Acteur historique de la francophonie ontarienne, ACFO Ottawa n’a jamais cessé d’évoluer. Créée dans la foulée des grands mouvements identitaires franco-ontariens des années 1960, l’association s’efforce aujourd’hui de rassembler, de documenter et d’agir pour répondre aux nouveaux défis d’une communauté francophone de plus en plus plurielle. Entretien avec Anik Larivière, directrice générale par intérim depuis janvier.


Une voix politique enracinée dans l’histoire franco-ontarienne
Fondée à la fin des années 60, ACFO Ottawa s’inscrit dans l’élan militant qui a profondément marqué les années 1970, décennie charnière pour l’identité franco-ontarienne. Ce sont les années du drapeau franco-ontarien, de la création de la FESFO, de l’émergence d’un réseau d’institutions culturelles et éducatives portées par la communauté. « On fait partie de ce grand mouvement d’affirmation identitaire. Dès le départ, notre mandat a été politique : faire valoir les droits des francophones et mettre en lumière les enjeux qui les concernent », explique Anik Larivière. Cette vocation demeure, même si le contexte a profondément évolué depuis.
L’ACFO Ottawa est membre de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), organisme porte-parole de l’ensemble des francophones de la province.
L’histoire d’ACFO Ottawa commence en 1969, lorsque le Conseil régional Ottawa-Vanier est créé comme section locale de l’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO). En 1994, ce conseil est officiellement incorporé, puis prend le nom d’ACFO Ottawa en 1997, sous l’appellation Association canadienne-française de l’Ontario – Conseil régional d’Ottawa.
En 2012, pour mieux refléter la diversité des francophones d’Ottawa, l’organisation change de nom et devient l’Association des communautés francophones d’Ottawa. Elle conserve toutefois son sigle ACFO Ottawa, en hommage à son histoire. Ce nouveau nom s’inscrit aussi dans l’esprit de la Définition inclusive de francophone (DIF) adoptée par le gouvernement de l’Ontario en 2009.
Une francophonie pluriculturelle, en pleine mutation
Avec l’arrivée de nouvelles vagues d’immigration francophone, Ottawa voit sa communauté se diversifier. « La francophonie d’aujourd’hui est très différente de celle d’hier. On parle de pluralité culturelle, de réalités sociales variées, de parcours migratoires complexes », note Mme Larivière. Face à ce changement, ACFO Ottawa souhaite mieux comprendre ces nouveaux visages : « Il nous manque encore beaucoup de données sur qui compose cette francophonie. Sans portrait clair, difficile de formuler des revendications efficaces. »
Repositionner ACFO Ottawa comme moteur de concertation
Nommée en janvier 2025, Anik Larivière a reçu un mandat clair : repositionner ACFO Ottawa. « Il fallait sortir de l’improvisation et poser les bases d’un plan stratégique solide. Trop souvent, dans le passé, des projets ont été lancés sans réel suivi ou évaluation de leurs retombées. » L’association entend désormais jouer un rôle pivot, en rassemblant les organismes francophones autour de tables de concertation. L’objectif : mutualiser les efforts, briser l’isolement et affronter ensemble les défis liés au recrutement, à la rétention et à la formation des ressources humaines.
Ottawa, ville bilingue : une stratégie de terrain
L’un des projets emblématiques de ACFO Ottawa ces dernières années est sans conteste Ottawa, ville bilingue. Grâce à une entente avec Patrimoine canadien, l’association redistribue des fonds à des organismes pour promouvoir le bilinguisme dans leurs pratiques internes. « Cela va de formations linguistiques pour les infirmières de l’Hôpital Montfort, à des projets communautaires à la Maison de la Francophonie. C’est du concret », insiste Anik Larivière. L’enjeu est clair : garantir un accès aux services en français et renforcer la vitalité linguistique de la ville.
Une structure unique en Ontario… et au-delà?
ACFO Ottawa est l’une des rares associations francophones avec un mandat explicitement politique. « Les autres ACFO en Ontario ont souvent une approche plus communautaire ou sociale. Nous, on se positionne pour influencer les politiques publiques », précise-t-elle. Une spécificité qui n’a pas vraiment d’équivalent ailleurs au Canada, hormis au Nouveau-Brunswick. Pourtant, « il y aurait matière à essaimer, notamment dans l’Ouest où les communautés francophones, souvent issues de l’immigration, sont en pleine croissance mais manquent de structures politiques fortes ».
Être francophone minoritaire : un engagement quotidien
Être francophone en milieu minoritaire n’est pas un simple fait linguistique, c’est un choix de vie. Pour Anik Larivière, elle-même issue d’une famille militante d’Ottawa, c’est aussi une question de justice sociale : « On ne peut pas parler de société inclusive sans garantir aux francophones un accès équitable à la santé, à l’éducation, à la culture. » Elle évoque les obstacles vécus au quotidien : des services médicaux en anglais uniquement, des programmes postsecondaires en français qui disparaissent, des diplômés francophones qui peinent à trouver un emploi à la hauteur de leurs compétences faute de maîtrise de l’anglais. « Pour moi, la francophonie, c’est la possibilité pour chaque enfant de poursuivre tout son parcours de vie en français s’il le souhaite. »
Une francophonie à bâtir ensemble
Alors que ACFO Ottawa amorce une nouvelle phase stratégique, la francophonie canadienne, elle aussi, se transforme. Face aux défis de l’inclusion, de la représentativité et de l’ancrage politique, l’organisme se veut catalyseur d’un mouvement plus large. Reste à savoir comment cette énergie locale pourra inspirer d’autres régions du pays et bâtir une francophonie solidaire, plurielle… et pleinement reconnue.
Article réalisé en collaboration avec le RIMF, avec le soutien de l’Organisation Internationale de la Francophonie
Sur le même sujet
