiter l’ampleur et les effets du changement.

Le docteur Faulkner, médecin de bord - joué par Frédéric Verin

Un médecin qui, par essence, aime les gens, et est confronté à des choix difficiles malgré lui.

Le matelot Jim - joué par Mathieu Laouenan

 

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Darwin - Fallait-il le tuer?

Une pièce écrite par Guillaume Jest - mise en scène par Sabrina Candeloro Zuber - scénographie par Emmanuelle Arzens

Avec: Sabrine Cazorla Reverre, Akram Chebli, Denis Croze, Mathieu Laouenan, Yann Leost, Frédéric Verin et Jennifer Zheng.

Drama Centre Theater, les 07, 08 et 09 décembre  2017 à 20 heures.

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