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Le concept « Ma-ai » et la quête de l’artiste Sei Arimori à travers l’art

Les œuvres de Sei Arimori se distinguent par une fusion entre l'art traditionnel japonais et les techniques européennes, où le concept japonais de « ma-ai » joue un rôle central. Nous allons découvrir comment ce concept, ainsi que son exploration du temps, de la lumière, de l’obscurité, du mouvement, et de la dimension méditative, se traduisent dans ses créations.

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Écrit par Adina Mazzoni-Cernus
Publié le 13 septembre 2024, mis à jour le 31 octobre 2024

J’ai le plaisir de m’entretenir avec Sei Arimori san, artiste japonais de renommée internationale, installé en Belgique depuis de nombreuses années, qui exposera à :

  • Tokyo Art Museum TAM du 6 octobre au 22 décembre 2024
  • Luxembourg Mob-art Studio du 6 novembre au 23 décembre 2024

 

Le concept japonais de "ma-ai" ou "ce qui se trouve entre" est central dans votre œuvre. Comment influence-t-il votre approche artistique, notamment dans votre relation avec la nature, et comment se manifeste-t-il dans vos créations ?

Le concept d'« espace » ne décrit pas seulement l'espace entre les choses, mais s'étend également à la relation entre les choses et les personnes et à la manière dont les choses existent entre elles.

 Cette vision de la nature et du monde influence mon approche de l'art, et je vois d'infinies possibilités créatives dans l'espace entre les choses. Au Japon, les méthodes traditionnelles de construction, les jardins et l'artisanat traditionnel ont mis l'accent sur le sens du « ma » (espace). Le sens du « ma » est également très présent dans les festivals locaux, les danses, les chansons, les pièces de théâtre et la musique traditionnelle.

La plupart de ces éléments sont indissociables de l'espace dans lequel ils se déroulent ou sont installés. Le « ma » change également au fil des saisons et du temps. Malheureusement, aujourd'hui, le pragmatisme est l'attitude qui prévaut dans de nombreux domaines. Je suis favorable à un mode de vie qui recherche la coexistence et la symbiose avec la nature.

La relation entre les formes et les couleurs sur l’oeuvre fait l'objet d'un examen approfondi. Il peut s'agir de relations de proportions ou de la composition de la surface des couleurs. Les essais et les erreurs font partie du processus de production, et je découvre parfois des effets inattendus. La nature contient également un monde incommensurable en transition.

 

oeuvre
© Sei Arimori, x.y.z. Silent, 2024, Tempera feuilles d’argent papier washi  sur panneau, 78 x 52 x 5 cm

 

 

Votre œuvre est un dialogue constant entre la tradition artistique japonaise (la laque urushi, l’encre de Chine sumi, l’indigo aizome, la feuille d’or kinpaku, le papier japonais washi) et les techniques classiques européennes (tempera à l’oeuf de la renaissance italienne…). Comment parvenez-vous à fusionner ces deux héritages culturels, particulièrement dans votre utilisation de la lumière et de l’obscurité, tant sur le plan technique que symbolique ?

La durée de vie d’un support préparé selon ces techniques est incontestable et la luminosité des couleurs incomparable, raisons pour lesquelles je persiste à utiliser la tempera.

La peinture d'icônes médiévales européennes était réalisée dans des églises et des monastères sombres avec des objets de prière, et les saints étaient peints avec des contours plats sur un fond de feuilles d'or.

Les peintures japonaises traditionnelles, telles que les Yamato-e, les peintures de cloisons mobiles fusuma et les paravents byoubu, sont également plates, avec des contours et des fonds de feuilles d’or. La lumière qui pénétrait dans la pièce était donc faible en raison de la largeur de l'avant-toit, ce que compensait la décoration d'or et d'argent. Ce que décrit très bien Junichirô Tanizaki dans « l’Eloge de l’ombre ».

Cependant, à partir de la Renaissance, la peinture européenne a commencé à représenter des espaces tridimensionnels en raison de la recherche du réalisme. La planéité de la peinture classique de l'Europe médiévale et du Japon donne une impression de richesse plastique commune à la peinture contemporaine. Ensuite, en combinant la technique européenne de polissage de la feuille d'or avec de l'agate pour utiliser les reflets et la réflexion de l'image avec l'expression japonaise de la feuille d'or mate.

Cette technique est considérée comme produisant une variété d'expressions qui transcendent la nature ornementale de l’œuvre. En outre, il existe des techniques telles que l’urahaku, qui consiste à appliquer une feuille d’argent au dos du papier japonais pour le rendre transparent, et l’urasaishiki, qui consiste à appliquer des couleurs sur le papier.

 

glissement sensible
Sei Arimori, Glissement sensible, Triptyque 2022, Tempera feuilles d’or argent papier washi  sur panneau,
186 x 110,5 x 4,5 cm © David van Ruymbeke



Vous parlez d'une "expression du temps" dans votre travail, notamment à travers des processus minutieux comme la stratification de la technique de la laque japonaise urushi. Comment percevez-vous le rapport entre le temps et la création artistique, et comment souhaitez-vous que ce temps soit ressenti par ceux qui contemplent votre œuvre ?

Mes œuvres prennent plus de temps dans le processus de production, comme la préparation de la base, que dans la représentation et la couleur elle-même.

Le but n’est pas de démontrer un travail de longue haleine. Je ne pose pas de couches de peinture ou de sous-couches pour exprimer le temps. Il est question du choix de cette technique. Il a simplement fallu le temps nécessaire pour créer le tableau. Je pense qu'il est préférable que la surface du tableau ait l'air simple, quel que soit le temps qu'il a fallu lui consacrer.

Je suggère que le spectateur mobilise tous ses sens. La surface picturale d'une œuvre comportant de nombreuses couches donne une agréable sensation de temps. Le concept du temps ne me préoccupe pas. C’est le regard du visiteur qui l’interprète.
 

 

© Sei Arimori, Fusion de blancs, 2020, Tempera et feuilles d'or sur lin monté sur panneau, 56.2 x 33.8 cm
© Sei Arimori, Fusion de blancs, 2020, Tempera et feuilles d'or sur lin monté sur panneau, 56.2 x 33.8 cm

 

Votre œuvre cherche à créer une synthèse entre l'esprit de l'Est et celui de l'Ouest. Le mouvement semble particulièrement vous intéresser dans vos récentes œuvres, notamment avec "la couleur, cernée par un cadre dynamique". Pourriez-vous nous en dire plus sur cette direction et sur la manière dont elle s'intègre dans votre démarche de fusion des cultures ?

Lorsque le spectateur s'approche du tableau, une interaction supplémentaire se crée. Toutes les formes, couleurs et matériaux de la pièce interagissent avec l'œuvre. Le mur est également un cadre. L'environnement dans lequel l'œuvre est placée. Par exemple, l'espace qui entoure l’œuvre est le papier, la boîte et le morceau de tissu furoshiki qui l’enveloppent. La relation entre l'intérieur et l'extérieur est la relation entre soi et les autres, et elle peut être un catalyseur pour les rencontres interculturelles et la façon dont nous percevons les relations des autres. L'espace dans lequel une certaine chose est placée peut être assimilé à un lieu, voire à une scène. Mon travail visualise la relation entre l'intérieur et l'extérieur. Les différentes cultures peuvent également créer de nouvelles relations par l’acceptation ; à l'inverse, le rejet de l'autre ne peut engendrer que de la haine.

 

Certaines de vos œuvres évoquent une dimension méditative indéniable. Comment percevez-vous la relation entre cette dimension spirituelle de votre travail et la musique ? Y a-t-il une musique particulière qui accompagne votre processus créatif ou qui résonne avec l’atmosphère que vous cherchez à créer dans vos œuvres ?

Le rythme et l'harmonie sont les éléments constitutifs de l'existence de toute chose. Le rythme transmet les vibrations à l'extérieur, tandis que l'harmonie apporte le confort et l'épanouissement spirituel à l'esprit. L'image dans le miroir de l'esprit se dégage lors de la création d'une œuvre d'art.

L'art est déjà préparé dans l'obscurité, tout comme la musique commence déjà par le silence. La beauté de la marge est la beauté de la pause. La création ne vient pas de l’éloquence. Le silence est aussi le foyer de l'esprit et du langage. La musique est une source d'inspiration multiple. Bach, Mozart, etc.

Un grand merci et bonne continuation à vous, Arimori san !

 

Qui ? Sei Arimori

 

Prochaines expositions :

  • TAM Tokyo Art Museum

« Questions après un demi-siècle »

Exposition de groupe : 25 étudiants entrés à l'Université Nationale des Beaux-arts et de la Musique de Tokyo en 1975

du 6 octobre au 22 décembre 2024

Vernissage le samedi 5 octobre de 11 à 18h30

http://www.tokyoartmuseum.com/english/index.html

 

  • Mob-art Studio Luxembourg

« Art japonais »

Peintures à tempera de Sei Arimori et des céramiques Iga de Kei Tanimoto

du 6 novembre au 23 décembre 2024

Vernissage mercredi 6 novembre de 17h30 à 20h30

https://mob-artstudio.lu/

 

  • Luxembourg Art Week

du 22 au 24 novembre 2024

https://luxembourgartweek.lu/fr

 

Photo de couv : © Sei Arimori Lines, 2010, Tempera, feuilles d'or sur panneau,120 x 77 x 4 cm

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