En Inde, la cohabitation devient de plus en plus difficile entre la faune sauvage des parcs naturels et la population locale. Le tigre au nom de code MTD23, soupçonné d'avoir tué deux bergers et plusieurs têtes de bétail, a donné du fil à retordre aux autorités locales. Finalement capturé après une longue traque, il est un des exemples de la nécessité d'un meilleur contrôle de l'installation des hommes dans les zones d'habitat des animaux sauvages et d'une régulation des populations animales.
Un tigre responsable de la mort de deux bergers
Depuis la fin septembre, la presse locale fait quotidiennement ses gros titres sur la chasse au tigre mangeur d’hommes dans la région de Gudalur, petite ville à une quarantaine de kilomètres d’Ooty, en bordure du parc national de Mudumalai, dans les Ghats occidentaux des Nilgiris. L’animal aurait tué deux hommes, des gardiens de troupeaux en limite de la réserve.
Une première attaque mortelle aurait eu lieu le 24 septembre 2021, suivie d’une seconde, le 1er octobre, contre un berger de 82 ans. La population de Gudalur est en émoi. Les faits rapportés sont difficiles à vérifier, mais, jusqu’à ces derniers jours, des manifestations étaient organisées quotidiennement pour réclamer la peau du tigre. C’est un mâle de 13 ans, désigné par le code MDT23 (MDT pour Mudumalai Tiger, pas d’explication pour le chiffre).
22 jours de chasse au tigre dans le sud de l'Inde
Dès le 26 septembre 2021, les autorités du parc ont déployé les grands moyens pour capturer le félin : cages avec appâts, drones et chiens pour pister l’animal. On a même fait venir deux éléphants Kumki, c’est-à-dire des bêtes entraînées pour piéger des éléphants sauvages. Plus de soixante-dix professionnels ont été réquisitionnés, dont plusieurs vétérinaires. Il a fallu 22 jours de recherche pour capturer MDT23. Juché sur un « Kumki », un garde forestier a finalement réussi à endormir le félin avec une flèche de tranquillisant. L’animal présentait de graves blessures et semblait à bout de force. Il finira sa vie dans un zoo, à Mysore ou Chennai.
La Haute Cour de Madras avait été saisie par un défenseur de la nature, accusant les autorités forestières de vouloir tuer le tigre, animal protégé selon la loi indienne. La cour a affirmé que le tigre ne pouvait être considéré comme « un mangeur d’homme ». Elle a insisté pour que tout soit fait pour le capturer vivant. Les juges ont également demandé que les opérations soient les moins perturbantes possibles pour l’ensemble des animaux sauvages de la zone.
Le parc national de Mudumalai, dans les Nilgiris dans le sud de l'Inde
Le parc national de Mudumalai couvre environ 320 km2. Il abrite plusieurs espèces menacées dont le tigre du Bengale, le léopard indien, l’éléphant d’Asie et le gaur (gros bovidé sauvage). Il est aussi le refuge de nombreux oiseaux remarquables. Il y aurait aujourd’hui 150 tigres dans le parc (pour environ 3 000 dans toute l’Inde).
Le parc a été créée en 1986, mais c’’est à partir de 2007 que les mesures strictes de protection ont été adoptées avec l’expulsion de la population qui y vivait alors. Plus de 2 000 personnes ont dû ainsi quitter leur maison et les zones de pâturage du bétail ont été abandonnées. La rancœur persiste dans le cœur de nombreux habitants, qui se sentent lésés.
Une cohabitation difficile entre la faune sauvage et les hommes en Inde
La cohabitation avec la faune sauvage est difficile.
D’un côté, les habitants se plaignent des attaques et dégâts causés dans leurs plantations et auprès de leurs élevages. Le problème est d’autant plus aigu que jusqu’ici, il n’y a pas eu de réelle politique de régulation des populations d’animaux sauvages. Les sangliers et les cervidés se développent sans contrôle.
De l’autre côté, la faune sauvage est menacée par les activités humaines. Trois routes importantes (dont celle qui relie Mysore à Ooty) traversent le parc. En un an, il a été compté plus de 180 animaux écrasés sur ces routes, le long du parc. Les incendies de forêt sont fréquents et réduisent l’espace naturel protégé. Des constructions et des zones mises en plantation de façon illégale grignotent la surface du parc. Le sol forestier est riche et propice aux cultures. Des plantations de bananiers en particulier se créent en périphérie. Les propriétaires les protègent en installant des clôtures électriques ou des barbelés, coupant ainsi les lignes de passage des animaux.
Enfin, le tourisme devient un enjeu économique prioritaire. La présence humaine dans le parc s’intensifie et les équipements construits ne tous pas compatibles avec la protection des espaces sauvages.
L’épisode MDT23 risque d’envenimer la situation.