L’Oréal est l’une des plus grosses compagnies de cosmétiques au monde. Depuis 1983, l’entreprise a décidé d’implanter ses laboratoires au Japon pour de nombreuses raisons, autant technologiques que culturelles. Outre le siège à Shinjuku, c’est à Kawasaki que les laboratoires L’Oréal sont basés. Tous les services se trouvent sur le même site où ils élaborent de nouveaux produits de maquillage, pour les cheveux, et de soin pour la peau. Les employés sont des Japonais, des Français, des Chinois, des Coréens et des Indiens. Le Japon est un énorme atout pour la compagnie grâce à son potentiel d’innovation et sa proximité avec les grands pays du marché asiatique comme la Chine, ce qui lui permet d’être au plus proche du consommateur. Caroline Delaunay, chez L’Oréal depuis plus de 20 ans, Directrice Recherche et Innovation L’Oréal Japon et Céline Soenen, Projet manager et officer en makeup et recherche innovation, expliquent pourquoi L’Oréal est l’une des dernières entreprises à conserver son centre de recherche japonais.
Des raisons d’innovation…
« Nous sommes au Japon, non pas uniquement pour l’aspect commercial, mais pour des raisons créatives », explique Caroline Delaunay. À ce jour, le Japon est un important pays en terme de consommation de cosmétiques, mais ce n’est pas le plus gros consommateur, c’est la Chine qui détrône tous les pays asiatiques si l’on se réfère au chiffre d’affaires. Le groupe L’Oréal est l’un des derniers à avoir un aussi grand centre de recherche au Japon et c’est essentiellement pour ce que le pays peut apporter à l’entreprise. L’innovation est au cœur des cosmétiques japonais, on le constate déjà à l’international et plus récemment en Chine. Depuis deux ou trois ans, les marques japonaises recommencent à avoir du succès notamment grâce à ce concentré de technologie : « Je peux en témoigner, aujourd’hui plusieurs notions développées actuellement dans les entreprises sont des notions que les Japonais connaissent déjà depuis des centaines d’années », explique Caroline Delaunay. C’est la façon d’innover avec le consommateur qui est la clé aujourd'hui dans la manière d’innover, ce que les Japonais pratiquent déjà depuis des millénaires. Les Japonais ont un certain savoir-faire dans la conception d’un produit, quel qu’il soit. Ils savent parfaitement raconter l’histoire du produit avec le packaging, la texture, le parfum, qui forment un tout, pour que la consommatrice comprenne le message qui veut être passé, et tout cela en cohérence avec l’efficacité réelle du produit.
Caroline Delaunay parle même de « Human Centricity : ils ne s’intéressent pas aux consommateurs sur une courte période de temps, mais tout au long de leur vie. En revanche, les Coréens lancent énormément d’innovations très vite et les améliorent selon les retours ou les retirent du marché. Les Japonais, eux, en lancent peu ; ils prennent des années pour perfectionner l’innovation, trouver la texture parfaite combinée à la meilleure efficacité et ensuite seulement, ils commercialisent le produit ». Même si la confiance n’a jamais baissé, les marques japonaises historiques ont vu leurs parts de marché grignotées par les marques coréennes et chinoises. Mais elles sont en train de les reconquérir et L’Oréal ne sous-estime absolument pas leur force sur le marché. « Ils sont experts dans la technologie sensorielle et ils ont une telle rigueur qu’elle nous pousse à faire des produits parfaits ». Pour Caroline Delaunay, la perfection, c’est quand la formule d’un produit raconte exactement ce que l’on a indiqué sur le packaging, il faut que la crème anti-rides ait les effets promis, que la texture le fasse sentir à la consommatrice et c’est un vrai parcours du combattant pour y arriver : « Certaines formules sont inventées en France et on les envoie au Japon pour que la partie sensorielle soit au top niveau ».
…Et de culture !
La seconde raison de la présence des laboratoires au Japon est l’extraordinaire éco-système scientifique et l’inspiration que l’on peut avoir de la médecine régénérative : « C’est l’anti-âge de demain, mais ça ne sera pas pour tout de suite, n’est ce pas ? » déclare-t-elle en riant. C’est aussi un pays où la population senior est en plein boom, une véritable source d'inspiration pour l’entreprise ; elle peut donc améliorer ses produits anti-âge qui seront, dans quelques années, essentiels sur le marché chinois. De plus, les femmes asiatiques ont tendance à utiliser des cosmétiques jusqu’à un âge plus avancé que les autres femmes du monde. La proximité avec la Corée est aussi un très gros avantage : « Comme nous l’avons dit précédemment, les Coréens lancent beaucoup d’innovations tandis que les Japonais prennent leur temps. Le mélange des deux attitudes donne une très bonne dynamique d’innovation commerciale ».
Du côté packaging, le Japon possède un très haut niveau de qualité d’invention et d’exécution des idées : « L’influence du design au Japon est importante, avec une approche où tout est pensé et très bien conçu », explique Céline Soenen. Le marché japonais est un marché très mature où les consommatrices sont très bien renseignées sur les manières d’application et connaissent bien les produits. L’entreprise s’efforce donc de créer des produits qui soient en adéquation avec les attentes des femmes asiatiques, comme le "Cushion" : « C’est un packaging spécial pour fond de teint liquide ; on peut l’appliquer avec une éponge qui fait partie du produit ; ainsi l’application est optimale. De plus, il est transportable pour des retouches dans la journée », précise Céline Soenen. Et l’innovation doit aussi aider celles qui ne se sont jamais maquillées. Céline Soenen explique : « Nous avons crée un mascara avec une brosse qui se courbe, pour que les femmes novices puissent atteindre facilement les cils à l’intérieur de l’œil et les racines, pour avoir un volume optimal ». Pour L’Oréal, le Japon est un véritable laboratoire et incubateur à idées. Pour toutes ces raisons, le groupe compte bien continuer à révolutionner le marché asiatique et international.