Édition internationale

Juliette Baily & Kevin Lucbert, illustrateurs : croquis d’une vie entre deux cultures

Berlinois depuis 13 ans, Juliette Baily et Kevin Lucbert partagent avec Le petit journal leur expérience de la ville, de leurs débuts ici à ce qu’elle leur apporte au quotidien, et la nouvelle vie qu’ils y ont construite : un équilibre entre culture française et allemande, entre vie de famille et carrière internationale.

Portrait de Juliette Baily et Kevin LucbertPortrait de Juliette Baily et Kevin Lucbert
Juliette et Kevin, illustrateurs à Berlin © Juliette Baily et Kevin Lucbert
Écrit par Sandrine Ibanez
Publié le 26 avril 2025, mis à jour le 29 avril 2025

Berlin, une évidence pour Kevin, une découverte pour Juliette

C’est Kevin qui a donné l’impulsion de partir vivre à Berlin. 

Sa première rencontre avec la ville remonte à l’époque du collège. Puis, en 2006, alors étudiant aux Arts Déco à Paris, il fait une demande d’Erasmus à la Kunsthochschule Weißensee.

C’est une expérience incroyable, et il attrape le virus berlinois. Dès qu’il le peut, il y revient. Lorsque quitter Paris devient une évidence, il propose à Juliette de tenter Berlin ensemble. Il faut dire que la ville, financièrement plus accessible et moins “compressée”, est bien plus adaptée à la vie d’un jeune artiste.
 

À Paris, il n’y a quasiment aucun espace libre qui n’a pas un but, qui n’est pas utilitaire, par manque de place. 

À l’époque, Berlin regorge de terrains vagues et d’espaces sans affectation précise. Le cadre parfait pour un esprit créatif.


 

Une intégration progressive et introspective

Juliette prend des cours avant de rejoindre Kevin, mais l’allemand, peu intuitif, complique les échanges du quotidien. Heureusement, l’accent français inspire souvent l’indulgence.

À son arrivée, elle est aussi déroutée par la ville elle-même : elle peine à comprendre Berlin, ses distances, sa densité, sa structure.
 

On perd ses repères. On est dans le centre-ville et l’architecture fait penser à la banlieue. Les distances n’ont rien à voir, on le réalise quand on décide de marcher pour deux stations comme on le ferait à Paris.

Juliette se souvient de son premier printemps, quand tout le monde discutait en terrasse et qu’elle ne comprenait presque rien, où elle se sentait dans sa bulle, comme spectatrice d’un film. Des moments déstabilisants, mais qui ont été des opportunités d’introspection et de réinvention.

Aujourd’hui, elle se sent bien à Berlin, et a appris à apprécier ce que la ville a à offrir : l’espace, le calme, le fait de ne pas se marcher dessus, même dans le métro aux heures de pointe, les changements de saison bien tangibles. Et le vélo, qui lui manque quand elle revient à Paris !
 


Les enfants, catalyseurs d’intégration

Devenir parents leur a aussi permis d’apprécier la ville autrement. La vie quotidienne y est plus facile (notamment avec une poussette !). Et à Berlin, comme le souligne Kevin, le rapport aux enfants et à la famille est vraiment différent.

D’un côté, l’éloignement avec leur propre famille n’est pas toujours simple. Mais c’est aussi ce qui permet de vivre une expérience plus personnelle, moins influencée par leur culture d’origine, et d’inventer un mode de vie à leur image – un mélange de leurs racines et de ce qu’ils trouvent intéressant ici, qui permet de créer son propre chemin d’éducation.

Les enfants deviennent aussi un pont vers la culture locale. Les contacts sont facilités, par le biais de l’école ou des activités.
 

Un quotidien berlinois, une carrière sans frontières

Le métier d’illustrateur freelance est très mondialisé : leurs clients viennent d’un peu partout – France, Royaume-Uni, États-Unis – et les réseaux sociaux leur permettent de diffuser leur travail, toucher un public international, se connecter à d’autres illustrateurs, découvrir de nouveaux styles.
 


S’installer à Berlin n’a pas été un redémarrage, mais une continuité. Leur réseau français les a suivis, s’est renforcé, élargi. Même si le réseau informel parisien leur manque parfois – vernissages, rencontres spontanées – ils restent bien ancrés ici, notamment grâce à une vraie communauté d’illustrateurs français à Berlin.

Si la ville a profondément changé leur mode de vie, elle n’a pas transformé leur travail. Juliette collaborait déjà avec l’émission Karambolage : être sur place a simplement permis de mieux saisir les sujets qu’elle illustre (le Schorle est devenu concret !) et d’enrichir son regard.
Pour Kevin, l’influence est plus diffuse, par petites touches : des réminiscences de romantisme allemand, une certaine ambiance.

Le rythme, en revanche, est différent – surtout avec des enfants à aller chercher tôt. Et très concrètement, Berlin facilite les choses : ateliers plus accessibles, pression financière allégée.

Juliette se souvient de son ancien atelier à Charonne : exigu, les uns sur les autres, les trottoirs bondés dès qu’on sortait. Rien à voir avec aujourd’hui.
 

Je me sens beaucoup plus calme ici, alors que paradoxalement ma vie est beaucoup plus remplie qu’avant. 

À Berlin, tout est là, à portée : l’espace, la verdure, la respiration. Et avec eux, l’espace mental pour créer.


Ce Berlin qui change, et celui qui reste

Quand Kevin était en Erasmus, Prenzlauer Berg était encore le quartier des étudiants et de la fête. Et en 2012, lorsqu’ils cherchaient un appartement, il y avait tant de logements disponibles… que les agents leur donnaient les clés pour visiter seuls. 

Aujourd’hui, Berlin a changé – et pas toujours dans le bon sens. Flambée des prix, loyers inaccessibles, système de santé à deux vitesses : tous les ingrédients d’une crise sociale sont là. La Kurfürstenstraße, à deux pas de chez eux, en est une illustration parfaite : contrastes saisissants entre immeubles flambants neufs et détresse visible.

Et pourtant, certaines constantes demeurent. L’espace, le calme, l’étrangeté de l’urbanisme, les repères visuels qui rendent la ville unique.
 

Tu sors de chez toi, il n’y a personne dans la rue, et en 10 minutes à pied tu es dans un parc ou dans un quartier complètement différent.

Ces grands parcs bordés de Plattenbau, les lignes de métro aérien au-dessus des jardins ouvriers, comme à Gleisdreieck – un concentré de Berlin selon Kevin.

 

Homme de dos en train de jongler dans le parc Gleisdreieck
Gleisdreieck © Konstantin Börner


Juliette, elle, évoque le café-restaurant du Deutsche Oper, où leur fille prend des cours de danse. Un lieu à la fois solennel et populaire, car il s’agit de la cantine pour les employés, avec appels au micro en fond sonore. Idéal pour travailler, mais aussi pour ressentir pleinement l’esthétique brute du bâtiment, baigné de lumière en fin de journée.

Autres repères de leur quotidien : les balades dans le parc du château de Charlottenburg ou le long de la Spree, les lectures au soleil au retour des beaux jours, et les petits commerces de Prenzlauer Berg, qui rappellent un peu Paris.


À suivre…

Pour découvrir leurs univers graphiques, c’est par ici :

 

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