L’intelligence artificielle est sur toutes les lèvres et concerne (presque) toutes les économies du monde. Singapour est l’un des pays les plus avancés en la matière. A l’heure où la France annonce plusieurs centaines de milliards d’euros d’investissements, où en est la cité-Etat d’Asie du Sud-Est ?


En février 2024, le gouvernement annonce un investissement de plus d'un milliard de dollars singapouriens dans des capacités d'IA
Mi février 2025, c’est l’effervescence technologique à Paris : dirigeants et chefs d’Etats du monde entier se réunissent au sommet mondial sur l'intelligence artificielle. L’occasion idéale pour des effets d’annonces comme les 109 milliards d'euros d'investissements en France évoqués par Emmanuel Macron le 9 février 2025, ou encore la proposition de rachat de OpenAI par Elon Musk. Si les chiffres et les projets donnent le tournis, la technologie incontournable continue exponentiellement sa progression, partout dans le monde comme à Singapour, l’un des pays les plus avancés en la matière. Rien qu’entre 2013 et 2022, la cité-Etat a investi 4,7 milliards de dollars en intelligence artificielle. En février 2024, le gouvernement annonce un investissement de plus d'un milliard de dollars singapouriens (environ 690 millions d'euros) dans des capacités d'IA au cours des cinq prochaines années. Lepetitjournal.com vous explique tout…
Des stratégies nationales autour de l’IA à Singapour
Il y a 6 ans, Singapour décide de monter une stratégie nationale en matière d’IA. Son but est de préparer l’économie à exploiter et utiliser l’intelligence artificielle. En quelques années seulement, le pays se voit transformé, avec le lancement de projets nationaux dans l’éducation, la santé et la sécurité. “Nous avons assisté à des percées remarquables dans le domaine de l'IA sous la forme de nouveaux produits, de nouvelles capacités et de nouvelles interactions,” confie le gouvernement en 2023. En décembre 2023, le pays lance sa deuxième stratégie nationale en la matière, NAIS 2.0. Cette fois, l’objectif est de “donner à la population et aux entreprises les moyens de comprendre l’IA et s’y engager.” selon le communiqué de l’époque. Deux objectifs sont mis en avant : l’excellence, pour maximiser la création de valeur et l’automatisation, pour qu’un plus grand nombre l’utilise dans le pays, individus comme entreprises.
Aujourd’hui, la stratégie singapourienne autour de l’IA permet un cadre fiscal incitatif, des subventions et des programmes de recherche, attirant des talents mais aussi des investissements du monde entier. Le pays est aussi conscient des risques engendrés par la prolifération de l’IA, particulièrement les cybermenaces et la perte de confidentialité des données. Son agence de cybersécurité (CSA) est sur le coup.

Eric Barbier, French Tech "Tout est fait pour favoriser l’entreprenariat à Singapour"
La pépite française de l’IA, Mistral, est présente à Singapour, le seul pays en Asie pour le moment.
Mogul, NEHR, OpenIA… l’intelligence artificielle est partout à Singapour
L’IA révolutionne tous les secteurs d’activités, encouragée par le gouvernement singapourien. Un secteur est particulièrement concerné début 2025 : l’immobilier. L’agence Mogul vient de lancer un service d'intelligence artificielle - basé sur la technologie géospatiale - qui remplace les agents immobiliers traditionnels. L’idée est de proposer des services à moindre coût de recherche de logement. Mais pas seulement : l’agent virtuel Mogul prend rendez-vous avec les vendeurs, échange par whatsapp, parle plusieurs langues si besoin. Puis, une fois le logement choisi, il prend en charge les démarches nécessaires. “Notre mission est de redéfinir le sens du mot « où »”, lit-on sur leur site. Pour concurrencer un peu plus, Mogul ne prend que 0,2% de commission quand un agent à Singapour en prend en moyenne 1%. De quoi inquiéter les agents immobiliers de Singapour qui gardent toutefois une large avance sur l’art de la négociation.

Eric Barbier, président de la French Tech Singapour : “Tout est vraiment fait pour favoriser la tech à Singapour”.
L’IA simplifie aussi la vie quotidienne et de santé des résidents de Singapour grâce au National Electronic Health Record (NEHR), un système innovant qui permet de constituer un dossier médical en collectant de manière sécurisée les données médicales des patients auprès de différents prestataires de soins.
Le potentiel en Asie - et surtout à Singapour - attire de grands acteurs de l’IA. Valorisée à 6 milliards d’euros, avec 1,1 milliard d’euros de levée de fonds depuis sa création, la pépite française de l’IA, Mistral, est présente à Singapour, le seul pays en Asie pour le moment. Pas étonnant pour Eric Barbier, président de la French Tech Singapour : “Tout est vraiment fait pour favoriser la tech à Singapour”. Fin 2024, OpenAI, maison mère de ChatGPT, installe un bureau au cœur de la cité-Etat, le deuxième en Asie. “Singapour, avec sa riche histoire de leadership technologique, s'est imposée comme un leader de l'intelligence artificielle”, déclarait alors Sam Altman, PDG d'OpenAI, dans un communiqué. Aujourd’hui, Singapour est l'un des pays où l'utilisation de ChatGPT par habitant est la plus élevée au monde. Le nombre d'utilisateurs actifs dans le pays a doublé, rien qu’en 2024.
L'IA ou la machine au service de l'humain... mais ne serait-ce pas plutôt l'inverse ?
En 2025, les experts prévoient des budgets IA qui dépassent 100 millions de dollars dans les grandes économies technologiques, dont Singapour.

Des programmes de recherche en IA lancé dans la cité du Merlion
En janvier 2022, le programme Descartes est lancé à Singapour. Projet international d’intelligence artificielle, l’initiative rassemble 80 chercheurs au sein d’un hub, chargés de trouver des solutions qui soutiennent la création de "villes intelligentes". Descartes est lancé grâce au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l'Agence pour la science, la technologie et la recherche (A*STAR), la Nanyang Technological University de Singapour (NTU) et la National University of Singapore (NUS). De grands groupes français font partie de l’aventure, à l’instar de EDF et Thales.

En avril 2023, la France et Singapour renforcent à nouveau leurs relations IA, cette fois dans le domaine de la défense. Les pays lancent conjointement un laboratoire de R&D dans le domaine de l’intelligence artificielle, dans le cadre d’un accord nommé SAFARI (Singapore and France Advanced Research Initiative). Selon le communiqué, l’objectif est “de favoriser le rapprochement de chercheurs français et singapouriens pour proposer puis conduire des projets d'intérêt pour les deux pays.” Concrètement, le laboratoire travaille sur des sujets autour - par exemple - du renseignement, de systèmes de commandement, de supériorité opérationnelle dans le combat.
En 2025, les experts prévoient des budgets IA qui dépassent 100 millions de dollars dans les grandes économies technologiques, dont Singapour. La ville-Etat asiatique n’a pas fini de jouer des coudes pour rester dans la course mondiale….
Sur le même sujet
