Petit-déjeuner des nouveaux ministres à Matignon, premier Conseil des ministres à l'Elysée, et plusieurs passations: le gouvernement Barnier, attelage fragile entre les macronistes et Les Républicains, va faire ses premiers pas lundi, déjà critiqué et menacé de censure.
Un premier Conseil des ministres après plus de deux mois de crise politique: les 39 membres du gouvernement de Michel Barnier, très majoritairement issus de la macronie et de la droite, se sont brièvement réunis lundi pour la première fois à l'Elysée autour du chef de l'Etat.
Ce premier conseil, dans le jardin d'hiver du palais présidentiel, a duré moins d'une demi-heure, mais l'équipe doit se réunir à nouveau vendredi de 15H00 à 18H00 pour un "séminaire gouvernemental", a indiqué Matignon. Cette échéance est destinée à préparer la déclaration de politique générale de M. Barnier devant l'Assemblée nationale, prévue mardi 1er octobre.
Elle sera suivie par la photo officielle du gouvernement, qui sera prise à Matignon, sans le président Emmanuel Macron.
Lors du bref Conseil des ministres, ce dernier a assuré lundi à ses ministres qu'il serait "là pour (les) aider à réussir", "avec une seule boussole, l'unité du pays et l'intérêt supérieur de la nation", a rapporté un participant. Chaque ministre, "dépositaire d'une mission plus grande que lui", doit faire preuve de "courage", d'"audace" et d'"ambition", a martelé le chef de l'Etat.
M. Macron a aussi appelé les ministres à cultiver un "esprit de dialogue" entre eux, mais aussi "avec les Français qui n'ont pas tous fait (le) choix" de cette alliance entre la droite et la macronie. "Beaucoup de nos compatriotes ont exprimé des voix divergentes. Il faut les entendre et les respecter", a-t-il insisté.
De son côté, Michel Barnier a exhorté ses ministres à se montrer solidaires, "irréprochables", "modestes" et respectueux de tous les partis politiques, au sein d'un gouvernement "républicain, progressiste et européen".
Lundi matin, la journée du nouvel exécutif avait commencé par un "petit-déjeuner gouvernemental" de plus deux heures à Matignon: une rencontre "autour d'un café pour mieux se connaître", selon le Premier ministre, dont l'équipe est déjà parcourue de tiraillements.
- "Rétablir l'ordre" -
Les macronistes se sont ainsi inquiétés de la présence de ministres conservateurs, et ont demandé à M. Barnier des assurances sur les lois sociétales comme l'interruption volontaire de grossesse (IVG) ou le mariage pour tous. Ces "grandes lois" de "progrès social ou sociétal" seront "intégralement préservées", leur a répondu le locataire de Matignon, dimanche sur France 2.
Dans le viseur des macronistes figurait notamment le ministre LR de l'Intérieur Bruno Retailleau, conservateur sur ces sujets et par ailleurs tenant d'une ligne ferme en matière d'immigration, de sécurité ou de respect de la laïcité.
Succédant lundi place Beauvau à Gérald Darmanin, M. Retailleau a martelé qu'il voulait "rétablir l'ordre" même si "tout ne va pas se faire d'un coup de baguette magique" parce que "la pente à remonter est rude".
Et au JT de TF1, il a dit vouloir "prendre tous les moyens" pour faire "baisser l'immigration en France", ce que le premier secrétaire du PS Olivier Faure a renvoyé à des "effets de manche". "Je pense que l'immigration massive ça n'est pas une chance pour la France et ça n'est même pas une chance pour ces migrants qu'on envoie parfois périr en pleine mer", a cependant insisté M. Retailleau.
Le garde des Sceaux sortant Eric Dupond-Moretti a lui demandé que la loi de programmation pour la justice, qu'il a fait voter, soit "respectée", parlant sinon de "trahison". Son successeur, l'ancien député socialiste Didier Migaud, a assuré qu'on pouvait être "partisan d'une maîtrise budgétaire sans remettre en cause les priorités".
L'Education nationale "ne changera pas de cap", a promis pour sa part sa nouvelle ministre Anne Genetet, qui a succédé à Nicole Belloubet sur fond d'instabilité chronique à ce poste.
- Pas de miracle -
La santé, autre dossier prioritaire du gouvernement, est elle passée dans les mains de Geneviève Darrieussecq, qui a cité lundi l'accès aux soins et la prévention comme "axes majeurs" de sa future politique, tout en avertissant qu'elle ne pourrait pas "faire de miracles" sur le plan budgétaire.
Sur le projet de loi de fin de vie, qui a suscité des débats très nourris à l'Assemblée, avant que ceux-ci ne s'arrêtent pour cause de dissolution, elle a souhaité que le Parlement puisse "terminer le travail" entamé.
Le nouveau ministre de la Fonction publique Guillaume Kasbarian a lui plaidé pour "débureaucratiser à tous les étages", tandis que sa collègue du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a promis une réforme des retraites "plus soutenable pour tous" mais sans dévoiler ses intentions sur celle de l'assurance chômage, à propos de laquelle elle avait émis des réserves.
Alors que l'élaboration du budget 2025, qui a déjà pris un retard inédit, est l'urgence numéro un, Michel Barnier a promis dimanche de ne "pas alourdir encore l'impôt sur l'ensemble des Français" mais suggéré que "les plus riches", voire les grosses entreprises, prennent part "à l'effort de solidarité".
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