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Villa Claudel : un joyau historique sur les rives du lac Chuzenji

C’est sous le nom poétique de « Villa Claudel » que l’on désigne souvent la résidence de villégiature de l’ambassade de France, nichée sur les rives paisibles du lac Chuzenji, à quelque 200 kilomètres au nord de Tokyo. Cette demeure, véritable témoin d’une époque révolue, incarne un pan méconnu de l’histoire diplomatique et culturelle du Japon.

villa Claudelvilla Claudel
Écrit par Bruno Chapiron
Publié le 28 août 2024, mis à jour le 18 septembre 2024

Une villégiature estivale prisée par les élites

Au début de l’ère Meiji, la cour impériale, cherchant à échapper aux chaleurs étouffantes de l’été tokyoïte, trouva refuge dans la fraîcheur des hauteurs du lac Chuzenji. Ce lieu devint rapidement un sanctuaire apprécié des élites japonaises et étrangères.

L’arrivée du chemin de fer à vapeur et l’ouverture de la première route d’accès facilitèrent l’arrivée des diplomates, artistes et intellectuels, attirés par l’atmosphère sereine du lac, qui y établirent leurs résidences d’été.

Sur la rive sud, les ambassades firent ériger de somptueuses villas de villégiature, où dîners et cocktails mondains se succédaient tout l’été dans des salons et terrasses au charme raffiné, mêlant harmonieusement architectures nippone et occidentale. La saison estivale était alors rythmée par les potins, les régates et les parties de pêche à la truite, dans une ambiance où l’art de vivre occidental se mêlait aux traditions japonaises.
 

L’acquisition française : une villa de charme au bord de l’eau

Villa claudel

C’est dans ce contexte que l’État français fit l’acquisition en 1909 d’une grande villa, construite par l’ancien ministre des Affaires étrangères Shuzo Aoki (1844-1914), pour en faire la résidence estivale de son ambassade.
La demeure, en bois de sapin, est une maison traditionnelle japonaise agrémentée d’une véranda de style « engawa », offrant une vue imprenable sur les eaux cristallines du lac et la silhouette majestueuse du volcan Nantai, dont les lignes rappellent celles du mont Fuji. Le premier étage, composé de quatre chambres, permettait d’accueillir les hôtes de passage.
 

Paul Claudel : un ambassadeur inspiré par la beauté de Chuzenji

 

chuzenji

C’est au bord de ce lac enchanteur, source d’une contemplation infinie, que Paul Claudel, ambassadeur de France au Japon entre 1921 et 1927, puisa l’inspiration pour rédiger de nombreux passages de son ouvrage Le Soulier de Satin.

Le 14 juillet 1922, il confiait à son ami Darius Milhaud : « Je suis en ce moment à Chuzenji, d'où je ne suis descendu que pour aujourd'hui, dans le plus beau paysage qu'on puisse imaginer, au bord d'un lac bleu entouré de montagnes et de forêts, et au pied d'un beau volcan dont les lignes sont à peu près celles du Fuji. J'y habite une adorable maison japonaise, on n'a qu'à tirer les panneaux de papier et l'on est entièrement mélangé à la forêt, au ciel, à la nature (...) La vie est belle et j'oublie tout à fait ce Paris où je désire ne pas revenir de sitôt. »

Deux semaines avant son départ définitif du Japon, en janvier 1927, Claudel retourna une dernière fois à Chuzenji, pour y méditer une ultime fois sur les rives du lac. Dans son journal, il note : « Chuzenji. Dernier regard. Le Nantai d'une délicieuse couleur isabelle et terre brûlée. »
 

Un héritage culturel vivant mais discret

Cette villa, empreinte de l’harmonie entre nature et esthétique japonaise que Claudel chérissait tant, a façonné la sensibilité de l’écrivain pour le Japon. Rénovée en 2009, elle continue d’abriter les villégiatures de l’ambassade de France, bien que ses portes restent malheureusement closes au public. Pour la communauté française du Japon, elle demeure affectueusement « Villa Claudel », un nom évocateur d’un diplomate-écrivain qui, le temps de quelques étés, trouva dans ce havre de paix l’écho parfait de son âme poétique.

 

Photos par Bruno Chapiron

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