Mercredi 17 avril, à la Trump Tower de New York, le président polonais Andrzej Duda a diné avec l’ancien président des États-Unis, candidat aux prochaines élections, en novembre 2024, Donald Trump. Andrzej Duda s’est fait porte-parole des positions ukrainiennes, en faisant pression sur le candidat aux futures élections pour que son parti, le camp Républicain, vote le budget d’aide militaire alloué à l’Ukraine, bloqué depuis des mois faute de ralliement du parti à la couleur rouge au vote. Samedi 20 avril 2024, par 311 voix contre 112, la Chambre des Représentants américaine a finalement adopté un vaste plan d’aide à l’Ukraine soutenu par des élus des deux bords politiques. Retour sur une opération de déblocage rondement menée, sauf au Canada, où Justin Trudeau tergiverse.
La rencontre entre Andrzej Duda et Donald Trump : un rendez-vous de campagne du camp Républicain
L'élection présidentielle américaine le 4 novembre 2024 verra se rejouer le face-à-face de 2020, entre Joe Biden, pour le parti démocrate, et Donald Trump, pour le parti républicain. Ce sont les deux principaux partis dominant la politique américaine. Le parti démocrate axe ses campagnes sur la promotion des droits civiques, une plus grande sécurité sociale et des mesures ambitieuses de lutte contre le changement climatique. Le parti républicain fait campagne pour une baisse des impôts, une restriction de l’immigration et de l’accès à l’avortement. En fonction de sa population, chaque État du pays dispose d’un nombre de votes au collège électoral électoral qui élit de facto le président. Sur un total de 538 voix, le candidat qui en obtiendra plus de 270 débutera un second mandat en janvier 2025. Le candidat qui remporte le plus grand nombre de voix se voit attribuer tous les votes du collège électoral de l’État : c'est le «winner takes all ». La campagne électorale est donc particulièrement intense dans les États où les écarts entre les deux candidats ne sont pas très prononcés.
Si les critiques sur Joe Biden portent tout particulièrement sur son âge, 81 ans, jugé incompatible avec l'exercice de telles fonctions, les détracteurs de Donald Trump pointent les nombreux procès et enquêtes, notamment celle sur l'assaut du Capitole et une sur les archives de la Maison-Blanche.
La visite du président polonais, Andrzej Duda, est ainsi un moyen de briser le blocus diplomatique occidental que subit Donald Trump depuis la fin de sa présidence.
La Pologne est le pays le plus pro-américain au monde
Andrzej Duda : un président ambassadeur ?
8.075 kilomètres séparent la ligne de front ukrainienne et la Trump Tower à New York, mais le ton adopté par le président polonais est grave. Se faisant ambassadeur de la cause ukrainienne, il plaide, comme l’a fait Volodymyr Zelensky quelques mois plus tôt, le 11 décembre 2023 à Washington, pour le déblocage de l’aide américaine au Congrès américain, le Sénat et la Chambre des Représentants devant s’accorder sur le texte. Les 60 milliards de dollars de ce programme américain d'assistance militaire et économique à l’Ukraine sont bloqués depuis plusieurs mois du fait des divisions entre démocrates et républicains. Cette aide est ainsi le théâtre de la bataille présidentielle que se livrent Donald Trump et Joe Biden. Avec une petite majorité démocrate, le Sénat a voté l'enveloppe d’aide le 13 février 2024, mais de nombreux élus républicains refusent d’examiner le texte au en raison d’un différend sur la régulation de l’immigration entre les deux partis.
Si Andrzej Duda n'est pas parvenu à faire basculer le camp Républicain lors de son entretien avec Donald Trump, une légère inflexion est à noter dans la position de l'ancien occupant du Bureau Oval, qui reste sceptique sur un soutien à long terme des États-Unis, sauf à condition de prêts.
Autant pour l’OTAN !
Si l’argent est le nerf de la guerre pour l’Ukraine, c’est aussi une bataille pour les pays membres de l’OTAN.
Si le budget pour l’aide américaine à l'Ukraine n’est pas prêt d’être voté, Donald Trump se montre nettement plus favorable à l’augmentation des budgets de l’OTAN et a appelé les membres de l’alliance à augmenter les dépenses militaires, bien au-delà des 2% actuels du PIB, produit intérieur brut, prévu dans le traité de l’OTAN. Le président polonais en a profité pour rappeler les efforts de la Pologne en la matière, dont l’effort militaire s’est porté à 4% du PIB en 2023 selon les estimations de l’OTAN reprises sur le site Notes From Poland.
L’occasion également pour Andrzej Duda de représenter une proposition visant à faire passer le niveau de dépense militaire des membres de l’Alliance atlantique de 2% à 3% du PIB. Cette proposition avait été présentée conjointement par le président Andrzej Duda et le Premier ministre Donald Tusk le 12 mars 2024 à Joe Biden.
Rencontre entre Donald Trump et Andrzej Duda : Show must go on
Le diner était privé : aucune caméra n’a pu approcher les deux politiciens pendant leurs échanges, mais les poignées de mains et salutations en début de soirée ont été largement relayées sur les réseaux sociaux du président polonais :
🇵🇱🇺🇸 Nowy Jork | W Trump Tower odbyło się spotkanie Prezydenta @AndrzejDuda z 45. Prezydentem USA Donaldem Trumpem. pic.twitter.com/u5rMupYysF
— Kancelaria Prezydenta (@prezydentpl) April 18, 2024
Le président polonais décrit une rencontre avec l’ancien président Donald Trump dans une « atmosphère conviviale et très agréable » ("przyjacielska i bardzo miła atmosfera").
Au cœur de la 5e Avenue à New York, le milliardaire américain revient sur les années de travail de coopération qu'ont passées les deux chefs d’État ensemble, entre 2016 et 2020 :
« Il a fait un travail fantastique et c’est un ami à moi. Nous avons passé quatre merveilleuses années ensemble. (...) Nous avons un grand respect pour la Pologne et son président. Comme vous le savez, nous avions une très bonne relation personnelle. Nous n’avons jamais eu de problèmes, même mineurs. Nous sommes totalement pro-Pologne et je sais que la Pologne en est consciente. » Donald Trump
Finalement, la Chambre des Représentants américaine a adopté un vaste plan d’aide à l’Ukraine , le 20 avril
Samedi 20 avril 2024, par 311 voix contre 112, la Chambre des Représentants américaine a adopté un vaste plan d’aide à l’Ukraine soutenu par des élus des deux bords politiques. Cette aide de 89 milliards d’euros est une enveloppe globale pour l’Ukraine, Taïwan et Israël, dont 57 milliards d'euros sont alloués à la défense ukrainienne.
Les États-Unis n’avaient pas voté de plan massif de soutien depuis presque un an et demi, en raison de l’opposition entre les deux partis. Tous les démocrates et une minorité de républicains (101 sur les 213 républicains qui siègent à la Chambre des Représentants) ont voté pour le projet de loi.
C’est parmi les plus conservateurs des républicains que le vote a le plus cristallisé les oppositions : 40 des 44 élus de cette faction se sont opposés à ce plan d’aide. Afin d’empêcher la loi d’être votée, le président de la Chambre des Représentants, Mike Johnson, fervent républicain et proche de Donald Trump, a divisé le vote en 3 pour voter séparément l’aide à chaque pays, le paquet d’aide à l’Ukraine étant celui qui suscitait les plus grandes divisions.
- 23 milliards de dollars seront utilisés par les États-Unis pour reconstituer leurs stocks d'armement, ceci étant la première étape vers de futurs transferts d’armes à l'Ukraine.
- 13, 8 milliards de dollars vont permettre au pays d’acquérir des systèmes de défense américains.
- 11,3 milliards de dollars vont soutenir l’effort de guerre immédiat sur la ligne de front, avec notamment un renforcement de la coopération des services de renseignements américains et ukrainiens.
- La chambre des Représentants a également adopté une disposition autorisant le président à transférer les avoirs russes gelés aux Etats-Unis, ce qui représente une somme entre 5 et 8 milliards de dollars, et les transférer à l’Ukraine.
- Mardi 23 avril 2024, le plan d’aide commencera à être examiné au Sénat, à majorité démocrate.
Direction le Canada : Andrzej Duda rencontre le Premier ministre Justin Trudeau, le 20 avril
Andrzej Duda a ensuite poursuivi sa tournée diplomatique au Canada, où il a rencontré le Premier ministre Justin Trudeau, le 20 avril 2024.
Sur la base militaire canadienne d’Esquimalt, Andrzej Duda s’est plié de nouveau à un exercice de persuasion : faire augmenter les dépenses militaires du Canada de 3%. Mais dans cette base située à quelques kilomètres des États-Unis, l’ambiance n’est pas la même et le ton pressant d’Andrzej Duda n’a pas convaincu Justin Trudeau.
“Większe wydatki na obronność w NATO receptą na rosyjski imperializm”, « L’augmentation des dépenses de défense de l’OTAN est une recette pour l’impérialisme russe » : voici l’essence de la stratégie de persuasion qu’Andrzej Duda a mise en place durant cette visite (déclaration du président polonais juste après sa rencontre avec Justin Trudeau).
Le Premier ministre canadien a mis cependant en avant les récentes augmentations du budget canadien de la défense, passé à 1,4% du PIB en 2023, au prix d’une augmentation de 15% du budget de défense.
À l’issue de la rencontre, Justin Trudeau a déclaré que :
« Le Canada et la Pologne sont de bons amis et de fidèles alliés. Je me réjouis à l’idée d’approfondir la coopération entre nos pays. Ensemble, nous défendrons la paix et la sécurité au sein de l'alliance de l'OTAN, nous resterons déterminés à soutenir l’Ukraine et nous créerons de bons emplois et de bonnes possibilités pour les Canadiens et les Polonais ». Justin Trudeau
Jusqu’au 23 avril 2024, le président polonais sera au Canada, pour préparer le futur sommet de l’OTAN, qui aura lieu à Washington, ainsi que pour évoquer les questions de sécurité nucléaire, et des rencontres avec la diaspora polonaise dans la région d’Alberta.
🇨🇦| #Wiktoria
Spotkanie z Premierem Kanady w Bazie marynarki wojennej.
💬 Mamy szeroko zakrojoną współpracę militarną z Kanadą, budującą bezpieczeństwo w naszej części Europy. I omówienie tych najważniejszych zagadnień przed zbliżającym się szczytem NATO ma tutaj znaczenie… pic.twitter.com/ZKvzhf6SbU
— Kancelaria Prezydenta (@prezydentpl) April 20, 2024