Le Petit Journal a rencontré Fabien Lotz, responsable de la zone Vietnam chez POPS Worldwide. Dans la première partie de cette interview, il présente son parcours varié et pavé d’opportunités, comme il aime à le dire. Cette rencontre est également pour nous l’occasion de découvrir la vie d’un expatrié français installé au Vietnam depuis 25 ans.


1 - Bonjour Fabien, pour commencer, pouvez-vous vous présenter et nous dire quel est votre lien avec le Vietnam ?
Bonjour, je m’appelle Fabien Lotz et je suis né à Versailles en 1973, où j’ai fait mon primaire. Par la suite, ma famille a déménagé à Aix-en-Provence, où j’ai suivi tout le reste de mon cursus, notamment des études supérieures dans le domaine de l’anthropologie. Je suis en effet chercheur en sciences sociales et historien anthropologue de formation.
Mon intérêt premier pour le Vietnam se situe sur le plan familial et historique. En effet, au au début de la période coloniale, mon trisaïeul est arrivé dans le Tonkin en tant que marin. Il s’y est installé et y a rencontré la femme qui allait devenir son épouse, et ses descendants ont continué à vivre au Vietnam pendant 3 générations, ma mère naissant à Saigon en 1950.
À la fin de la guerre d'Indochine, la famille de ma mère a migré vers la France, marquant un moment de déracinement à cause de l’éloignement de la terre natale vietnamienne avec une arrivée de la famille à Marseille en 1954 et le début d’une nouvelle vie en France.
Ainsi, j’ai par chance été baigné dans la culture vietnamienne et j’ai toujours eu envie d’en découvrir davantage sur ce pan de ma culture familiale. Cela passait notamment par une envie d’apprendre la langue vietnamienne ainsi que la volonté de venir faire des études au Vietnam.
Aujourd’hui, je travaille en tant que directeur des opérations du Vietnam pour Pops Worldwide, une start-up vietnamienne spécialisée dans le contenu digital (musique, animé, webtoon, influenceurs IA) qui, on l’espère, entrera en bourse au Japon dans peu de temps. Nous y reviendrons dans la suite de l’interview.
2 - Dans quel contexte arrivez-vous au Vietnam au début des années 2000 ? Comment percevez-vous l’évolution du pays depuis votre arrivée ?
Mon arrivée au Vietnam s’est déroulée dans le cadre d’une thèse d’anthropologie sur les éleveurs de crevettes dans le delta du Mékong. À partir de ce moment-là, j’ai pu en effet observer une évolution rapide du pays.
En 2000, le pays se trouvait au début d’une période de développement et s’ouvrait au reste du monde. J’ai vu le Vietnam s’adapter aux changements du monde, adopter de nouvelles techniques de travail et de production, comme le digital par exemple, tout en les adaptant aux besoins et traditions du pays.
3 - Qu’est-ce qui vous attire au Vietnam et vous incite à y rester aujourd’hui ?
Ce qui me donne envie de continuer à vivre au Vietnam est avant tout l’incroyable positivité du peuple vietnamien, qui perçoit le passé et le présent d’une manière totalement différente des Français.
Ils portent un regard assez enthousiaste sur le futur, en pensant que le meilleur reste à venir. Vivre ici est pour moi l’équivalent d’une fontaine de jouvence, car il m’est toujours possible de rester optimiste sur le futur et les opportunités à venir.
4 - Comment se passe la vie de famille au Vietnam ? Dans quelle mesure vos enfants et vous-même vivez dans un milieu multiculturel ?
Je suis aujourd’hui père de quatre enfants, tous nés au Vietnam, et je trouve cela très positif qu’ils puissent bénéficier d’un milieu familial multiculturel. Ils ne connaissent tous les quatre que le Vietnam comme terre d’accueil, mais sont tout de même reliés à la France de mon côté, mais également aux États-Unis par le biais de ma femme, qui est américaine.
Je dirais que mes enfants évoluent sur un plan différent du nôtre, étant donné la multitude d’influences dont ils bénéficient grâce à ce mélange de cultures, qui constitue un patrimoine unique, que ce soit en termes linguistique, culinaire ou même psychologique.
5 - Vous êtes aujourd’hui très impliqué dans le secteur digital, est-ce une passion plus qu’une simple activité (vos enfants vous suivent-ils dans cette passion) ?
Je suis d’une génération qui n’est pas née dans le digital, donc nous avons eu l’occasion de voir les évolutions de ce vaste domaine au fur et à mesure, en les absorbant à notre vitesse. Le digital est également une passion en ce qu’il me permet d’accéder à tous les types de formats (audio, vidéo, écrit).
Mes enfants se plongent également eux-mêmes dans le monde digital dans lequel ils baignent depuis toujours via l’école ou les amis. La différence entre les générations se caractérise par le fait qu’ils bénéficient très tôt de contenus très variés via les plateformes digitales, ce qui rend leur utilisation quasiment naturelle pour eux.
6 - Votre parcours professionnel est très diversifié : d’une thèse d’anthropologie sur les éleveurs de crevette à l’intégration d’une start-up dans le digital, en passant par Microsoft et Nokia ; comment s’est effectuée la passerelle entre toutes ces disciplines ? Qu’est-ce qui vous a mené à vous spécialiser aujourd’hui dans le digital ?
Je dirais que mon parcours est très lié à la notion d’opportunité. Je me considère comme opportuniste, même si aujourd’hui ce terme a une connotation négative en France.
Dans le cadre de mes études, j’ai effectué un travail de recherche de terrain dans le delta du Mékong afin de pouvoir écrire ma thèse. Dans ce cadre, j’ai pu bénéficier d’une bourse de l’ambassade de France, qui m’a ouvert les portes de l’apprentissage du vietnamien à l’université des sciences sociales et humaines de Ho Chi Minh-Ville.
En 2003, j’ai été confronté à un choix : soit rentrer en France pour poursuivre mon cursus et entrer dans le monde professionnel ou bien rester au Vietnam, dont j’avais appris la langue et la culture. J’ai finalement fait le choix de ne pas rentrer.
Après un passage par les ONGs puis le Ministère des Affaires Etrangères, je vais intégrer le secteur privé via l’un de mes collègues du Consulat pour vivre une aventure dans le domaine du jeu vidéo mobile chez Gameloft.
Après avoir dirigé un studio de développement d à Ho Chi Minh-Ville, je quitte l’entreprise en 2011, non sans avoir passé un MBA (Master of Business Administration) en cours du soir.
L’obtention de ce diplôme va faciliter beaucoup de choses, me permettant d’intégrer l’équipe de Nokia au Vietnam. En 2013, Nokia sera racheté par Microsoft, faisant basculer le management de l’entreprise dans un style plus américain qu’européen.
Je décide donc fin 2015 de quitter la multinationale. Au même moment, ma femme qui avait lancé sa start-up en 2008 : POPS, me propose de l’accompagner son développement à l’international.

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Retrouvez la seconde partie de cette interview dans un article à paraître la semaine prochaine!
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