Alcatel Submarine Networks est l'un des leaders mondiaux de la pose de cables sous-marins. Lepetitjournal.com est allé à la rencontre de Patrick Delpy, son directeur pour la zone Asie, basé à Hong Kong. Il nous parle de sa stratégie et des raisons du succès de cette entreprise dont les câbles font 16 fois le tour de la terre.
Une centaine de data centers dans la Grande Baie
Pourriez vous nous parler d'Alcatel Submarine Networks. et de son implantation à Hong Kong?
Alcatel Submarine Networks, société française dont le siège est à Paris, les usines à Calais et Greewich (UK) et la flotte de navires câbliers battant pavillon français, est l'un des 3 leaders mondiaux de la fabrication et de la pose de câbles télécoms sous-marins. 99% de tout l'internet international, tout Facebook, tout Google, tout Spotify, tout Netflix, etc... , transitent par les câbles sous-marins. Les 4.5 milliards d'utilisateurs d'internet sont tous, indirectement, nos clients. Les 2/3 des connections internet internationales de la Chine passent par Hong Kong qui est relié au reste du monde par une vingtaine de câbles sous-marins sur la quarantaine qui sont immergés en mer de Chine et sur les 450 qui existent au fond des océans. Une centaine de data centers sont hébergés dans la Greater Bay Area. C'est plus qu'en France. Pour le transit international d'internet, Hong Kong est un axe vital.
Pourriez vous revenir sur votre parcours.
Je fais partie de la génération qui a commencé à travailler quand le rideau de fer séparant l'Est et l'Ouest est tombé en 1989. A cette époque, il n'y avait que le téléphone fixe, le fax et des ordinateurs connectés à des imprimantes. En une génération, avec des millions d'autres, nous avons inventé, développé, commercialisé et déployé tous les réseaux mobiles et tout l'internet. Nous avons construit la mondialisation. J'ai accompagné cette transformation des échanges en construisant les réseaux télécoms dans toute l'Asie depuis 1992. En Inde, à Singapour, en Indonésie, en Australie, en Chine et à Hong Kong depuis 2014.
Nous avons construit la mondialisation
Qu’est qui explique aujourd’hui votre succès ?
Depuis 1854 et le premier câble télégraphique, nous fabriquons de manière très artisanale, en Angleterre et en France, des câbles sous-marins de très haute technologie, uniquement à la demande, pour des clients très sourcilleux que nous connaissons très bien qui exigent l'excellence absolue et une fiabilité à 99.999% dans un environnement magnifique et compliqué: la mer. Chez ASN, d'une manière ou d'une autre, passant nos journées entières sur des cartes océaniques, nous sommes tous des marins ayant une expertise précise d'une technologie indispensable au fonctionnement d'internet.
En Asie, quelles sont vos grandes réalisations ?
En 1994, nous avons posé le câble SeaMeWe 2 (South East Asia Middle East Western Europe) qui fut le premier câble en fibre optique entre l'Asie et l'Europe. En atteignant la vitesse de la lumière, les télécommunications sous-marines ont remplacé le satellite trop lent parce que trop loin. Depuis nous avons successivement posé de nombreux câbles sous-marins entre l'Asie et l'Europe, entre l'Asie et l'Amérique, entre l'Asie et l'Australie et bien sûr, intra-Asie. Samedi dernier nous avons remporté le câble Bifrost entre Singapour et la Californie via l'Indonésie, les Philippines et Guam. Il sera posé pour le compte de Facebook, Keppel et Telkom Indonesia en 2024. Ce sera une artère vitale de tout internet entre l'Amérique et l'Asie.
Le trafic a augmenté de 60% depuis le Covid
Comment vous adaptez-vous au nouveau contexte de la pandémie ? Qu’est -ce qui a changé pour vous ?
La pandémie a eu un effet considérable sur les réseaux numériques. La modification des usages de personnes bloquées à la maison ou sur un territoire, le besoin de vidéos afin de rapprocher les familles, les équipes et les amis comme si tout le monde était au même endroit, la demande de jeux, de films, de séries, de direct live, de divertissements, d'e-commerce sur écran a accentué l'importance d'internet comme étant le fil de vie indispensable de chacun vers le monde entier. En Janvier 2020, on attendait une croissance du trafic de 30%. On a eu +60%. Alors on agrandit l'usine, on augmente la flotte, on recrute et on produit plus de câbles sous-marins pour répondre au doublement de la demande.
Quels sont aujourd’hui les grands défis?
Il y a deux grands défis: technologiques et géopolitiques. L'infrastructure est en permanence au bord de la rupture. L'augmentation du trafic, exponentielle depuis le Covid, la vidéo de qualité optimale qui occupe 60% de la bande passante mondiale, la génération Z, celle de mes fils, qui est née avec le mobile et internet, l'impératif d'augmentation de la vitesse afin de s'approcher virtuellement au plus près de la réalité physique des échanges instantanés malgré la distance, poussent chaque jour les réseaux dans leurs limites technologiques dans un monde qui ne peut plus se passer d'internet, ne serait-ce qu'une minute. Dans le climat actuel de guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine où les intérêts des uns empiètent sur ceux des autres, en tant qu’industriel français devant absolument garder les uns et les autres comme clients, nous jouons la carte du « choix serein » (safe choice). Nous assumons simultanément d’être une variable d’ajustement commerciale et d’offrir la meilleure technologie disponible de transmission numérique sous les océans.
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